L’assurance-vie, ce super instrument de vie
Par Jean Aulagnier, vice-président de l’Aurep
Trop souvent l’assurance-vie est présentée comme un efficace instrument de transmission. Il conviendrait d’accumuler, plus pour transmettre à autrui que pour consommer pour soi-même. Stipulation pour autrui, dont on souligne les vertus transmissives, tant civiles que fiscales.
Civilement, le capital issu du contrat dénoué serait dispensé de rapport et de réduction, comme n’étant pas un bien successoral sur le fondement des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances, ce qui permettrait de contourner les contraintes posées par la « réserve ».
Fiscalement, le capital échapperait en partie tant aux droits de mutation selon les dispositions de l’article 757 B du CGI(1) (dans la limite de 30 500 euros de primes et des plus-values) qu’au prélèvement prévu en application des dispositions de l’article 990 I du CGI(2) (dans la limite de 152 500 euros par bénéficiaire).
Dispositions civiles et fiscales mises en avant pour convaincre l’épargnant de souscrire ou d’alimenter un ou plusieurs contrats d’assurance, car plus il aura été investi en assurance-vie et plus le solde au décès pourrait être important.
Mais pour garantir la bonne fin, civile et fiscale, du contrat au profit des personnes choisies par l’assuré, il est souhaitable de vendre d’abord l’assurance-vie pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un instrument de vie. C’est du bon usage du contrat d’assurance pour soi-même que dépendra sa bonne fin pour autrui.
Ne pas insister sur cet aspect du contrat, c’est-à-dire ne pas insister sur l’utilité du contrat pour l’assuré lui-même, c’est d’abord ignorer la réalité biologique : « pour mourir et transmettre, il faut d’abord vivre », et, à tant faire de vivre, vivons autant que possible agréablement grâce au capital placé en assurance-vie.
C’est surtout ouvrir la porte à une requalification possible du contrat dénoué en donation en laissant croire que le facteur déterminant de la souscription ou de l’accumulation était la transmission d’un bien qui, de fait, et à défaut de l’être de droit, provient bien du patrimoine de l’assuré.
Il est donc indispensable de mettre en avant les qualités (et elles sont nombreuses) du contrat d’assurance-vie comme instrument de vie au service de l’assuré et de ses proches. Il faut utiliser et développer un argumentaire raisonné et convaincant devant accompagner toute sollicitation de l’assuré. Nous proposons cet argumentaire que chacun pourra enrichir et adapter aux situations rencontrées.
Argumentaire de vente
Souscrire et alimenter un contrat d’assurance-vie, c’est détenir une créance monétaire(3) contre un assureur, débiteur de qualité :
- créance adossée à des actifs répondant au premier critère de toute stratégie de placement, la diversification : obligations, actions, immobilier (v. article L. 131-1 du code des assurances) ;
- créance adossée à des actifs choisis par l’assureur (UC euros) avec garantie du capital ou choisis par l’assuré (UC diversifiées) sans garantie du capital, qui participent de la valorisation du capital accumulé ;
- créance dont la gestion des actifs adossés est déléguée à des mains expertes, assureurs et banquiers ;
- créance dont l’adossement peut être adapté en permanence au niveau de risque accepté, corrélé au rendement espéré ;
- créance calée, soit sur la durée de vie du souscripteur (notre préférence), soit sur une durée déterminée choisie par l’assuré ;
- créance à durée déterminée qui peut être prorogée sans perte de son antériorité ;
- créance parfaitement liquide, liquidité garantie par le code des assurances (v. article L 132-21 du code des assurances) ;
- créance totalement divisible, retraits partiels calés aux dépenses à financer ;
- créance bénéficiant d’une fiscalité du retrait particulièrement favorable (v. article 125-0-A du CGI), imposition de la seule fraction des intérêts inclus dans le montant du retrait ;
- créance dont l’importance peut varier librement au gré des versements et retraits effectués ;
- créance ne connaissant ni limite de montant, ni limite d’âge (v. les RM de Mme Lagarde à M. Loos, en date du 14 juillet 2009, et de M. Moscovici à M. Lazaro, en date du 12 octobre 2012) ;
- créance pouvant être détenue par un seul épargnant (souscription individuelle) ou par plusieurs (co-adhésion ; v. article L. 132-1 du code des assurances) ;
- créance pouvant être acquise et détenue par un mineur, par un majeur incapable, sous curatelle ou tutelle ; v. article L. 132-4-1 du code des assurances ;
- créance gérée, lorsqu’elle fait partie de la communauté, par le titulaire du « titre » (un époux) qui l’emporte sur les titulaires de la finance (les époux) ;
- créance pouvant être acquise et détenue en démembrement de propriété, par subrogation d’un actif démembré ;
- créance dont la gestion peut être déléguée à un proche ou à un mandataire choisi par l’assuré (v. Cass Civ. 1re, 5 juin 2008) ;
- créance qui peut être payée (rachat) dans les unités de compte ayant servi à l’adossement (v. article L. 131-1 du code des assurances) ;
- créance non éligible à l’IFI, sauf pour sa valeur adossée à des actifs immobiliers ;
- créance pouvant être proposée à titre de garantie de prêts bancaires (nantissement ou délégation de créance) ou de prêts de la compagnie d’assurance elle-même (avance), créance de nature à faciliter l’obtention du prêt et la négociation du taux d’intérêt (v. Cass. Civ. 1re, 28 février 2006, n° 02-10.602) ;
- créance ne pouvant pas faire l’objet d’une saisie, sauf saisie par l’administration fiscale (v. loi du 6 décembre 2013) ;
- créance qui, financée avec des deniers communs, constitue une créance commune, c’est-à-dire un acquêt de communauté ;
- créance bénéficiant à l’époux survivant, totalement défiscalisée lors de la liquidation de la communauté par décès d’un des époux (v. BoFip du 31 mai 2016) ;
- créance qui peut être l’objet d’un emploi de deniers propres à l’un des époux, pour en conserver le caractère propre, sous réserve de respecter les dispositions du code civil (v. article 1434 et s. du Code civil) ;
- créance qui pour être placée hors communauté peut faire l’objet d’une disposition matrimoniale de type préciput (v. article 1515 du Code civil) ;
- créance de nature monétaire pouvant être pris en compte dans un partage verbal, hors du champ de prélèvement de la taxe de 2,50 % (v. RM Valter du 22 janvier 2013) ;
- créance, enfin, qui s’éteindra au décès de l’assuré, pour réapparaître entre les mains des bénéficiaires qu’il aura choisis (v. article L. 132-12 du code des assurances).
En conclusion : bien vivre grâce à l’assurance-vie !
1. Les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €.
2. « I. – Lorsqu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 757 B, les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un ou plusieurs organismes d’assurance et assimilés, à raison du décès de l’assuré, sont assujetties à un prélèvement à concurrence de la part revenant à chaque bénéficiaire de ces sommes, rentes ou valeurs correspondant à la fraction rachetable des contrats et des primes versées au titre de la fraction non rachetable des contrats autres que ceux mentionnés au 1° du I de l’article 199 septies et que ceux mentionnés à l’article 154 bis et au 1° de l’article 998, ainsi que ceux mentionnés à l’article L. 7342-2 du code du travail et souscrits dans le cadre d’une activité professionnelle, diminuée d’un abattement proportionnel de 20 % pour les seules sommes, valeurs ou rentes issues des contrats mentionnés au 1 du I bis et répondant aux conditions prévues au 2 du même I bis, puis d’un abattement fixe de 152 500 €. Le prélèvement s’élève à 20 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire inférieure ou égale à 700 000 €, et à 31,25 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire excédant cette limite… ».
3. Nous ne pouvons nous résoudre à considérer que le contrat d’assurance ne constituerait pas une créance entre les mains de son détenteur. Pour certains l’assurance vie ne serait pas un « bien », ne voyant pas alors ce qu’il pourrait être, nous restons fermement attachés à notre qualification.
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