Hausse de la CSG : les gagnants et les perdants
Par Thomas Rone, associé du cabinet Exco Nexiom en charge du pôle gestion de patrimoine
Mise en place le 1er janvier prochain, l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) va faire des heureux et des déçus. Le point pour les différents types de contribuable.
La contribution sociale généralisée (CSG) sera augmentée de 1,7 point à partir du 1er janvier prochain. Instituée en 1991 par le gouvernement Rocard, cette taxe permet de financer la protection sociale en imposant l’ensemble des revenus. Elle a pour but de diminuer les cotisations sociales touchant uniquement les revenus d’activités professionnels en créant une taxe généralisée qui est acquittée par tous.
Mesure visant à financer les baisses de cotisations sociales pour les salariés, la hausse de la CSG touche l’ensemble des ménages et des revenus, d’autant plus qu’elle s’applique dans la plupart des cas avant abattement. Seules les allocations, également non imposables, sont exemptées. Par ce procédé, le gouvernement entend réduire le coût du travail et augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs en transférant la charge sociale payée uniquement par les salariés et les indépendants vers la CSG payée par l’ensemble des ménages. L’exécutif a également annoncé que cette hausse serait déductible pour l’ensemble des revenus.
Quelles seront les conséquences de cette hausse pour les différents profils de contribuables ? La possibilité de déduire cette hausse pour l’ensemble des revenus est-elle vraiment une bonne nouvelle ?
La CSG, une taxe généralisée hybride
A l’exception des allocations, tous les revenus sont soumis à la CSG, mais les taux sont modulés en fonction du type de revenus :
- 7,5 % pour les revenus d’activité ;
- 6,5 % pour les revenus de remplacement (retraite, chômage, indemnités journalières maladie et maternité) ;
- 8,2 % pour les revenus du patrimoine (revenus fonciers, dividendes, intérêts, plus-values mobilières et immobilières, etc.) ;
De par son statut hybride entre taxe et contribution sociale, le traitement fiscal de la CSG est atypique. A ce jour, la CSG est déductible pour une partie (5,1 %, par exemple pour les salaires) et non déductible pour une autre partie (2,4 %). La CSG est donc une taxe non conventionnelle : mi-cotisation déductible et mi-taxe non déductible.
En effet, la plupart des taxes ne sont pas déductibles de l’assiette d’imposition des revenus : l’impôt sur le revenu n’est pas déductible des revenus imposables, l’impôt sur les sociétés n’est pas déductible du bénéfice imposable des entreprises, les droits de succession ne sont pas déductibles de l’actif net successoral, etc. Or à l’inverse, les cotisations sociales payées sont déductibles du revenu brut, et seul le revenu net est imposable. La CSG réunit donc les deux principes de taxe et de contribution sociale.
Salariés et indépendants : une réforme « neutre » et parfois favorable
Les salariés sont les premiers bénéficiaires de la réforme de la CSG. En effet, le basculement des charges sociales, notamment des cotisations maladie et chômage, sur la CSG devrait profiter aux salariés. Un salarié gagnant le Smic devrait voir ses revenus augmenter de 250 € par an. Pour un salarié touchant 2 000 € mensuels, le gain de pouvoir d’achat serait de 500 €. De plus, la hausse de la CSG sera déductible, ce qui est logique dans la mesure où elle se substitue à des cotisations sociales qui étaient déductibles.
Pour les indépendants, les annonces du Premier ministre Edouard Philippe, début septembre, ont d’ores et déjà apaisé les craintes liées à cette hausse. Afin de ne pas amputer trop fortement sur leurs revenus, un coup de pouce de 200 millions d’euros a été annoncé de la part du gouvernement. Les indépendants bénéficieront, notamment, de deux baisses de cotisations qui effaceront l’effet de l’augmentation de la CSG : la première, de 2,15 points sur les cotisations famille et la seconde sur les cotisations maladie représentant un allégement de 1,5 point, mesure qui permettrait à 75 % des indépendants dont les revenus annuels n’excèdent pas 43 000 € par an de gagner en pouvoir d’achat.
Retraités : une perte de pouvoir d’achat, à l’exception des petites retraites
En revanche, la réforme de la CSG se révèle défavorable pour les ménages détenteurs d’autres revenus (retraités, fonctionnaires, chômeurs et titulaires de revenus patrimoniaux). Notamment pour les retraités qui sont les grands perdants de la réforme. Les éventuelles mesures compensatoires pour leurs revenus ne sont, à ce jour, pas connues, même si la suppression de la taxe d’habitation peut en être une.
Cette baisse de pouvoir d’achat peut toutefois être relativisée si l’on tient compte de la forte solidarité intergénérationnelle qui existe en France. La baisse de leurs pensions est à voir en miroir du gain de pouvoir d’achat dont vont bénéficier leurs descendants – salariés et indépendants – avec la diminution des charges sociales. De plus, la déductibilité de cette hausse devrait amortir le coût de la baisse de leur pension à due concurrence de leur tranche marginale.
Un contribuable imposé à la tranche marginale de 41 % subira une diminution de sa retraite nette après impôt de seulement 59 %. A l’inverse, le retraité soumis à une tranche marginale plus faible aura un effet « amortisseur » plus faible.
Néanmoins, le retraité non imposable devrait être exempté d’augmentation de la CSG, puisque le projet prévoit que les petites retraites ne soient pas concernées par cette hausse.
Revenus fonciers, financiers et immobiliers : des impacts différents sur les revenus de patrimoine
Les détenteurs de revenus patrimoniaux, également concernés par la hausse de la CSG, sont les autres « perdants » de la réforme. Les revenus fonciers seront particulièrement pénalisés, puisqu’aucune mesure compensatoire n’est prévue. Pour les revenus financiers, le projet de Flat Tax à 30 %, taux incluant la CSG, devrait permettre à la majeure partie des contribuables de ne pas être impactés.
Les contribuables imposés aux tranches marginales de 30, 41 et 45 % seraient même gagnants. Seuls les dirigeants de PME partant à la retraite seraient largement pénalisés, puisque les plus-values liées aux cessions d’actions passeront d’une imposition très faible (de 15,5 % à 22,5 %) à 30 %.
Les plus-values immobilières seront, quant à elles, impactées de manière limitée, l’assiette d’imposition bénéficiant d’un abattement relatif à la durée de détention. Pour les titulaires de revenus du patrimoine, la subtilité des règles fiscales prévoit la déductibilité de la CSG pour les seuls revenus imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
La CSG est donc déductible pour les revenus fonciers et les plus-values mobilières. Pour les revenus imposés à un taux forfaitaire (revenus financiers soumis à la Flat Tax ou plus-values immobilières), la CSG n’est pas déductible et son augmentation ne sera donc pas amortie par sa déductibilité.
La réforme devrait indéniablement bénéficier aux salariés et indépendants au détriment des retraités et des titulaires de revenus fonciers qui verront leur imposition s’alourdir. Toutefois, des arbitrages pourraient intervenir au moment des discussions autour du projet de loi de finances, et il n’est pas inenvisageable que de nouvelles mesures compensatoires soient mises en place.
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