Eric Pinon (AFG) : « Il faut améliorer l’éducation financière des Français »
Par Eric Pinon, président de l’AFG
En matière d’éducation et culture financière, les Français sont à la traîne par rapport au reste des concitoyens européens, selon l’OCDE. La finance et la compréhension de son fonctionnement ne les attirent pas, ne les intéressent pas. D’abord pour une raison historique : la prise en charge par l’Etat de la protection de la santé, de la retraite et de l’éducation a permis aux Français de ne pas se préoccuper de leurs financements. D’où une méconnaissance des sujets finance et gestion, cette absence de savoir entraînant souvent une crainte et des freins.
L’éducation financière des investisseurs, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, comme celle des intermédiaires, est donc un enjeu majeur pour le développement d’une épargne utile favorisant le bon financement de notre économie. L’Association française de la gestion financière (AFG), aux côtés de l’ensemble des acteurs de la Place, travaille à l’amélioration de l’intérêt et de la culture financière des Français. Trois clés de compréhension ont été identifiées pour leur permettre de devenir acteurs de leur épargne et non plus passifs :
- pour les particuliers : éduquer et intéresser nos compatriotes dès l’école ;
- pour les professionnels du secteur : simplifier, expliciter l’information pour la rendre plus accessible ;
- pour les pouvoirs publics : revoir la réglementation pour mieux protéger l’épargnant.
Les professionnels de la gestion d’actifs entendent participer pleinement à cette entreprise collective, facteur clé de la qualité du dialogue avec leurs clients et d’une constante adéquation des solutions d’épargne avec leurs besoins, à toutes les étapes de la vie des épargnants.
L’AFG a apporté sa contribution aux initiatives de place, notamment la stratégie nationale d’éducation financière pilotée par la Banque de France, à travers la mission Education financière que pilote Inès de Dinechin. Le livre blanc qui en est issu, « Education financière, des épargnants éclairés, acteurs de l’économie de demain » paru en septembre 2019, est un document pédagogique visant à donner des clés de compréhension pour aider les épargnants à être plus actifs dans la construction de leur patrimoine. Il présente une série de quatorze recommandations selon trois thématiques, à destination des investisseurs, des conseillers financiers et des pouvoirs publics :
- éducation financière : rassembler les bons principes d’investissement dans un guide pédagogique, communiquer auprès du grand public, promouvoir des outils digitaux pédagogiques de qualité, renforcer l’éducation financière dans le parcours scolaire et accompagner les futurs retraités ;
- diffuser l’éducation financière en Europe : formation, prévoir un accompagnement pédagogique de l’épargnant par le conseiller, créer un dossier digital de l’épargnant, adapter la certification AMF aux caractéristiques métiers des conseillers financiers et/ou commerciaux, favoriser la formation continue des conseillers et créer un dossier digital du conseiller ;
- réglementation : rendre plus compréhensible et simplifier les questionnaires clients (MIF II et DDA), rendre plus lisible les documents d’information et diffuser les bonnes pratiques d’épargne grâce aux incitations comportementales.
Dès 2020, nous avons démarré la mise en œuvre des recommandations du Livre blanc « Education financière », faites aux côtés de l’AMF, de l’ACPR et du Trésor, avec la publication du guide « Douze principes pour épargner et investir dans les placements financiers de moyen et long terme », un outil pédagogique à destination des épargnants et des réseaux de distribution. Dans un univers financier qui peut sembler complexe, ce guide a pour ambition d’apporter des clés de compréhension et de proposer à ses lecteurs un parcours simple reposant sur douze principes : quatre questions à se poser pour définir son projet ; quatre notions pour se familiariser avec des notions à la base de l’épargne et de l’investissement ; quatre conseils afin d’être actif dans le choix et le suivi de sa solution d’investissement.
Réorienter l’épargne
La période des produits d’épargne qui offraient du rendement sans risques est terminée. Dans ce nouveau contexte, les sociétés de gestion et les distributeurs ont un rôle majeur à jouer grâce à la confiance et à la proximité qu’ils entretiennent avec leurs clients. Seule l’éducation financière, comme vu plus haut, permettra de donner aux épargnants les clés de compréhension nécessaires pour effectuer des choix d’allocations cohérents avec leurs objectifs d’épargne et convictions ou engagements citoyens.
La construction de nouveaux modèles, comme l’engagement prôné par le rapport Tibi des investisseurs institutionnels, en particulier les assureurs, de financer la croissance des entreprises technologiques, par exemple, va dans ce sens. Si nous voulons basculer d’une économie financée par la dette à une économie financée par les fonds propres, il faut aussi la participation des clients finaux particuliers.
Il s’agit de rétablir des ponts entre l’épargne patrimoniale longue et le financement de notre économie – et notamment des entreprises – grâce à l’accès à des placements plus rentables, à impacts positifs sur l’économie en termes environnemental, sociétal et de gouvernance. C’est d’ailleurs le rôle principal des gérants d’actifs. Pour les entreprises, répondre aux enjeux de demain par des offres compétitives nécessite une reprise des investissements productifs et un renforcement de leurs fonds propres, socle de la croissance. L’épargne, et notamment l’épargne privée résidente, représente aujourd’hui une masse de capitaux devant accompagner cette démarche. Pour les particuliers, l’enjeu est d’accéder à des placements aux rendements plus rentables que l’inflation sur le long terme.
La réorientation de l’épargne privée vers des solutions d’investissement plus diversifiées en termes d’exposition aux différentes classes d’actifs et moins liquides est en évolution très favorable, encouragée par les récentes réformes de la fiscalité de l’épargne (PFU, IFI, etc.) et la loi Pacte (PER et PEA-PME). La plus large diffusion des solutions d’épargne longue, au sein des supports compte-titres ou assurantiels laissant liberté de sortie en capital ou en rente, y compris sur l’épargne-retraite et l’épargne salariale, est la clé pour accroître la part actions long-terme dans les patrimoines financiers.
Enfin, le financement de la relance, et notamment du volet relatif à la transition environnementale, se réalise aussi par le développement des offres solidaires, responsables et durables. Les sociétés de gestion ont l’expertise dans la sélection et l’analyse des émetteurs, cette analyse intégrant de plus en plus les données extra-financières. L’ESG est un facteur de création de valeur sur le long terme. Les gestions doivent s’adapter à cette demande croissante des investisseurs qui orientent leurs placements selon leurs préoccupations et convictions, souhaitant donner du sens à leur épargne.
Ainsi, une information et une sensibilisation des Français aux enjeux de la gestion financière à long terme devraient permettre une meilleure valorisation de leur épargne et répondre à leurs besoins futurs. En changeant notre modèle, ils deviendraient détenteurs de leur économie et bénéficiaires de la croissance.
Les gestionnaires d’actifs au rendez-vous de la relance
Le label Relance constitue l’une des mesures phare du dispositif présenté par le gouvernement en octobre 2020 pour soutenir le financement des entreprises françaises. Il identifie les fonds d’investissement qui apportent des capitaux propres aux entreprises françaises, cotées ou non cotées – et en particulier aux PME et ETI –, et respectent un cahier des charges exigeant en matière environnementale, sociale et de bonne gouvernance. Le label répond ainsi à la demande croissante des investisseurs qui souhaitent donner du sens à leur épargne. Les sociétés de gestion d’actifs sont mobilisées pour participer à son succès, et l’AFG se réjouit des premiers résultats : moins de deux mois après son lancement, plus de cent fonds ont été labellisés, totalisant un encours de 10,5 milliards d’euros. Parmi eux, on dénombre trente-sept fonds grand public, principalement investis dans des valeurs cotées, dix-huit fonds de capital-investissement ouverts aux investisseurs non-professionnels – en cours de levée – et quarante-cinq fonds réservés aux investisseurs professionnels.
Ces fonds sont très fortement investis dans des PME et ETI françaises, y compris les fonds investis dans des valeurs cotées. Ceux-ci détiennent en moyenne plus de 40 % de titres émis par des PME et ETI françaises, et 65 % de titres émis par des entreprises françaises de toutes capitalisations.
En incluant les encours ciblés par les fonds qui entament leurs levées, l’encours total des fonds labellisés représentait plus de 14,7 milliards d’euros au 9 décembre 2020.
Le déploiement du label devrait s’accentuer en 2021 et confirmer son succès.
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