S’installer en Espagne ou Portugal ? Attention aux pièges !
Beaucoup seraient tentés de s’expatrier ou de partir vivre leur retraite au soleil de l’Espagne ou du Portugal… Avec la conviction que la fiscalité y est très favorable. Certains pourraient déchanter ! Les conseils d'Expert & Finance avant de se lancer.
Aujourd'hui, l'Espagne et le Portugal attirent un grand nombre de personnes par an : retraite, expatriation… et si de nombreux Français partent s'expatrier vers des pays ibériques, en idéalisant pour certains la fiscalité, des pièges sont à éviter. Il convient de partir prévenu.
Prenons l'exemple de l'Espagne ; s'installer à Barcelone ou à Madrid n'est pas du tout la même chose, fiscalement parlant. Alors que l'ISF et les droits de succession existent en Catalogne, ils n'existent pas à Madrid. Ainsi, si un ressortissant français part s'installer en Espagne et qu'une fois sur place il décide de vendre sa résidence principale basée en France, il ne paiera pas d'impôt sur les plus-values ni en France, ni en Espagne, s'il est basé à Madrid, mais en paiera s'il réside à Barcelone ou à Bilbao !
Concernant le Portugal, tout repose sur le statut de résident habituel (RH) versus résident non habituel (RNH) qui bénéfice aux ressortissants des pays de l'Union européenne sous certaines conditions. Il est par exemple conseillé de limiter les revenus du patrimoine de source française pour éviter que l'administration fiscale française remette en cause le statut RNH et de faire en sorte de payer un peu d'impôt au Portugal.
« Une expatriation dans un de ces deux pays doit impérativement se préparer et faire l'objet d'une étude. Une attention particulière doit être portée sur l'Espagne, s'agissant d'un pays qui a des implications et des conséquences civiles, juridiques et fiscales sur le patrimoine parfois importantes et très diverses selon les communautés autonomes. Une mise en conformité des véhicules de détention des clients déjà résidents fiscaux dans ces deux pays est également à considérer (risque de requalification, de taxation, de changement de régime matrimonial, de succession, etc.) », déclare Jean-Claude Faixo, directeur de Crystal Finance Ibéria.
Comparatif synthétique Espagne et Portugal
Notion de bénéficiaire économique : la résidence habituelle du bénéficiaire détermine le traitement fiscal.
Espagne
Le gouvernement central cohabite avec 17 communautés autonomes (forme de fédéralisme) : des régimes fiscaux différents et 6 droits foraux dont les compilations de droit civil propres se superposent au code civil espagnol (cas de la Catalogne, Baléares, Pays Basque, Galice, Navarre et Aragon).
Les 17 autonomies ont un président et un gouvernement avec des ministres. Les pouvoirs sont très étendus. Certaines autonomies, comme la Catalogne et le Pays Basque, ont un corps de police autonome avec des compétences de police intégrale ainsi qu’une langue officielle, comme le catalan qui, par devant l’espagnol, est la langue principale dans l’enseignement, les administrations publiques et les médias publics.
Aspects fiscaux
Disparités entre les communautés autonomes. Il existe un barème général d’État mais qui peut être aménagé par les autonomies. Pas de notion de foyer fiscal. La personne physique est imposée sur les revenus directement au barème.
- Impôt sur le patrimoine (ISF) : Catalogne seuil de déclenchement 500 K€ / Andalousie 800 K€ / Madrid pas d’IP car abattement de 100 %.
- Droits de succession : Droits à payer en Catalogne / Pas de droits de succession à Madrid ni en Andalousie.
Points d’attention :
- La valeur de la nue-propriété d’un bien meuble ou immeuble sera intégrée dans le calcul de l’impôt sur le patrimoine espagnol.
- Lors du décès de l’usufruitier, la valeur de l’usufruit à l’acte sera également intégrée dans la masse successorale du ou des bénéficiaires économiques résidents fiscaux espagnols.
- Un donataire résident fiscal espagnol devra déclarer la donation réalisée en France, même s’il n’y a aucun droit, et acquitter les droits en Espagne (pas d’abattement).
Exemple de conseil : Purger les plus-values immobilières avant une expatriation en Espagne.
La vente de l’ancienne résidence principale ou d’un bien détenu depuis plus de 30 ans après l’expatriation : en France -> 0 % sur les PV ; en Espagne -> imposition de la plus-value car aucune notion d’abattement de durée de détention ni de résidence principale.
Aspects civils
Les 6 droits foraux se superposent au code civil espagnol (droit commun).
Exemple :
- Catalogne (droit foral ; Code Civil catalan) : régime légal de la séparation de biens,
- Madrid (droit commun ; Code Civil espagnol) : régime légal de la communauté.
Conseil : Attention à la mutabilité des régimes matrimoniaux.
Lecture des actifs patrimoniaux (quelques exemples)
- SCPI considérée comme une valeur mobilière (imposition au titre des revenus financiers en Espagne).
- Contrat d’assurance-vie (CAV) : Attention à la conformité en Espagne -> Risque de perdre l’enveloppe juridique et que le contrat soit requalifié en compte-titres.
- Le traitement fiscal d’un CAV de droit français, si le preneur d’assurance est résident fiscal en Espagne au jour de son décès, le ou les bénéficiaires économiques résidents fiscaux en Espagne seront soumis : en France -> hors succession et traitement au titre du 990 I ou 737 B ; en Espagne -> intégration de 100 % des capitaux perçus dans la succession.
Portugal
Un pouvoir central et un statut de Résident Non Habituel (RNH) au bénéfice des ressortissants des pays de l’Union Européenne sous certaines conditions.
Aspects fiscaux et civils
- Imposition au taux de 10 % sur les retraites françaises privées (loi modifiée en 2020).
- Imposition forfaitaire à 20 % sur les revenus économiques des professions à forte valeur ajoutée (exemple : profession libérale, chef d’entreprise, etc.).
- Pas d’impôt sur le patrimoine ni de droits de succession.
- Imposition des revenus de sources portugaise hors revenus économiques : 28 %
- Revenus de sources étrangères :
-> Imposition des revenus au Portugal si aucun droit n’est payé dans le pays de détention de l’actif.
-> Aucune imposition des revenus au Portugal si des droits sont payés dans le pays de détention.
Exemple : Dividendes perçus d’une société française, d’une action, d’une OPPCI ou d’une SCPI allemande : en France : 12,8 % ; au Portugal : 0 %.
Lecture des actifs patrimoniaux
- SCPI considérée comme une valeur mobilière (imposition au titre des revenus financiers au Portugal).
- Contrat d’assurance-vie : Parfaite lecture sans aucune contrainte de conformité (FAS, FAS conseillé autorisé)
- Tous les autres véhicules d’investissement (SCPI, FPCI, OPPCI, etc.) ne font l’objet d’aucune contrainte de souscription.
Conclusion
Une expatriation dans un de ces deux pays doit impérativement se préparer et faire l’objet d’une étude. Une attention particulière doit être portée sur l’Espagne, s’agissant d’un pays qui a des implications et des conséquences civiles, juridiques et fiscales sur le patrimoine parfois importantes et très diverses selon les communautés autonomes. Une mise en conformité des véhicules de détention des clients déjà résidents fiscaux dans ces deux pays est également à considérer (risque de requalification, de taxation, de changement de régime matrimonial, de succession, etc.).
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