Expatriés, oubliés de Bercy ?
Par Olivier Grenon-Andrieu, président d’Equance
Les quelques 2 millions de Français établis à l’étranger sont rejoints chaque année par 3 % de nouveaux expatriés auxquels il convient d’ajouter environ 500 000 Français non enregistrés, illustration d’une tendance actuelle d’un monde en forte mobilité. Ces derniers resteront sans doute encore sur leur faim en découvrant la dernière mouture de la loi de finances 2019.
En effet, il ne faut guère s’attendre à des dispositions simplificatrices de nature à corriger les incohérences actuelles des dispositifs fiscaux à l’égard des Français à l’étranger. Arrêtons-nous, néanmoins, sur quelques mesures.
Plus-values immobilières : un satisfecit mesuré
A défaut de disposition simplificatrice, accueillons avec satisfaction celle qui octroie une exonération d’impôt sur la plus-value, lorsque le bien qui constitue la résidence principale de l’expatrié est cédé entre la date de son départ jusqu’au 31 décembre de l’année suivante. Ce bien ne devra pas faire l’objet d’une location pendant cette période (PLF, art. 16 ter).
Pour les logements non dédiés à la résidence principale, l’exonération s’applique lorsque la plus-value nette taxable n’excède pas 150 000 €, soit 300 000 € pour un couple codétenteur du bien. La mesure n’est pas nouvelle, mais reste encore méconnue par certains professionnels. Il faut encore ici distinguer selon que le bien est à la libre disposition du contribuable ou bien loué. S’il est loué, l’exonération s’appliquerait pendant un délai de 10 ans à compter du transfert du domicile fiscal à l’étranger (5 ans actuellement). En revanche, pour un bien restant à la disposition du contribuable depuis le 1er janvier précédant la cession, la condition de délai n’existe pas (CGI, art. 150 U II). Mais le bénéfice d’un tel régime ne peut s’appliquer deux fois si le contribuable vend successivement sa résidence principale puis veut bénéficier de ce dispositif. Une stratégie patrimoniale devra alors être adoptée avant toute cession.
Hausses d’impositions, prélèvements sociaux : des traitements discriminatoires
Le PLF 2019 introduit une augmentation significative du taux d’imposition des non-résidents sur les revenus de placements immobiliers, en le faisant passer de 20 à 30 % (CGI, art. 197 A).
Mais c’est sur le terrain des prélèvements sociaux CSG/CRDS que tout se complique depuis plusieurs années, avec des contentieux en série entre la France et l’Union européenne et les non résidents sur l’application des prélèvements sociaux sur les revenus de placements immobiliers. D’où vient le problème ?
Pour des questions de recettes budgétaires depuis plusieurs années, on a davantage taxé les non-résidents qui se trouvent stigmatisés par ces mesures. Ils ont ainsi subi une hausse substantielle, le taux d’imposition sur les revenus de placements immobiliers, passant de 20 % à 37,2 % en quelques années. La CSG/CRDS serait, quant à elle, supprimée pour les non-résidents de l’UE. A la place, un prélèvement de solidarité de 7,5 % sans que l’on connaisse encore la destination des sommes prélevées. Quant aux résidents hors UE, la CSG/CRDS serait maintenue et ils seraient toujours soumis à un prélèvement de 17, 2 %. Le taux passerait donc à 47.2%, et l’on nous parle de baisse ! Pourquoi une différence de traitement ? Silence...
Quel avenir pour l’exit tax ?
L’exit tax n’a pas échappé à quelques évolutions dans la version 2019 du PLF dans son article 51. Elle est même renforcée par un nouveau régime dit « anti abus » Ainsi, l’imposition des plus-values sur la cession de valeurs mobilières et droits sociaux en cas de transfert du domicile fiscal hors de France serait désormais dégrevé au-delà de 2 ans et non plus 15 ans suivant le transfert de domicile à l’étranger, ce délai étant porté à 5 ans lorsque la participation dépasse 2,57 millions d’euros.
Une retenue à la source contestable
En seconde lecture, l’Assemblée nationale a modifié l’article 13 bis du PLF pour adopter, sous une nouvelle numérotation, l’article 36. Cet article affiche la volonté de lutter contre des montages d'optimisation de distribution de dividendes, de manière directe ou indirecte, en appliquant une retenue à la source de 12,8%. Elle sera effectuée sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, par une personne qui est établie ou a sa résidence en France au profit, d'une personne physique qui n'est pas établie ou n'a pas sa résidence en France. Le texte énonce des conditions précises pour mettre en place ce dispositif anti abus. Autrement dit, les flux financiers relatifs aux dividendes versés à un actionnaire non-résidents seraient soumis à ce prélèvement, et ce même en présence d’une convention fiscale internationale. Sous prétexte de lutter contre certaines formes d’optimisation fiscale, cette mesure sera source de contentieux, si elle est maintenue dans la version validée par le conseil constitutionnel.
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