L’immobilier coté a-t-il enfin atteint un point d’inflexion ?
Par Guy Barnard, coresponsable de la gestion actions internationales immobilier coté, Janus Henderson Investors (photo © Janus Henderson Investors)
Les fonds de placement immobilier (FPI) cotés en Bourse pourraient être les principaux bénéficiaires d’un point d’inflexion des taux d’intérêt compte tenu de la revalorisation déjà observée et de leur potentiel de dividendes attractifs et croissants. Les investisseurs ont négligé un secteur qui bénéficie toujours d’une demande satisfaisante de la part des locataires et de la croissance bénéficiaire des différents types de biens immobiliers qui bénéficient de tendances structurelles.L’immobilier coté pourrait bientôt passer à l’offensive en raison de son avantage en termes de coût et d’accès au capital par rapport à l’immobilier hors cote.
Nous avons conclu nos perspectives pour l’année 2023 en déclarant qu’« il ne fait guère de doute que les valorisations de l’immobilier hors cote s’ajusteront en 2023 » et que « même si d’autres obstacles se présenteront en 2023, nous estimons que le point de départ actuel (des marchés immobiliers cotés) reflète mieux la réalité à venir ».
Retour en arrière
Bien que d’autres obstacles se soient effectivement présentés en 2023, le principal moteur de performance des fonds de placement immobilier (FPI) est resté l’évolution des prévisions sur les taux d’intérêt et plus particulièrement les taux réels. Dans ce contexte, la volatilité a augmenté sur le marché mondial des FPI en 2023, qui a finalement affiché de faibles performances, l’indice FTSE EPRA Nareit Developed en USD cédant environ 1 % à l’heure où nous rédigions cet article (27 novembre 2023)*.
Si la valorisation quotidienne du marché de l’immobilier coté a continué de refléter l’évolution des prévisions sur les taux d’intérêt, une correction plus lente est actuellement observée sur les marchés de l’immobilier hors cote.
Les gros titres face à la réalité
En 2023, nous avons continué à dire aux investisseurs que les nombreux gros titres sur « l’immobilier commercial en crise » ne reflétaient pas complètement la réalité que nous observions en tant qu’investisseurs actifs sur le marché des FPI cotés en Bourse. Comme on le sait, le marché américain des bureaux est confronté à un contexte extrêmement difficile pour les propriétaires, mais il ne représente qu’une petite partie du secteur des FPI (4 % des FPI américains cotés). Aussi, nous avons évité d’y prendre des positions. De même, les obstacles auxquels sont confrontées les banques régionales américaines et la réduction de la disponibilité du crédit qui en résulte poseront des problèmes plus importants aux marchés immobiliers hors cote que cotés dans lesquels nous investissons. Au sein de ces derniers, les niveaux d’endettement sont historiquement faibles et les entreprises ont continué à démontrer leur capacité à accéder à la fois à l’emprunt et aux fonds propres à des conditions toujours avantageuses.
Il est également important de rappeler qu’en dépit de l’importante baisse des multiples de valorisation observée sur le marché des FPI ces dernières années, la performance opérationnelle des entreprises dans lesquelles nous investissons a été généralement solide, et que 2023 devrait afficher une croissance bénéficiaire moyenne d’environ 5 % (cf. illustration ci-dessous).** La conjugaison d’une croissance persistante et d’une baisse du cours des actions explique que les actions des FPI cotés soient devenues beaucoup moins onéreuses. Depuis le début de l’année 2022, alors que les cours des actions des FPI mondiaux ont baissé de plus de 25 %, leurs flux de trésorerie par action ont augmenté d’environ 13 % (données UBS), soit une baisse du ratio cours/bénéfices supérieure à celle de tous les autres segments des actions.
Croissance bénéficiaire de l’immobilier coté mondial
Source : Refinitiv, IBES, UBS. Basé sur le bénéfice par action (BPA) prévisionnel sur 12 mois glissants. La croissance du BPA du secteur immobilier mondial correspond à la moyenne pondérée par la capitalisation boursière des composantes du modèle factoriel d’UBS (États-Unis, Royaume-Uni, Europe continentale, Australie, Japon, Hong-Hong et Singapour, représentant environ 70 à 80 % de l’indice EPRA Developed). La zone grisée fait ressortir les estimations du consensus d’IBES sur la croissance des BPA.
La plupart des FPI cotés en Bourse ont continué à collecter et à accroître leurs revenus locatifs, bénéficiant d’une demande satisfaisante de la part de locataires exerçant dans de nombreux secteurs et accordant une priorité accrue aux actifs de la plus haute qualité. Malgré la normalisation de la demande dans certains secteurs et la présence d’obstacles dans une conjoncture économique en phase de ralentissement, le fait de donner la priorité aux segments à la croissance structurelle et aux entreprises qui peuvent être considérées comme des « quality compounders » (valeurs de haute qualité positionnées sur des thématiques de forte croissance) pourrait potentiellement générer davantage de croissance bénéficiaire en 2024.
Bien positionné pour prolonger sa croissance ?
Sur les prochaines années, nous considérons l’immobilier comme un secteur qui présente des risques et offre des opportunités aux investisseurs. Des risques pour les entreprises qui se sont excessivement endettées en période de prospérité et qui mènent des discussions difficiles sur leur refinancement à mesure que leurs emprunts arrivent à échéance. Des risques pour les entreprises qui sont exposées à des segments du marché immobilier confrontés à une obsolescence structurelle, à des niveaux élevés d’inoccupation et à l’absence de pouvoir de fixation des prix.
Malgré tout, les opportunités sur le marché des FPI cotés en bourse devraient augmenter. Leurs solides bilans devraient permettre à de nombreuses entreprises cotées de faire preuve d’opportunisme et d’acheter des biens immobiliers grâce à des vendeurs décidés qui possèdent des immeubles de qualité, mais dont les bilans sont fragiles.
Selon nous, l’accès des FPI cotés au capital et à des coûts relativement moins élevés que ceux de l’immobilier hors cote laisse augurer une croissance plus dynamique dans les années à venir – un avantage qui ne doit pas être sous-estimé (illustration ci-dessous). Cette dynamique a déjà été observée par le passé et s’est traduite par une robuste performance des FPI cotés.
Un autre facteur favorable est leur plus grande exposition aux segments alternatifs et plus dynamiques du marché immobilier, tels que les centres de données, la logistique, le stockage, la santé et le logement. Sur ces segments, les plateformes opérationnelles internes devraient aider les FPI à poursuivre leur croissance et à surperformer éventuellement d’autres véhicules immobiliers.
Une opportunité de croissance supplémentaire pour le marché des FPI cotés
Source : EPRA Nareit, UBS, analyse de Janus Henderson Investors, au 30 juin 2023.
Sommes-nous à un point d’inflexion ?
En tant qu’investisseurs, nous sommes toujours à la recherche de points d’inflexion. En effet, notre capacité à exploiter un changement de paradigme est une occasion de générer des performances. À l’horizon 2024, le cycle des taux d’intérêt pourrait se situer à un point d’inflexion. Ce cycle a été un thème dominant sur les marchés au cours de ces deux dernières années et il a affecté le secteur des FPI cotés qui a été l’un des plus touchés. Les récentes évolutions du marché montrent qu’en cas de changement de discours sur les taux, les investisseurs pourraient s’intéresser à nouveau à ces secteurs qui ont été délaissés ces derniers temps, même cela est un peu prématuré.
Une reprise en deux étapes
Le fait que les FPI soient mal aimés, ce qui nous attriste un peu en notre qualité de gestionnaires spécialisés, n’a rien de nouveau. Les enquêtes menées auprès des gestionnaires de fonds montrent que leur exposition au secteur est proche des points bas de la crise financière mondiale. Si la stabilisation des taux d’intérêt est une première étape cruciale vers la reprise du secteur immobilier, une baisse des taux n’est pas une condition préalable à une performance attrayante des FPI cotés par rapport à leurs niveaux actuels, car ils se négocient déjà à des valorisations qui reflètent pleinement les préoccupations du marché.
Sur le marché immobilier hors cote, un plus grand optimisme à l’égard du coût de la dette devrait entraîner une reprise des transactions immobilières. En effet, les vendeurs deviendront plus réalistes à l’égard des prix et opteront pour des prix jugés raisonnables par les acheteurs (c’est-à-dire inférieurs). Ce scénario devrait se matérialiser au premier semestre 2024, qui favorisera la découverte des prix et un retour de volumes de transactions normalisés.
Sur le marché des FPI cotés, dont les actions sont déjà valorisées à des niveaux inférieurs ou égaux aux valeurs plus réalistes reflétant le nouvel environnement des taux d’intérêt, les reprises débutent généralement de six à neuf mois avant le point bas des valeurs directes. En effet, l’excès de pessimisme disparaît à mesure que les investisseurs reconstituent leurs allocations au secteur. C’est dans cette situation que nous semblons être actuellement.
La confiance à l’égard des valorisations des actifs immobiliers permettra aux investisseurs de regarder au-delà des turbulences macroéconomiques et de se recentrer sur les fondamentaux : les revenus et leur croissance ainsi que la capacité des équipes de direction à créer de la valeur grâce à des initiatives de développement et de gestion de leurs actifs. Si la stagnation des taux pourrait limiter l’appréciation du capital à court terme sur le secteur immobilier dans son ensemble, tous les biens immobiliers ne sont pas égaux d’un pays, d’un secteur ou d’une entreprise à l’autre. Or en tant que spécialistes de la gestion active, il nous suffira d’identifier les segments dont la croissance est sous-estimée.
L’année 2024 sera-t-elle la bonne ?
Par voie de conséquence, nous aborderons une fois de plus l’année 2024 avec une confiance et une conviction accrues à l’égard des perspectives des FPI cotés en Bourse. Dans un marché immobilier qui comporte bien entendu des gagnants et des perdants, le secteur des FPI cotés est bien positionné car il possède davantage de biens immobiliers de qualité et, sur la plupart des marchés, d’un accès plus facile au capital et d’un coût du capital nettement inférieur.
L’évolution du contexte macroéconomique pourrait inciter les investisseurs à s’intéresser à nouveau aux FPI, à réduire leurs sous-pondérations et à revaloriser le secteur par rapport à ses faibles niveaux actuels, et à retrouver un intérêt pour leurs dividendes attrayants et croissants. Si elles ont lieu, les baisses des taux d’intérêt apporteront probablement un soutien supplémentaire.
Nous soulignons également le fait que certaines entreprises à la traîne pourraient devenir des leaders sur les marchés d’actions. Étant rassurés par le fait que les FPI cotés n’ont jamais enregistré trois années consécutives de performances négatives, il est légitime de se demander si l’année 2024 sera la bonne.
* Bloomberg, au 27 novembre 2023.
** Estimations d’UBS en date de novembre 2023
Vos réactions