Michael Israel (IVO Capital Partners) : « Le crédit émergent, un couple rendement-risque qui fait réfléchir…»
Michael Israel, président d’IVO Capital Partners et gérant, nous présente son point de vue sur le marché du crédit émergent. Selon lui, la dislocation des marchés durant la crise notamment autour du thème « actifs protégés banque centrale » vs « actifs non protégés banque centrale » a été massive et source d’opportunités.
Profession CGP : Quel regard portez-vous sur ces dernières semaines ?
Michael Israel : En mars, la classe d’actifs du crédit émergent a connu des flux sortants les plus massifs de toute l’histoire. Ce mouvement s’est surtout fondé sur des éléments purement techniques très « macro », sans prise en compte des aspects fondamentaux « micro ». En effet, le crédit émergent étant considéré comme une poche de diversification, il est l’une des premières victimes lorsqu’un stress de marché survient et que les investisseurs se réorientent vers les actifs traditionnels. S’est ajouté à cela le fait que le marché s’est très fortement polarisé entre d’un côté les actifs protégés par les banques centrales et ceux qui ne le sont pas, et ce même au sein du segment émergent. Par exemple, la Chine et la Russie sont des économies plus ou moins administrées avec une forte capacité d’intervention, tandis que d’autres pays n’ont pas cette marge de manœuvre au niveau souverain.
Ainsi, ce qui était « non protégé » par les banques centrales a été de facto considéré comme risqué, donc fortement décoté. Pourtant, la « protection » n’est pas forcément nécessaire dès lors que les bilans sont sains, à l’image d’ailleurs de ce que l’on voit dans les pays développés où les sociétés avec des bilans solides n’utilisent pas cette « protection » pourtant disponible. Aussi, conclure qu’un actif « non protégé » serait de facto risqué est un raccourci, erroné dans bien des cas, qui fabrique une des meilleures sources d’opportunité du moment.
Comment cela s’est-il traduit pour votre fonds phare, IVO Fixed Income ?
M. I. : Nous avons subi 45 millions d’euros de sorties en mars, soit environ 10 % de l’actif du fonds, ainsi qu’une performance en retrait.
Côté gestion, nous avons pu saisir des opportunités, conformément à notre stratégie contrariante « mauvais pays, belles sociétés », toujours en devises dures et en privilégiant celles dont le chiffre d’affaires est réalisé en dollar. Du fait des interventions des banques centrales, dans les pays développés, les marchés obligataires n’ont quasiment pas connu de plateau bas permettant de saisir des opportunités à bon compte, à l’inverse de ce qui s’est passé sur notre univers d’investissement où nous avons eu le temps d’investir car les marchés remontent mais avec un décalage dans le temps.
Comme souvent, cela a plus particulièrement été le cas en Amérique latine qui cumule les problèmes « macro » qui entrainent une sortie de capitaux sur les entreprises aussi. Dans le cas présent, la crise sanitaire, celle des matières premières et les tensions politiques ont pesé sur le souverain régional. S’ajoute à cela, la situation de pays qui étaient déjà en processus de restructuration de leur dette souveraine, comme par exemple l’Argentine ou l’Equateur, pour lesquels les sorties de capitaux ont amplifié les décotes sur la dette corporate, lesquelles ont pu atteindre jusqu’à -40/-50 %.
En revanche, l’Asie, qui a le mieux géré la crise sanitaire, a moins inquiété les marchés, d’autant plus que la Chine apporte son soutien sans limite à son économie.
Depuis la période s’est-elle normalisée ?
M. I. : Depuis une quinzaine de jours, les flux reviennent sur la classe d’actifs et sur notre fonds. Nous avons ainsi pu collecter à nouveau l’équivalent de toutes les sorties observées en mars. Les investisseurs reviennent sur les fondamentaux et aussi sur la comparaison du couple rendement/risque avec les autres classes d’actifs, et cette comparaison démontre une meilleure protection dans un scénario baissier et plus de gain potentiel dans des scénarios médians et positifs sur l’économie mondiale.
En plus du retour des flux que nous observons, notre duration est faible (3,8), donc le simple effet des coupons et des remboursements de principal au travers du temps contribue aussi à faire remonter notre valeur liquidative automatiquement (85 lignes en portefeuille).
Un mot sur vos autres fonds ?
M. I. : Nous gérons désormais trois autres fonds UCITS en plus du fonds IVO Fixed Income. Notre fonds à duration courte, IVO Short Duration, lancé en décembre 2019, dispose d’une stratégie similaire et propose actuellement un rendement embarqué d’environ 10 %. Le fonds dont la mission est d’offrir une approche comparable au flagship mais avec une volatilité plus faible s’est très bien comporté dans cette crise et a démontré sa capacité à limiter la volatilité sur un univers pourtant similaire. Le fonds IVO Short duration offre un rendement de près de 10 % pour une duration inférieure à 3.
Nous sommes également associés à la gestion du fonds à échéance Schelcher IVO Global Yield 2024 dont près de 40 % du portefeuille sont investis sur les pays émergents. Ce fonds offre aux investisseurs non seulement, une diversification géographique rare pour leur poche de fonds à échéance, mais également leur permet d’être à la fois sur la thèse d’investissement « actifs Banque centrales » et la thèse d’investissement « actifs non-Banque centrale mais de qualité ».
En décembre 2019, nous avions également lancé un fonds mixte (IVO Global Opportunities - 70 % de dette et jusqu’à 30 % d’actions) pour lequel, toujours selon la même philosophie, le choix entre actions ou dettes se fait en fonction de là où le potentiel de valeur est le plus important dans la structure du capital de la société étudiée.
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