François Jubin (WiseAM) : « Le second semestre devrait être celui de la recovery économique »
François Jubin, président de WiseAM, société de gestion spécialisée dans l’allocation d’actifs, nous expose ses convictions alors que la crise du coronavirus s’est transformée en une crise financière.
Profession CGP : Tout d’abord, comment WiseAM est organisé pour poursuivre son activité alors que les Français doivent affronter l’épidémie de coronavirus ?
François Jubin : Nous avons organisé nos équipes en télétravail, et nous échangeons avec des outils collaboratifs. Tous nos systèmes et nos fonctions sont opérationnels sans aucune déperdition. Comme nos confrères, nous avons activé notre PCA (plan de continuation des activités), mais jamais nous n’aurions pensé que cela aurait été pour une question sanitaire…
Comment avez-vous réagi face à la baisse de marché ?
F. J. : Le premier vrai choc est intervenu le lundi 9 mars dernier, avec le choc pétrolier qui a entrainé une capitulation des marchés qui nous rappelle la semaine folle suite au dépôt de bilan de Lehmann Brothers en septembre 2008, ou – dans une moindre mesure – à la crise des dettes souveraines de 2011. Nous n’avons pas soldé nos positions car nous estimons que le risque est asymétrique, c’est-à-dire de sortir des marchés et ne pas profiter du retour à meilleur fortune.
Comment pilotez-vous vos portefeuilles actuellement ?
F. J. : Aujourd’hui, nous évaluons les marges de manœuvre pour les déployer en plusieurs phases. Il s’agit, de manière tactique, de profiter de l’extrême volatilité actuelle ; puis de se repositionner sur le plan stratégique (les actifs décotés de qualité dans un objectif de détention longue).
Quel est votre scénario ? Le point bas est-il atteint ? Cette crise devenue financière sera-t-elle durable ?
F. J. : Notre scénario est que la crise du coronavirus mettra quelques mois à se résorber et que le second semestre devrait être celui de la recovery pour l’activité économique, le rebond des marchés devant intervenir avant. Le scénario alternatif est celui d’un impact majeur sur l’activité économique lié à des effets de second tour de la crise actuelle.
Nous pensons que le point bas pourrait intervenir lorsque les Etats-Unis prendront à leur tour des décisions de confinement, lesquelles semblent difficilement évitables. Le marché du crédit High Yield devrait être celui qui souffrira le plus, notamment en raison de sa moindre liquidité et également en raison de situations économiques plus tendues que sur les autres entreprises (endettement important, chute du cours du pétrole…).
Nous observerons ensuite l’efficacité de ces mesures sanitaires dont les effets seront décalés dans le temps pour chaque Etat : d’abord la Chine, puis l’Italie…
Sur les marchés, il conviendra alors de distinguer les mouvements de rebond durable et ceux plus techniques. De même, nous allons évaluer secteur par secteur, thématique par thématique les actifs les plus à même d’offrir le meilleur ratio espérance de gain/ risque. Par exemple, on peut imaginer que le secteur financier déjà très attaqué sur le plan boursier pourrait bénéficier de mesures de soutien des banques centrales ou encore que la thématique des infrastructures qui devraient bénéficier des plans de relance gouvernementaux annoncés.
En tant que multigérant, vos portefeuilles comprennent-ils des positions sur les fonds de H2O AM ?
F. J. : Oui, nous sommes exposés à des fonds comme H2O Multibonds ou H2O Multiequity. Nous les suivons quotidiennement et sommes en contact avec les équipes de la société. Nous sommes vigilants sur leur positionnement et les éventuelles modifications stratégiques. Nous avons construit un modèle de réplication qui nous permet d’identifier d’éventuelles ruptures de comportement et simuler les performances futures dans différents scénarios sur leurs moteurs de performance (franc suisse, dette italienne ou taux US par exemple pour Multibond).
Quel dialogue entretenez-vous avec vos partenaires CGP ?
F. J. : Nous communiquons en permanence avec eux et avons mis en place un fil d’information quotidien reprenant cinq grands points majeurs sur l’actualité des marchés, nos analyses et nos choix de gestion.
Cette crise met sous pression la valeur des portefeuilles mais elle va constituer une source d’opportunité inédite depuis 2009 pour les gérants diversifiés disposant de marges de manœuvre et pour les investisseurs qui peuvent allonger leur horizon d’investissement et accroître le niveau de risque à long terme tant les niveaux de spread, de volatilité, de PER ou de draw-down sont actuellement bas et comparables à ceux connus fin 2008 et septembre 2011.
Achevé de rédiger le 18/03/2020
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