« Le redressement de notre économie passera par le capital »
Eric Pinon, président de l’AFG et senior advisor de La Financière de l’Echiquier, et Thomas Valli, directeur des études économiques de l’AFG, nous exposent pourquoi l’investissement en actions permettra d’accélérer la sortie de crise.
Profession CGP : Quel regard portez-vous sur la sortie de crise ?
Eric Pinon : Le redressement de notre économie passera par le capital. Il s’agit d’un vrai challenge pour notre pays de basculer d’une économie financée par la dette, notamment la dette d’Etat – ce qui suppose donc un alourdissement de l’impôt -, à une économie financée par des fonds propres. Ceci nécessite une réorientation de l’épargne privée vers des solutions d’investissement plus orientées actions, ce que la récente réforme de la fiscalité de l’épargne et la Loi Pacte encouragent. La plus large diffusion des solutions d’épargne longue, épargne retraite au sein des supports assurantiels ou compte-titres et épargne salariale, est la clé pour accroitre la part actions dans les patrimoines financiers.
En changeant notre modèle, les Français deviendraient détenteurs de leur économie et bénéficiaires de la croissance.
Dans ce sens, les conseillers en gestion de patrimoine et les conseillers bancaires ont un rôle majeur à jouer, grâce à la confiance et à la proximité qu’ils entretiennent avec leurs clients, lesquels ont bien compris que la crise dans laquelle nous sommes entrés n’est pas d’origine financière. L’attrait pour les placements solidaires, responsables et durables montre que de plus en plus d’investisseurs souhaitent donner un sens à leur épargne et comprendre l’impact de leurs placements financiers sur l’économie. Dans ce cadre, l’ISR, domaine dans lequel les asset managers français sont à la pointe, doit se diffuser auprès du grand public.
Thomas Valli : La baisse d’activité a été violente pendant la phase de confinement. Bien que les Etats et les Banques centrales soient intervenues massivement et rapidement pour limiter les dégâts humains et économiques, les entreprises vont sortir fragilisées de cette crise du fait d’une accumulation des pertes et des dettes. Le renforcement des fonds propres des entreprises est indispensable pour la relance de l’investissement et la croissance. En France, les patrimoines privés sont peu investis en actions pour des raisons culturelles et de modèle social, ce qui peut limiter les investissements nécessaires des entreprises pour intégrer les enjeux de sortie de crise que sont la santé, l’environnement, l’innovation numérique…
Pour orienter les épargnants averses au risque, faudrait-il leur accorder des avantages fiscaux ?
E. P. : Je ne le pense pas. Le PFU, l’IFI, et la loi Pacte ont été des réformes positives favorisant l’épargne de long terme et l’ouverture de l’épargne salariale et du plan d’épargne retraite à une population plus large. Au contraire, la stabilité fiscale est nécessaire. Il ne faudrait surtout rien toucher ! Dans ce domaine notamment, la bonne lisibilité des décisions des pouvoirs publics peut redonner la confiance aux individus et aux entreprises pour consommer et investir.
T. V : La longue période de baisse des taux a profité aux produits liquides et à rendements garantis. Aujourd’hui, avec des taux au plus bas, la majeure partie des patrimoines financiers a un rendement réel négatif ou nul. Des investissements plus diversifiés intégrant des actions sont une des solutions offertes aux épargnants pour générer de la performance sur le long terme et répondre ainsi à leurs besoins futurs. Le conseil et le développement d’une éducation financière s’en trouvent renforcés.
Mais les épargnants montrent toujours une certaine hostilité vis-à-vis des dérives de la finance…
E. P. : La transparence est primordiale pour la confiance. Les solutions proposées doivent être plus pures. Notre rôle n’en sera que revalorisé, notamment grâce au travail de sélection et d’analyse que les équipes de gestion réalisent avant d’investir dans une entreprise. En démontrant notre valeur ajoutée et celle du distributeur, notre modèle de rémunération n’en sera que renforcé.
T. V : La volatilité de court-terme est aussi un sujet d’importance : Les épargnants ne doivent pas regarder trop souvent l’évolution de leurs portefeuilles surtout dans le cadre d’investissement de long terme. La cotation permanente est un élément qui peut être anxiogène. Pour autant, les marchés immobiliers ou le private equity ne sont pas forcément moins vulnérables…
Et du côté des investisseurs institutionnels ?
E. P. : Nous militons pour un assouplissement réglementaire, prudentielle et comptable pour que ces acteurs à long terme puissent pleinement jouer leur rôle d’investisseur en capital et sur le marché des infrastructures.
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