Fondations : entre philanthropie et fiscalité
Par Amaury Catrice, président d’Assorg
Très développée en France, la philanthropie bénéficie d’avantages fiscaux non négligeables. Les fondations sont un véhicule majeur de cette bienfaisance, dont il est nécessaire de rappeler les contours aux formes diverses.
La philanthropie est issue du grec philos « ami » et anthropos « l’homme ». Ce mot signifie donc aider les autres. Cette aide peut se faire de plusieurs manières, les plus fréquentes consistant à donner de son temps ou à donner de l’argent. Le don financier n’étant pas toujours quelque chose de naturel, l’Etat a mis en place des dispositifs d’incitation fiscale pour le faire. Rappelons que c’est grâce à ces outils que les fonds Tepa se sont développés. Mais nous nous attarderons, ici, uniquement aux fondations pour lesquelles on peut dire que le donateur ne recherche pas de « retour sur investissement ».
A l’heure où les personnes assujetties à l’ISF sont sollicitées pour réduire leur impôt, tout en accomplissant des actes philanthropiques, il est intéressant de rappeler ce qu’est une fondation, la fiscalité applicable aux donateurs, mais également l’importance pour les fondations d’être bien accompagnées.
Une fondation, qu’est-ce que c’est ?
Une fondation est définie à l’article 18 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif.
Lorsque l’acte de fondation a pour but la création d’une personne morale, la fondation ne jouit de la capacité juridique qu’à compter de la date d’entrée en vigueur du décret en Conseil d’Etat accordant la reconnaissance d’utilité publique. Elle acquiert alors le statut de fondation reconnue d’utilité publique. Derrière le terme de « fondation » se distinguent en réalité différentes catégories dont nous ferons l’énumération ci-après.
La fondation reconnue d’utilité publique
Sa définition est celle que nous venons de citer ci-dessus. Le patrimoine est affecté de manière irrévocable à une œuvre d’intérêt général. La fondation a une durée illimitée sauf dans le cas de dotation consomptible.
Une fondation reconnue d’utilité publique ne peut pas exister sans que soit programmée la constitution d’une dotation initiale en capital qui est constituée de dons, donations ou legs des fondateurs, en une ou plusieurs fois, dans le délai maximum de dix ans après la création de la fondation.
En pratique, le Conseil d’Etat estime que le financement de l’objet social « peut être présumé suffisant lorsque la dotation atteint au moins un montant d’un million et demi d’euros, sous réserve de vérification au regard de cet objet et au vu d’un projet de budget portant sur les trois premières années de son fonctionnement ».
Le fonds de dotation
Le fonds de dotation est un outil de financement du mécénat. Il est défini à l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
Le fonds de dotation est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable, et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général, ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général.
Le fonds de dotation est créé par une ou plusieurs personnes physiques ou morales pour une durée déterminée ou indéterminée. Le fonds de dotation est constitué par les dotations en capital qui lui sont apportées auxquelles s’ajoutent les dons et legs qui lui sont consentis. Les fondateurs apportent une dotation initiale au moins égale à un montant fixé par voie réglementaire, qui ne peut excéder 30 000 €. Les ressources du fonds sont constituées des revenus de ses dotations, des produits des activités autorisées par les statuts et des produits des rétributions pour service rendu. Le fonds peut faire appel à la générosité publique après autorisation administrative dont les modalités sont fixées par décret. Les dons issus de la générosité publique peuvent être joints à la dotation en capital du fonds de dotation. Le fonds de dotation dispose librement de ses ressources dans la limite de son objet social. Il ne peut disposer des dotations en capital dont il bénéficie ni les consommer et ne peut utiliser que les revenus issus de celles-ci.
La fondation d’entreprise
Les sociétés civiles ou commerciales, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les coopératives, les institutions de prévoyance ou les mutuelles peuvent créer, en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général, une personne morale, à but non lucratif, dénommée fondation d’entreprise. La fondation d’entreprise est créée pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à cinq ans.
La fondation sous égide (abritée)
Une fondation abritée (ou sous égide) consiste en l’affectation irrévocable, en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif, de biens, de droits ou de ressources à une fondation reconnue d’utilité publique, une fondation de coopération scientifique, une fondation partenariale, l’Institut de France et la Fondation de France. Une fondation abritée n’est donc pas une personne morale : elle peut être créée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Les fondateurs de la fondation abritée effectuent un don, un legs ou une donation au bénéfice d’une fondation abritante (ou affectataire), déjà existante, qui gère pour leur compte les biens confiés en vue de la réalisation d’une action d’intérêt général. La fondation abritée et la fondation abritante sont liées par contrat. La fondation abritée bénéficie des avantages patrimoniaux et fiscaux de la fondation qui l’abrite, notamment la capacité à recevoir des dons et legs ou des donations.
La fondation de coopération scientifique
Plusieurs établissements ou organismes publics ou privés, parmi lesquels au moins un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur, peuvent constituer une fondation de coopération scientifique dans l’objectif de conduire, selon leur composition, une ou des activités de recherche. Les fondations de coopération scientifique sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif soumises aux règles relatives aux fondations reconnues d’utilité publique. Les statuts des fondations de coopération scientifique sont approuvés par décret. Leur dotation peut être apportée en tout ou partie par des personnes publiques. Les statuts définissent les conditions dans lesquelles une partie de la dotation peut être affectée à l’activité de la fondation.
La fondation partenariale
Une fondation partenariale est une personne morale à but non lucratif créée en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une activité d’intérêt général conforme aux missions du service public de l’enseignement supérieur.
Les fondations partenariales sont créées par les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et les établissements publics à caractère scientifique et technologique. Ces établissements peuvent créer une fondation partenariale seuls ou avec toutes personnes morales et physiques, françaises ou étrangères.
Les fondations partenariales sont soumises, d’une manière générale, aux mêmes règles que les fondations d’entreprise en ce qui concerne leur création, leurs ressources, leur fonctionnement, leur dissolution, les règles particulières de fonctionnement de chaque fondation sont fixées dans ses statuts.
La fondation universitaire
La fondation universitaire a un objet spécifique qui consiste en la constitution en vue de la réalisation d’une ou plusieurs œuvres ou activités d’intérêt général et à but non lucratif conformes aux missions du service public de l’enseignement supérieur. La fondation universitaire ne peut être créée que par un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ou par un pôle de recherche et d’enseignement supérieur ayant le statut d’établissement public de coopération scientifique. Elle n’est pas dotée de la personnalité morale car elle est abritée par l’établissement public qui la crée. Elle n’a pas de durée limitée.
La fondation hospitalière
Une fondation hospitalière est une personne morale de droit privé à but non lucratif créée à l’initiative d’un ou plusieurs établissements publics de santé pour la réalisation d’une ou plusieurs œuvres ou activités d’intérêt général en vue de concourir aux missions de recherche dévolues au service public hospitalier.
La fiscalité pour les donateurs
Les fondations permettent aux particuliers et aux entreprises de bénéficier d’importants avantages fiscaux au titre des dons qu’ils peuvent faire pour les fondations.
Pour les particuliers
Réduction d’impôt sur le revenu
L’article 200 du Code général des impôts dispose qu’ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l’abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au profit de fondations ou associations reconnues d’utilité publique mais également de fonds de dotation répondant à certains critères spécifiques.
Réduction d’impôt de solidarité sur la fortune
L’article 885-0 V bis A. issue de la loi Tepa du 22 août 2007 dispose que le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune, dans la limite de 50 000 euros, 75 % du montant des dons en numéraire et dons en pleine propriété de titres de sociétés admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger effectués au profit (…) des fondations reconnues d’utilité publique (et leurs fondations abritées), les fondations de coopération scientifique, les fondations universitaires, les fondations partenariales.
Pour les entreprises
L’article 238 bis du code général des impôts précise qu’ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires, effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés au profit de fondations reconnues d’utilité publique, à la Fondation du Patrimoine et aux fonds de dotation sous certaines conditions.
L’accompagnement des fondations
Si les fondations sont amenées à recevoir des dons et legs qui peuvent parfois être très significatifs, il est important que celles-ci soient accompagnées dans le choix de leurs investissements par des professionnels qualifiés. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié un guide pour les fondations et fonds de dotations dans leurs démarches d’investissement en produits financiers. En effet, les fondations s’inscriront, pour la plupart d’entre elles, dans la catégorie des clients non professionnels, n’étant pas des clients professionnels par nature – établissements de crédit, entreprises d’investissement, sociétés de gestion… – ou ne répondant pas aux critères de taille – total du bilan égal ou supérieur à 20 millions d’euros, chiffre d’affaires net ou recettes nettes égaux ou supérieurs à 40 millions d’euros, capitaux propres égaux ou supérieurs à 2 millions d’euros. Elles doivent donc être accompagnées dans leur gestion institutionnelle qui est une discipline complexe. Ainsi l’AMF indique les étapes clés du processus d’investissement, qui sont des étapes de bon sens, mais qui méritent d’être rappelées.
Si la philanthropie pouvait être un concept réservé à une certaine élite, ou à ce qu’on appelle encore les « High-Net-Worth-Individuals », il est indéniable que cette philosophie, état d’esprit ou manière d’aider les autres, s’est démocratisée grâce aux avantages fiscaux proposés qui permettent à la France d’être l’un des pays référents en matière de générosité du public.
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