Location saisonnière : incidence de la sous-location irrégulière sur les loyers
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La Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur la nature et la propriété des sous-loyers lorsque le bailleur n’a pas autorisé la sous-location (Cass. civ. 3, 12/09/2019)…
Ce qu'il faut retenir
Le locataire peut sous-louer son logement de manière ponctuelle ou habituelle à condition que cette sous-location soit autorisée.
A défaut d’autorisation, la Cour de cassation considère que les sous-loyers perçus par le locataire constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire et doivent lui être remboursés.
Conséquences pratiques
Le locataire peut sous-louer son logement seulement en cas d’autorisation écrite du bailleur (baux conclus après le 27 mars 2014) ou si la sous-location n’est pas expressément interdite dans le bail (baux conclus avant le 27 mars 2014). Loi n°89-462 du 6 juill. 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, art. 8.
Rappel : lorsque la sous-location est irrégulière les sanctions habituelles sont la résiliation judiciaire du bail et/ou l’allocation de dommages et intérêtsnotamment pour préjudice moral et pour remboursement des frais de procédure ; celle-ci n’est donc pas forcément calibrée sur le montant des sous-loyers perçus.
Avec cette décision, la Cour de cassation consacre une nouvelle sanction, cumulable avec celles de droit commun, qui s’inscrit dans une sorte d’automatisme : le remboursement au bailleur des sous-loyers irréguliers alors même que le contrat de bail initial transfère normalement un droit de jouissance au profit du locataire…
Par ailleurs, lorsque la sous location est régulière, la loi prévoit que le loyer de sous location au m2 de surface habitable est plafonné à celui payé par le locataire principal (à cet égard, une incertitude existe sur le fait de savoir si cette appréciation se fait au prorata des jours mis en sous-location ou sur ce qui est réellement perçu dans le mois…).
Jusqu’à présent, la jurisprudence s’est seulement prononcée sur le remboursement des sous-loyers au sous-locataire lorsqu’ils sont supérieurs au montant du loyer principal (A titre d’illustration, voir CA Nancy, 25 oct. 2018, n°16/02398).
Pour autant, le bailleur pourrait vraisemblablement, sur le fondement de cette nouvelle décision, obtenir le remboursement du surplus des sous-loyers perçus par le locataire puisque ces derniers seraient des fruits civils.
En outre, si les parties (locataire et bailleur) se sont entendues sur le prix des sous-loyers, la notion de fruits civils pourrait également inciter le propriétaire à demander le versement d’une partie de ces derniers en contrepartie de l’autorisation qu’il a donné pour la sous-location.
Avis Fidroit : Cette décision s’avère très avantageuse pour le propriétaire ce qui peut paraître surprenant dans la mesure où il se retrouve dans une situation où il s’enrichit doublement en percevant sur la même période deux loyers : celui du bail initial et celui de la sous-location. Toutefois, le propriétaire doit rester vigilant et ne pas laisser le sous-locataire trop longtemps dans cette situation de sous-location irrégulière car il pourrait être sanctionné – au même titre que le locataire - pour ne pas avoir demandé l’autorisation de changement d’usage du bien d’habitation. Enfin, la portée de cette décision, rendue dans des termes généraux, devrait s’étendre à n’importe quel bail pour lequel la sous-location est irrégulière ou interdite.
Pour aller plus loin
Contexte
Aspects juridiques et fiscaux de la sous-location
Le locataire peut sous-louer son logement, que le bail principal soit nu ou meublé.
> Juridiquement
> Sanctions
Lorsque la sous-location est irrégulière, des sanctions peuvent être appliquées si la sous-location est avérée (la seule parution d'annonces n'est pas suffisante) :
- la résiliation judiciaire du bail lorsque les sous-locataire se sont installés durablement (voir par ex : en cas de sous-location à un étudiant pendant l'année universitaire - CA Paris,8 sept. 2016, n°14/06505).
- des dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral (voir par ex : en cas de sous-location indue et notoire pendant 3 ans, TI Paris, 6 avr. 2016).
- le remboursement des frais engendrés par la procédure judiciaire (voir par ex : TI Nogent-sur-Marne, 21 févr. 2017).
- S’agissant du préjudice financier (outre les éventuelles dégradations sur le bien loué) la jurisprudence a jugé que:
* le locataire conservait les sommes encaissés illégalement au titre de la sous-location (TI Paris, 6 avr. 2016) :
* a contrario, d’autres juges ont permis au bailleur de récupérer les sous-loyers sur le fondement de l’accession (CA Paris, du 5 juin 2018, n°16-10684 ; CA Paris, 12 mars 2019, n°16/23067 ; CA Paris 16 avr. 2019 n°17/14668 ; CA Paris 2 juill. 2019, n°17/04781).
* le sous-locataire a également pu obtenir le remboursement des sous-loyers versés lorsqu’ils sont supérieurs au montant du loyer principal (CA Nancy, 25 oct. 2018, n°16/02398).
> Fiscalement
En matière de sous-location, il convient de distinguer l’imposition des deux baux, l’un consenti au locataire et l’autre au sous-locataire :
> Théorie de l'accession
Les juges du fond ont parfois restitué les sous-loyers irréguliers au propriétaire sur le fondement de la théorie de l’accession.
L’accession est un mécanisme juridique qui permet d’accroître l’assiette d’un droit de propriété : un bien, accessoire, s’agrège à un autre principal.
L’accession peut intervenir par incorporation ou par production. En effet, la loi accorde au propriétaire d’une chose un droit d’accession sur les fruits produits par celle-ci dès l’origine, notamment sur les fruits civils à savoir les loyers des maisons (C. civ. arts. 546, 547 et 584).
Ce principe peut parfois recevoir exception lorsque la chose est détenue non pas par le propriétaire mais par un possesseur de bonne foi : ce dernier peut alors conserver les fruits (C. civ. art. 550).
C’est sur le fondement de cet attribut du droit de propriété que la Cour de cassation a rendu sa décision concernant les sous-loyers irréguliers.
Faits et procédure
En 1997, une SCI a donné à bail un appartement à un couple.
En 2014, suite au décès de son père Monsieur Y est devenu propriétaire des parts de la SCI.
Le 8 avril 2014, il a délivré aux locataires un congé pour reprise à son profit, puis les a assignés en validité du congé. Ayant constaté que les locataires avaient sous-loué l’appartement, sur la plateforme Air-BnB, il a également sollicité le remboursement des sous-loyers en exécution de son droit d’accession.
Le Tribunal d’instance de Paris valide le congé pour reprise délivré par le propriétaire et considère les locataires comme occupants sans droit ni titre et les condamnent à payer une indemnité d’occupation.
Ils interjettent appel.
Par un arrêt rendu le 5 juin 2018, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement de première instance et condamne, en plus, les occupants à restituer au propriétaire le montant des sommes perçues au titre de la mise en sous-location du bien sur le site AirBnb.
Au soutien de sa décision, la Cour d’appel retient que les loyers perçus au titre de la sous-location sont des fruits civils de la propriété et appartiennent de facto au propriétaire au sens des articles 546 et 547 du Code civil.
En conséquence, le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location, cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci qu’il convient de réparer.
Les locataires se pourvoient en cassation et soutiennent que les juges du fond ont violé les dispositions des articles 546 et 547 du Code civil puisque :
- les sous-loyers perçus par un locataire au titre d’une sous-location ne constituent pas des fruits civils appartenant au bailleur par accession mais l’équivalent économique du droit de jouissance conféré au preneur, lequel est en droit de les percevoir et de les conserver, sauf à engager sa responsabilité envers le bailleur en cas de préjudice subi par celui-ci du fait de la méconnaissance d’une interdiction contractuelle de sous-location ;
- une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire mais produit tous ses effets entre le locataire principal et le sous-locataire ; en conséquence, seul le locataire est créancier des sous-loyers.
Arrêt
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision des juges du fond aux motifs que :
- la sous-location n’a pas été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent donc des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ;
- dès lors, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre doivent lui être remboursées.
Analyse
Cette décision s’inscrit dans la continuité du renforcement de la protection droit de propriété qui se dégage actuellement en jurisprudence (en ce sens, voir une décision récente sur l’expulsion des occupants sans droit ni titre, Cass. civ. 3, 4 juill. 2019, n°18-17119).
En outre, elle semble revêtir la forme d’une décision de principe :
- d’abord, par son importante publicité notamment due au fait que c’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur cette question. Elle avait, en effet, jusqu’ici seulement répondu aux questions liées aux sanctions classiques (résiliation judiciaire du bail et dommages et intérêts) mais n’avait pas eu à trancher du cas particulier de l’accession.
- ensuite, les juges du fond tendent à appliquer ces règles depuis l’arrêt d’appel de cette décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 5 juin 2018 (à titre d’illustration : CA Paris, 12 mars 2019, n°16/23067 ; CA Paris 16 avr. 2019 n°17/14668 ; CA Paris 2 juill. 2019, n°17/04781).
Enfin, cette solution conduit à limiter le nombre de location ou sous-location touristique en imposant le respect de l’objet du bail d’habitation à la fois au propriétaire mais aussi au locataire. Ce dernier ne peut donc pas effectuer plus facilement cette activité de sous-location que le propriétaire.
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