En l’absence de rachat, les pertes sur un contrat d’assurance-vie ne sont qu’éventuelles
Fidroit analyse pour Profession CGP la décision de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 février dernier.
Responsabilité de la banque suite à des pertes financières : la chronologie à respecter
1. Ce qu'il faut retenir
Nombreux sont ceux qui ont essuyés des pertes en 2008 et certains se sont retournés contre leur conseiller.
La responsabilité du conseiller est communément admise en cas de défaut d'information ou de conseil mais à condition que la perte financière soit réelle et certaine. En cas de pertes réalisées sur les unités de compte des contrats d'assurance-vie, il est nécessaire que le contrat soit racheté et que les pertes soit ainsi effectivement réalisées.
2. Conséquences pratiques
A notre sens, seul le rachat total permet de constater une perte définitive.
La seule cession des titres en moins-value (et l'arbitrage en faveur d'autres support) ou le rachat seulement partiel du contrat ne permet pas de constater de manière effective les pertes : le solde du contrat d’assurance-vie étant susceptible d'évoluer, y compris à la hausse.
Ainsi, à notre sens, seul le rachat total permet de constater une perte définitive.
L'Avis de Fidroit
En cas de perte, le souscripteur peut décider de les constater en rachetant la totalité du contrat afin de (potentiellement) obtenir une indemnisation. Mais dans ce cas, il perd le bénéfice de l'antériorité fiscale du contrat ET ne peut pas imputer ses pertes sur des gains réalisés sur d'autres contrats d'assurance-vie ou sur d'autres revenus.
Ainsi, on pourrait envisager de maintenir le contrat et d'arbitrer en faveur d'autres supports pour reconstituer le capital.
3. Pour aller plus loin
Faits et procédure
Les consorts X ont ouvert différents contrats d’assurance-vie auprès de la banque Y et investis les fonds en unités de compte, et notamment sur le fonds A présenté par la banque comme un investissement « ultra-sécuritaire ».
Suite à des investissements et désinvestissement recommandés par la banque sur le fonds A, les consorts ont subi des lourdes pertes en capital et ont engagé la responsabilité la banque.
La Cour d’appel a retenu la responsabilité de la banque : celle-ci a commis une faute en délivrant une information erronée sur l’exposition au risque du fonds A (présenté à tort comme sécuritaire) et a condamné la banque à indemniser la perte de chance des consorts X de mieux arbitrer leurs investissements.
Arrêt
La Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel : la responsabilité de la banque ne peut être recherchée sans "constater que les contrats avaient été rachetés au jour où elle statuait et que les pertes avaient été effectivement réalisées".
Analyse
Obligation d’information et de conseil
La responsabilité du conseiller (juridique, fiscal, etc.) repose sur les principes généraux du devoir de conseil au regard des obligations contractuelles. Elle concerne tout autant le notaire, le banquier, le prestataire en service d’investissement (PSI), le conseiller en investissements financiers (CIF), etc.
Notons que le conseiller en gestion de patrimoine doit, en plus de se conformer aux exigences de plusieurs statuts (CIF, PSI, IOB, IAS, agent immobilier) avoir une approche globale et transversale dans le conseil qu’il délivre à son client.
L’indemnisation du client nécessite une faute ou une négligence du conseiller. Or, la faute ne peut être recherchée :
- lorsque l’opération litigieuse n’est pas spéculative ;
- sur la simple constatation d’une perte financière (le conseiller est tenu d’une obligation de moyen mais n’est pas tenu de garantir la rentabilité du placement choisi, ni de prémunir le client de tout aléa financier).
Le conseiller n'engage sa responsabilité que dans la mesure où il a donné des informations juridiques et fiscales erronées ou conseillé à son client des placements hasardeux ou extrêmement risqués sans l’informer complètement de la nature de ceux-ci.
Remarque : le conseiller doit s’assurer que le conseil fourni est, non seulement, clair et complet mais également adapté à la situation personnelle du client.
Indemnisation du préjudice
Le préjudice doit être apprécié de manière globale : les pertes étant compensées par les autres gains obtenus par l’intervention du conseiller (sur le même ou d’autres investissements).
En ce qui concerne les pertes réalisées sur un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation :
- la simple cession des titres en moins-value, l'arbitrage ou le rachat partiel ne permettent pas de constater les pertes (le solde du contrat etant susceptible d’évoluer, y compris à la hausse) ;
- le rachat doit être total pour ouvrir droit à indemnisation.
En ce qui concerne les pertes réalisées sur un investissement immobilier de défiscalisation, il doit notamment être pris en compte :
- la revente à perte des biens (différence entre le prix d’achat et de revente) ;
- l’indemnité de remboursement anticipé de l’emprunt ;
- l’économie d’impôt procurée par les autres investissements réalisés et recommandés par le conseiller (Cass. com du 23 sept. 2014, n°13-22763).
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