Assurance-vie : les « vieux » contrats poussés vers la sortie
Par Benoît Berchebru, directeur du service ingénierie patrimoniale de Nortia, groupe DLPK.
Le législateur a décidé d’accélérer la fin programmée des « vieux » contrats d’assurance-vie, souscrits avant 1983, en supprimant leur avantage fiscal. Un changement des règles du jeu en cours de partie qui concerne tout de même 30 % de l’encours total en assurance-vie. Une mesure rétroactive qui interroge également sur la volonté des pouvoirs publics d’offrir aux épargnants français un cadre fiscal stable et rassurant.
Les « vieux » contrats d’assurance-vie sont dans le viseur du législateur. Jusqu’à présent, les contrats souscrits avant 1983 bénéficiaient d’un avantage fiscal certain : l’exonération totale d’impôt sur le revenu pour les intérêts rachetés. Seule la date de souscription du contrat était prise en compte et non la date de versement des primes..
Mais cet avantage propre aux anciens contrats a été assimilé à un dispositif d’« optimisation légale » par le législateur. Dans la loi de Finances pour 2020, les intérêts générés par les primes versées après le 10 octobre 2019 ne seront désormais plus exonérés d’impôt sur le revenu et seront donc soumis à la fiscalité de droit commun (PFU de 7,5% jusqu’à 150.000 euros de primes rachetés par an, de 12,8% au-delà, sans oublier les prélèvements sociaux de 17,2%). En revanche, ces contrats ouverts depuis plus de 8 ans au jour du rachat, les intérêts rachetés bénéficieront toujours de l’abattement annuel de 4 600 euros (pour un célibataire) ou 9 200 € (pour un couple).
Pourquoi maintenant ?
Un an et demi après l’instauration de la Flat Tax, l’heure est au nettoyage des avantages fiscaux perçus comme dérogatoires au régime général. Les temps sont à la convergence fiscale. Les députés n’ont pas dit autre chose lors de l’examen de la loi de finances pour 2020 : « cet avantage historique est devenu d’autant plus dérogatoire que le régime fiscal de l’assurance-vie a été progressivement rapproché du droit commun - notamment par l’institution de la flat tax » en janvier 2018.
En outre, il devenait d’autant plus urgent pour l’administration fiscale d’accélérer le processus d’extinction des « vieux » contrats qu’une disposition prise voici deux ans a redonné une deuxième jeunesse aux contrats souscrits avant 1983. En effet, en permettant d’adjoindre une nouvelle tête assurée au contrat, sans perdre l’antériorité fiscale (absence de novation validée par la jurisprudence), de nombreux épargnants ont naturellement saisi cette opportunité, continuant ainsi à faire perdurer cette optimisation légale.
Le principe bousculé de la non-rétroactivité de la loi en matière fiscale
Le fait est suffisamment rare pour être souligné. Pour abolir l’avantage fiscal des contrats souscrits avant 1983, le législateur a eu recours à l’une des quatre exceptions qui permettent de déroger à un article essentiel de notre doctrine civile et fiscale, créé en 1803 et non modifié depuis. En effet, l’article 2 du Code civil pose le principe général de non-rétroactivité de la loi qui « ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».
Cette exception a pour nom « la petite rétroactivité en matière fiscale ». Elle prévoit que le législateur peut changer les règles du jeu en cours de partie. C’est au titre de la loi de Finances de 2013 que la Cour de cassation valide, pour la première fois, la constitutionnalité de cette pratique. Des dispositifs fiscaux peuvent modifier, en fin d’année, les règles applicables au cours de cette dite année. Concrètement, un contribuable n’a pas la certitude lorsqu’il prend une décision patrimoniale lors de l’année N, que les mêmes règles s’appliqueront lors de sa déclaration à N+1.
Un nouveau compartiment fiscal à défaut de la simplification annoncée
Reste à comprendre le choix de cette date du 10 octobre 2019. En vertu du principe du « fair announce » (effet d’annonce) validé par le Conseil constitutionnel, les dispositions fiscales sont rétroactives à la date où elles ont été annoncées. L’enjeu est d’éviter de créer des effets d’aubaine ou d’évasion fiscale. L’amendement dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 a été adopté en séance publique à l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019, date d’application de cette nouveauté qui pourtant a été publiée fin décembre 2019 pour une entrée en vigueur de la loi de finances au 1er Janvier 2020.
Désormais, les épargnants doivent composer avec un nouveau compartiment fiscal, complexifiant la règle qui s’appliquait sur les « vieux » contrats ouverts avant 1983. La réforme fiscale de 2018 avait pourtant pour ambition de simplifier la fiscalité française…
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