Transmission d’entreprise et remploi en assurance-vie

Par : edicom

Par Philippe Curnillon, fondateur et président du cabinet BC Finances, et Fabrice Haehl, consultant-associé chez BC Finances

Dans le cadre d’une cession d’entreprise, le dirigeant souhaitera préparer la transmission du patrimoine et réfléchir à sa protection future. Il devra aussi faire face à de nombreux changements en termes de flux de trésorerie et de fiscalité : mise en place de revenus complémentaires nécessaires pour pallier l’absence de revenus professionnels, inversion de la fiscalité courante (IR en baisse et potentiellement hausse de l’IFI en cas de conservation des biens immobiliers professionnels, perdant leur exonération suite à la cession des titres, par exemple).

L’objectif principal du dirigeant sera de maintenir son train de vie et d’obtenir des revenus complémentaires, dans les meilleures conditions fiscales. Pour ce faire, les contrats d’assurance-vie à participation aux bénéfices différée sont particulièrement adaptés à cette situation. En effet, ce sont des contrats d’assurance-vie spécifiques qui disposent d’un mécanisme particulier et offrent des avantages fiscaux supplémentaires.

Le contrat à participation aux bénéfices différés

L’article A331-9 du Code des assurances prévoit que les compagnies d’assurance disposent de huit ans pour inscrire en compte les intérêts des contrats d’assurance-vie. Ainsi, les compagnies d’assurance se basent sur cet article pour isoler juridiquement et temporairement les intérêts perçus sur le support spécifique dénommé « participation aux bénéfices ». Son fonctionnement est simple.

Pendant les huit premières années : constitution de la participation aux bénéfices

Les intérêts du fonds euros, les produits financiers des supports en unité de compte ou les coupons des produits structurés sont intégrés dans la participation aux bénéfices différée, au fur et à mesure de leur perception. Cette participation aux bénéfices est mise en réserve et donc non immédiatement attribuée. De plus, elle ne supporte donc pas les frais de gestion du contrat. Cette affectation régulière optimise le potentiel de performance du contrat. Enfin, les intérêts affectés à la participation aux bénéfices sont placés par la compagnie et génèrent eux-mêmes des intérêts.

Après huit ans : intégration de la participation aux bénéfices

Dès le huitième anniversaire du contrat, le mécanisme de la participation aux bénéfices différée prend fin. Le montant de la participation aux bénéfices est intégré à la valeur de rachat du contrat. En cas de décès, la participation aux bénéfices est transmise aux bénéficiaires. La compagnie leur verse alors le capital et la participation aux bénéfices différée. Les conséquences fiscales sont alors particulièrement avantageuses pour le dirigeant d’entreprise.

Au niveau de l’impôt sur le revenu, et pendant les huit premières années du contrat, les revenus sont principalement constitués de capital, et donc peu ou pas soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. En effet, les intérêts étant contractuellement affectés au compte de participation aux bénéfices, les rachats ne génèrent peu ou pas d’imposition. Cependant, lorsque le contrat dispose d’unités de comptes en plus-value, une quote-part de la plus-value latente sera imposée. Mais cette imposition sera fortement diluée. A compter du huitième anniversaire du contrat, les rachats subiront la fiscalité comme sur les contrats classiques. Ainsi, le chef d’entreprise pourra compléter ses revenus (pensions de retraite ou revenus fonciers, par exemple) par des rachats sur ce type de contrats et ce, en quasi-absence de fiscalité.

Autre avantage pour ces contrats : l’optimisation du plafonnement de l’IFI. Même si aujourd’hui il est rare d’arriver à plafonner l’IFI par rapport à l’ISF, ce type de contrat pourra offrir un avantage supplémentaire en cas de retour potentiel, dans les années à venir, d’un impôt semblable à l’ISF avec un mécanisme de plafonnement.

L’ensemble des avantages fiscaux (IR et IFI) est particulièrement intéressant pour un chef d’entreprise, souhaitant disposer de revenus complémentaires ou du capital pour des besoins exceptionnels. Il peut ainsi disposer du capital à tout moment en cas d’opportunités, lui permettant ainsi une grande souplesse.

Une fois l’enveloppe fiscale définie se pose la question de l’allocation d’actifs. Jusqu’à présent, le fonds en euros était souvent synonyme de rendement, disponibilité et sécurité. Cependant, dans le contexte actuel, ces trois caractéristiques ne peuvent plus être totalement satisfaites, comme par le passé.

Face à ce constat, il est indispensable de diversifier son allocation d’actifs, afin de conserver un rendement global correct. Néanmoins, il est nécessaire de conserver une part de fonds euros pour les besoins de revenus complémentaires du dirigeant d’entreprise. Afin d’avoir des protections en cas de baisse des marchés financiers, il est possible d’opter pour des produits structurés, offrant des protections en cas de baisse des marchés financiers, contrairement à des OPCVM classiques.

Un fonds structuré repose sur une formule mathématique prédéfinie. Sa performance dépend des éléments suivants :

- une durée d’investissement,

- une performance,

- un sous-jacent,

- et un niveau de protection du capital en cas de baisse.

Un fonds structuré peut présenter un potentiel de gain élevé, de l’ordre de 7 % brut par an, mais présente un risque de perte en capital en cours de vie et à l’échéance du fonds.

Comme pour les OPCVM, la sélection du fonds structuré est primordiale. De nombreuses formules sont créées mais toutes n’ont pas les mêmes caractéristiques et donc le même niveau de risque. Certains fonds sont indexés sur une seule action, d’autres sur un panier d’actions ou encore sur un indice. Un fonds avec un potentiel de gain important aura pour corollaire un risque non négligeable de perte en capital (partielle ou totale), en cours de vie et à l’échéance.

Ainsi, les fonds structurés, rigoureusement sélectionnés, permettront d’améliorer le rendement du contrat. En termes de diversification, il est opportun d’investir sur différents fonds structurés. Cela étant, une part d’investissement en fonds euros doit être maintenue pour faire face au besoin de liquidités pour le chef d’entreprise. Ainsi, une allocation 50 % fonds en euros et 50 % en produits structurés offrira un rendement de l’ordre de 4 % net de frais de gestion.

 

L’importance des clauses bénéficiaires

L’autre volet primordial de l’assurance-vie est l’importance des avantages successoraux. En présence d’un ou plusieurs bénéficiaires, les sommes versées bénéficient du cadre fiscal privilégié de l’assurance-vie en application des articles 757 B et 990 I du CGI.

Pour déterminer le régime applicable à chaque contrat, il convient de prendre en considération trois critères : la date de souscription du contrat, la date de versement de chaque prime et l’âge de l’assuré au moment du versement.

Pour les contrats actuels et les primes versées avant les 70 ans du souscripteur (art. 990 I), chaque bénéficiaire dispose d’un abattement de 152 500 €. Il y a autant d’abattement de 152 500 € que de bénéficiaires. L’abattement s’apprécie d’une manière globale et non contrat par contrat. Au-delà de cet abattement, les capitaux subissent un prélèvement de 20 %, puis de 31,25 %.

Les capitaux sont taxés de la manière suivante :

- de 0 à 152 500 € : exonération ;

- de 152 500 € à 852 500 €, prélèvement de 20 % ;

- au-delà de 852 500 €, prélèvement de 31,25 %.

Ainsi même dans la tranche maximale (31,25 %), la taxation sera beaucoup moins lourde qu’en matière de droits de succession avec des tranches équivalentes de 40 ou 45 %.

La clause bénéficiaire permettra au souscripteur du contrat de déterminer les bénéficiaires des capitaux en cas de décès mais également les modalités de la transmission (répartition, obligations des bénéficiaires, conditions, etc.).

Le levier d’optimisation sera donc la bonne rédaction de la clause bénéficiaire. En effet, il sera nécessaire de « démultiplier » le nombre de bénéficiaires : enfants bien entendu, petits enfants si le schéma familial le permet. Cela jouera à la fois sur le nombre d’abattement de 152 500 € à appliquer, mais également sur la progressivité du barème par bénéficiaire.

La clause pourra aussi prévoir des capitaux démembrés, afin de protéger le conjoint survivant. Le principe du démembrement est simple : en cas de décès de l’époux souscripteur, son conjoint reçoit l’usufruit des capitaux, les enfants la nue-propriété, avec naissance d’un quasi-usufruit pour le conjoint survivant.

 

Démembrement d’une clause bénéficiaire

Le démembrement consiste à dissocier les attributs du droit de propriété entre l’usufruitier, qui a l’usage du bien transmis et peut profiter des « fruits » ou revenus, et le nu-propriétaire, qui en deviendra pleinement propriétaire de manière différée. L’usufruit qui porte sur une somme d’argent se transforme en quasi-usufruit.

Ainsi, le démembrement d’une clause bénéficiaire permet au conjoint survivant (usufruitier) de bénéficier de l’intégralité des capitaux décès : il a le droit de les utiliser comme s’il en était plein propriétaire, à charge pour lui de rendre cette somme à son décès (dette envers les enfants, nus-propriétaires).

Ces derniers ne détiendront la pleine propriété des capitaux qu’au décès du conjoint survivant par le jeu d’une « créance de restitution », matérialisée par l’inscription d’une dette au passif de la succession.

Il est bien évident que les capitaux décès profiteront à terme aux enfants à condition que le patrimoine du défunt permette le paiement de la créance.

Sur le plan fiscal, cette technique permet d’optimiser la transmission des capitaux-décès :

- lors de la première transmission - démembrement des capitaux : les nus-propriétaires et le quasi-usufruitier seront considérés comme bénéficiaires au prorata de la somme réputée leur revenir en fonction du barème fiscal en vigueur (article 669 du CGI). Il existe autant d’abattements de 152 500 € que de couples « usufruitier/nu-propriétaire ». Cet abattement est réparti entre chaque couple selon le même barème fiscal ;

- et lors de la seconde transmission - fin du démembrement de propriété : les nus-propriétaires deviennent plein propriétaires en franchise de droit.

Ainsi, la seconde transmission échappe aux droits de succession. A noter que si l’usufruitier a consommé tout ou partie du quasi-usufruit, la créance dont dispose les nus-propriétaires va venir réduire les droits de succession lors du second décès.

Le démembrement permet dans un premier temps de protéger le conjoint survivant (attribution d’un quasi-usufruit lui assurant une autonomie financière vis-à-vis des enfants), puis dans un second temps de transmettre un capital aux enfants du défunt, au décès du conjoint survivant, tout en réduisant les droits de succession lors du second décès (créance sur la succession du conjoint survivant).

 

Conclusion

Suite à la cession de son outil professionnel, le chef d’entreprise devra combiner revenus complémentaires et préparation de la transmission, deux objectifs que l’assurance-vie réussit parfaitement. Cependant, ces solutions devront rester souples et évolutives dans le temps, en fonction de l’environnement juridique, fiscal et économique en constante évolution. Ainsi, le suivi apporté par son CGP fera alors toute la différence, aussi bien pour le suivi des investissements que le suivi des préconisations juridiques ou fiscales.

  • Mise à jour le : 26/06/2019

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