Mini-abus de droit : un lot de bonnes et mauvaises surprises

Par : edicom

Par Jean-François Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale de Banque Richelieu

L’administration fiscale vient de commenter, le 31 janvier dernier, la procédure du mini-abus de droit, instituée par la loi de finances pour 2019, qui s’appliquera aux opérations intervenues à compter du 1er janvier 2020.

Le texte administratif comprend son lot de bonnes et de mauvaises surprises.

Au rang des mauvaises surprises, se trouve le périmètre même de l’opération constituant un abus de droit.

Celui-ci nécessite que soient réunies deux conditions : le motif principalement fiscal de l’opération, et l’intention de rechercher le bénéfice d’un texte à l’encontre de l’objectif poursuivi par les auteurs de ce texte. La formulation ambiguë de ce deuxième critère, déjà retenu dans la réécriture de l’article L 64 du LPF, avait ému les praticiens, qui se demandaient si les actes administratifs étaient à ranger au rang des « textes » visés par l’abus de droit. 

Alors même que les commentateurs les plus éclairés de cette rédaction faisaient preuve d’optimisme, en indiquant que le terme « textes » ne concernait pas les documents administratifs, la Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 20 décembre 2018, a pris position en sens contraire. S’inscrivant dans la lignée de cette décision, le BOFIP précise que les décisions administratives de portée générale, du type des réponses ministérielle ou des rescrits, font partie des « textes » visés par l’article L 64 A.

Au rang des bonnes nouvelles, l’administration fiscale précise que les donations d’usufruit à terme fixe au profit d’un enfant majeur, bien que procurant un foyer fiscal une économie d’impôt sur la fortune, ne sont pas des opérations abusives si leur vocation est d’aider le descendant à financer ses études.

On peut penser qu’il en serait de même si les ascendants souhaitaient mettre en place un démembrement temporaire pour aider un descendant plus âgé, confronté aux difficultés de la vie (séparation, perte d’emploi, etc.). 

L’administration fiscale ne se prononce toutefois pas sur la conformité des opérations de donations/cessions aux dispositions de l’article L 64 A. 

Mais certains commentateurs (1) se montrent optimistes sur le sujet, en rappelant que le principe fixé en la matière par le Conseil d’Etat est que dans un tel cas, l’administration ne peut se baser que sur la fictivité de l’acte pour alléguer d’un abus de droit. Or, le mini-abus de droit ne vise pas les cas d’abus par fictivité, mais seulement ceux commis dans un but principalement fiscal.

Sur la question relative à l’application de pénalités en cas de mini-abus de droit, les praticiens restent dans l’expectative.

Certes, les pénalités spécifiques de 40 ou 80 % ne sont applicables qu’aux opérations visées à l’article L 64, pour motif exclusivement fiscal ; mais l’administration reste silencieuse sur l’application d’autres pénalités, telles que la pénalité de 40 % pour manquement délibéré ou celle de 80 % pour manœuvres frauduleuses, au mini-abus de droit.

Plus que jamais, l’adage dégagé par le Professeur Cozian, « jouez, on vous donnera les règles du jeu ensuite », reste applicable au mini-abus de droit…

 

1. FR fiscal social Francis Lefebvre, n° 9, 20 février 2020, p.21 

  • Mise à jour le : 06/03/2020

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