Agir sur l'agroalimentaire pour préserver la biodiversité : le cas de McDonald’s
Par Carmine de Franco, responsable de la recherche d’Ossiam
Le secteur de l’agroalimentaire joue un rôle prépondérant dans la perte de biodiversité. La plupart des discussions de la dernière COP 15, à Montréal, ont d’ailleurs porté sur ce secteur et ont eu pour conséquence la définition de 23 objectifs à atteindre d’ici 2030. Malgré ces avancées, l’industrie agroalimentaire reste non durable, et ce pour encore un moment.
Face à ce constat, plusieurs approches tangibles sont envisageables pour les investisseurs souhaitant préserver la biodiversité en agissant sur le secteur agroalimentaire. L’une d’elles porte sur le développement de nouvelles technologies afin d’améliorer l’empreinte environnementale des biens produits, comme l’essor des viandes alternatives (les protéines animales étant responsable de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur) ou le financement d’innovations portant sur la chaîne logistique (par exemple, le spray développé par Apeel visant à accroitre la durée de préservation des denrées alimentaires). La transformation du secteur passera vraisemblablement par ces avancées, mais celles-ci doivent, dans un premier temps, faire face à l’acceptation des consommateurs, des changements d’habitudes et les prix associés, et ne peuvent donc pas résoudre à elles seules le problème actuel de la perte de biodiversité.
Une approche alternative et complémentaire consiste à prendre une vue plus holistique, en investissant dans les sociétés qui opèrent actuellement dans le secteur agroalimentaire selon leur empreinte sur la biodiversité. Cette dernière est celle qu’a choisi Ossiam depuis le lancement de ses travaux sur la biodiversité en 2018, compte-tenu de son ADN quantitatif et de son expertise en gestion systématique. L’objectif ici est de rappeler leur philosophie dans l’appréhension de la perte de biodiversité et ses conséquences en termes de choix d’investissement. Et, comme « un bon exemple est le meilleur des sermons » (Benjamin Franklin), nous illustrons l’approche au travers du cas de McDonald’s. McDonald’s n’est peut-être pas le nom qui vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on évoque un processus d’investissement visant à réduire l’impact sur la biodiversité. Mais, avant de juger trop vite, regardons les chiffres.
McDonald’s sert à travers le monde 70 millions de clients par jour dans près de 40 000 restaurants implantés dans plus de 100 pays. Pour mettre ces chiffres en perspective, en supposant une population mondiale de 7,3 milliards, cela signifie que McDonald’s nourrit 1% de la population mondiale quotidiennement. Pour répondre à cette demande, la société américaine achète de larges quantités de matières premières, qui expliquent 95% de son empreinte sur la biodiversité. La grande majorité de cette empreinte provient des protéines animales : pour donner un ordre de grandeur, McDonald’s est l’un des plus importants acheteurs de bœuf dans le monde, avec 23 400 tonnes achetées en 2019.
Ces chiffres impressionnants sont évidemment proportionnels à la taille de la société, et donc à remettre en perspective. Dans un contexte similaire, la taille d’une entreprise du secteur des services aux collectivités influe sur ses émissions de gaz à effet de serre. Or, si nous considérons cette empreinte absolue élevée par rapport aux revenus ou au CAPEX d’une société, il n’est pas surprenant de les voir passer les filtres ‘best-in-class’ et/ou d’être alignés aux objectifs de l’Accord de Paris.
De la même manière, si nous considérons l’empreinte sur la biodiversité de McDonald’s vis-à-vis de la taille de ses opérations (mesurée aussi bien en revenu, en CAPEX ou en valeur d’entreprise), celle-ci est sensiblement plus faible que celle de l’industrie agroalimentaire. À ce titre, un investisseur agnostique fondant ses décisions sur les données peut sélectionner cette société dans une approche qui vise à réduire l’empreinte sur la biodiversité à travers le secteur agroalimentaire. Il est également important d’ajouter que McDonald’s travaille sur amélioration de sa transparence sur l’impact de ses activités. Par exemple, ses objectifs de réduction de l’empreinte carbone sont scientifiquement certifiés par SBTi, et 99,4% du bœuf acheté par McDonald’s provient de zones certifiées non liées à la déforestation.
L’objectif de notre prise de position n’est pas de statuer sur la valeur ajoutée relative d’une approche holistique par rapport à une approche axée sur les nouvelles technologies, et encore moins de dire si McDonald’s en tant que société est la clé ou l’obstacle à la préservation de la biodiversité (nous aurions pu prendre d’autres exemples comme Nestlé, Chipotle ou Starbucks). Notre objectif est à rappeler que, malgré l’impact absolu significativement élevé des grandes capitalisations du secteur agroalimentaires, celles-ci ne disparaitront pas du jour au lendemain et sont également des vecteurs majeurs dans la transition vers une industrie agroalimentaire plus durable. En cela, elles doivent être accompagnées.
Vos réactions