Une crise accélératrice de tendances

Par : Benoît Descamps

Dans le contexte exceptionnel actuel, la quatorzième édition du Baromètre du marché des CGP de BNP Paribas Cardif/Kantar s’est naturellement intéressée à l’impact de la crise sanitaire sur les professionnels du patrimoine et leurs clients.

Outre le sondage de Swiss Life sur la banque privée (cf. pages 34 à 36), BNP Paribas Cardif en compagnie de Kantar a, comme à son habitude, publié son Baromètre du marché des CGP peu avant Patrimonia. Pour cette édition 2020, la quatorzième, seuls des conseils en gestion de patrimoine ont été interrogés (262 entre le 7 et le 25 mai derniers). Cette année, l’étude portait sur l’impact de la crise sanitaire sur l’activité des cabinets et ses conséquences en termes de digitalisation ou encore de support d’investissement proposé.

 

Confiance en l’avenir

Premier constat, les CGP semblent vivre sereinement le contexte actuellement dégradé. « Les CGP ont plutôt bien traversé la crise, sans inquiétude particulière que ce soit sur la sortie de crise (80 % estiment qu’ils arriveront à traverser la crise en limitant les risques) ou sur leur activité (58 % sont relativement sereins), expose Pascal Perrier, directeur réseaux CGP-courtiers & e-business de BNP Paribas Cardif France. Les CGP estiment que leur profession est solide, ils ont confiance en eux et en leur métier, notamment car ils ont su être présents auprès des épargnants. » Néanmoins, ils sont tout de même plus d’un tiers des cabinets à considérer que l’impact de la crise sera sérieux pour leur activité. Toutefois, l’appréhension de la crise est plus marquée chez les cabinets plus petits (d’une à deux personnes). En effet, ils sont 46 % à considérer être inquiets pour l’avenir de leur activité (contre 31 % pour les cabinets de trois personnes et plus) ; 37 % pensent que leur activité sera fortement impactée (contre 27 %) et 44 % anticipent une baisse d’au moins 20 % de leur chiffre d’affaires anticipé (contre 35 %). « Cela accélèrera-t-il le mouvement de consolidation ou cela les conduira-t-il à se rapprocher d’un groupement ? », s’interroge Pascal Perrier.

Mais globalement, 80 % des professionnels estiment que si la période est difficile ils arriveront à traverser la crise en limitant les risques sur leur activité.

 

Indéniable proximité client

Et les CGP sortent renforcés de cette période, puisque le Covid-19 a eu, selon eux, un impact positif sur la perception que leurs clients ont d’eux. 58 % considèrent en effet que leur image en a bénéficié. 90 % des CGP ont accordé leur priorité à l’accompagnement de leurs clients durant la crise. S’ils ont considéré leurs clients plutôt inquiets (60 %) et qu’ils ont cherché à les contacter plus que d’habitude (52 %), Pascal Perrier note qu’« il n’y a pas eu de mouvement de panique : pas de rachat massif, ni de grand chamboulement dans les allocations. Cette période se révélera peut-être même propice pour faire gagner des parts de marché aux CGP ». Cela alors que 74 % des CGP considèrent que les patrimoines de leurs clients ont été affectés, même si l’impact a été plutôt mesuré.

D’ailleurs, les clients n’ont globalement pas modifié leur comportement d’épargne, voire ont été opportunistes pendant le creux de marché. Néanmoins, à l’avenir, l’attention des clients devrait davantage se porter sur les niveaux de risque et la diversification des investissements, ainsi que leur caractère social et responsable. Ainsi, 63 % des CGP estiment que leurs clients seront plus sensibles au niveau de risque et 61 % à la diversification des avoirs. « La crise a aussi permis de redonner ses lettres de noblesse à l’assurance-vie : un placement de long terme qui, s’il est bien diversifié, permet d’être relativement serein face aux soubresauts des marchés financiers. Cette dimension de long terme se retrouve également dans les arbitrages réalisés, avec des passages du fonds en euro vers les UC. Les clients de nos partenaires ont donc bien pris conscience que cette crise n’est pas financière et ont su saisir les opportunités », observe Pascal Perrier.

Outre l’accompagnement de leurs clients, les CGP ont profité de la période de confinement pour se former, réfléchir à d’autres sources de diversification de leur activité, mais aussi pour investir dans le digital à la fois dans le cadre de leur communication mais aussi dans la mise en place de nouveaux outils.

 

Le bond en avant de la digitalisation

En effet, l’autre grand enseignement est l’accélération de la digitalisation. 85 % des professionnels interrogés ont renforcé leur usage des outils digitaux et 72 % ont réorganisé ou adapté leurs modes de communication avec leurs clients.

 « J’estime qu’elle a gagné quatre à cinq ans. Chez BNP Paribas Cardif, nous avons, par exemple, dû gérer 20 % du volume d’une année normale sur les quinze derniers jours de mars. Ce réflexe du digital est désormais adopté : une fois l’outil intégré, il n’y a pas de retour en arrière. La digitalisation n’a pas été que transactionnelle, elle s’est observée aussi dans la communication, tant entre le CGP et son client qu’entre le CGP et son partenaire. Si le métier de conseiller en gestion de patrimoine reste fortement intuitu personae et que le relationnel reste fort, ce nouvel écosystème digital apporte de la souplesse, de la flexibilité et va perdurer. »

 

L’ISR de plus en plus plébiscité

Au sein des contrats d’assurance-vie, dans les intentions de produits d’investissement à proposer à leurs clients, les produits structurés gagnent du terrain, ainsi que l’assurance-vie luxembourgeoise et les OPCVM. A l’inverse, les fonds en euros et le Private Equity perdent du terrain. Cette dernière classe d’actifs est pourtant souvent mise en avant pour ces vertus de rendement à long terme et de moindre volatilité.

Pour Pascal Perrier, ce moindre appétit pour le capital-investissement peut s’expliquer par son caractère haut de gamme : « Le Private Equity est souvent cité comme une classe d’actifs porteuse pour la clientèle patrimoniale. Dans les faits, cette classe d’actifs nécessite de s’inscrire sur le très long terme, souvent jusqu’à dix ans, pour bénéficier de tous ses avantages. Dès lors, elle s’adresse à une clientèle avisée, en quête de diversification, et elle doit s’inscrire dans le cadre d’une gestion de patrimoine globale ».

Or assurance-vie, ce sont les fonds ISR et les produits de retraite (individuels et collectifs) qui sont plébiscités par les CGP. D’ailleurs, l’impact positif de la loi Pacte sur leur activité se confirme, probablement encouragé par le bon démarrage du PERin en 2019. Ils sont en effet 64 % à penser que la loi a eu un effet positif sur leur activité. « L’autre élément notable de ce baromètre, c’est le renforcement de l’ISR, souligne Pascal Perrier. Alors que l’an passé, nous avions pu constater que la demande des clients dans ce domaine était plus forte que ce qu’estimaient les CGP (réciproquement 55 % et 35 %), l’ISR a connu un boom, certainement très lié à la nature de la crise, sanitaire et sociétale. Cette volonté de donner plus de sens, d’agir de façon éthique, transparaît dans les investissements. Ici aussi, je pense que le phénomène est durable. »

Renforcement de la proximité client-CGP, digitalisation, donner du sens à ses investissements, ou encore fragilité des plus petites structures : les grandes tendances du marché se sont donc bel et bien affirmées pendant la crise.

  • Mise à jour le : 27/10/2020

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