IFI 2020, comment évaluer son bien ?
Par Rosa Riche, responsable ingénierie patrimoniale chez Cholet Dupont
Pour les contribuables soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’heure est aux déclarations de patrimoine, décalées de quelques jours en raison de la crise sanitaire. Mais sur quelles bases et avec quels outils estimer la valeur des biens concernés ? Comment prendre en compte les dettes supportées ? Et de quel délai dispose l’administration pour procéder au contrôle ?
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) concerne les personnes dont le patrimoine immobilier net taxable est supérieur à 1,3 million d’euros. Ce montant constitue le seuil de déclenchement de l’IFI, mais il ne faut pas oublier qu’une fois cette limite franchie, le patrimoine immobilier supporte l’impôt dès 800 000 €. La limite d’imposition s’apprécie au 1er janvier 2020 et au niveau du foyer fiscal (les personnes mariées, liées par un Pacs ou vivant en concubinage notoire, ainsi que les enfants mineurs dont ils ont l’administration légale des biens). Pour les personnes mariées, l’assiette de l’IFI comprend l’ensemble des actifs immobiliers des deux époux, quel que soit leur régime matrimonial. Attention, si vous avez hérité d’un bien entrant dans le champ d’application de l’IFI en 2019, vous devez déclarer votre quote-part, même si la déclaration de succession n’a pas encore été déposée ou ne l’était pas au 1er janvier 2020.
La limite d’imposition s’apprécie au niveau du foyer fiscal : celui-ci comprend les personnes mariées, liées par un Pacs ou vivant en concubinage notoire, ainsi que les enfants mineurs dont ils ont l’administration légale des biens. Pour les personnes mariées, l’assiette de l’IFI comprend l’ensemble des actifs immobiliers des deux époux, quel que soit leur régime matrimonial (1).
Quelle que soit sa nationalité, le résident fiscal français (2) est imposable sur ses actifs immobiliers, non expressément exonérés (3), situés en France et hors de France (4). Ces actifs immobiliers peuvent être détenus directement, via des structures sociétaires ou à travers un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation. Ce seuil de 1,3 million d’euros impose au contribuable de s’atteler à une évaluation consciencieuse de ses biens immobiliers. Ce montant s’entendant comme une valeur nette, il convient d’être attentif aux conditions de déductibilité des dettes.
En pratique, comment évaluer son patrimoine immobilier taxable ?
L’administration fiscale le rappelle dans sa notice d’aide à l’établissement de la déclaration, consultable sur le site impot.gouv : « la valeur est déterminée par le redevable sous sa responsabilité ». Dès lors, la question que le redevable de l’IFI doit se poser est la suivante : au 1er janvier 2020, à quel prix aurais-je pu vendre mon bien ?
Le plus souvent la valeur vénale est déterminée par comparaison : il s’agit de se référer aux montants des transactions portant sur des biens similaires. Dès lors, il convient d’être curieux : y a-t-il eu des ventes, des décès dans mon immeuble, dans ma résidence, dans mon quartier… ? Il n’est cependant pas toujours aisé de questionner ses voisins… Aussi, à défaut de disposer d’une évaluation officielle réalisée par un expert ou par une agence immobilière, il est possible de se tourner vers le service Patrim. Mis à disposition par la DGFIP (Direction générale des finances publiques), ce site permet d’établir une comparaison avec les prix des ventes similaires dans un secteur géographique donné. Dans sa notice, l’administration rappelle que sur impots.gouv.fr, « le contribuable dispose d’un accès gratuit aux données foncières et immobilières de la DGFIP via le service dénommé Patrim ».
Mis en ligne en novembre 2013, cet outil permet aux contribuables d’accéder aux informations relatives aux transactions immobilières dont dispose Bercy. Cependant, recourir à cet outil en ligne suppose de se connecter à son « espace particulier » ; autrement dit, il s’agit de s’identifier via son numéro fiscal de référence. Voilà qui est de nature à rebuter de nombreux contribuables ! Patrim est, en effet, assorti d’un outil de traçabilité permettant la conservation pendant une année des informations de recherche et de consultation du demandeur « à seule fin de vérifier le respect des conditions d’utilisation du service », précise le législateur. Autrement dit, l’administration fiscale ne peut ni consulter ni utiliser ces données dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal ou en vue d’un contrôle.
En avril 2019, la DGFIP a mis à disposition l’application gratuite « Demande de valeur foncière (DVF) », librement accessible sur le site data.gouv.fr. DVF permet de disposer d’éléments relatifs aux valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations à titre onéreux intervenues au cours des cinq dernières années en métropole, dans les Dom-Com, à l’exception de l’Alsace-Moselle et de Mayotte. Ces informations portent sur :
- le prix de vente et la date de transaction d’un bien bâti (appartements et maisons) ou non bâti ;
- le descriptif du bien : type de bien, nombre de pièces, surface ;
- et la localisation, grâce à une interface géolocalisée.
Les fichiers mis à disposition font l’objet d’une mise à jour semestrielle, en avril et en octobre. Chaque mise à jour supprime, puis remplace la totalité des fichiers précédemment publiés. Par ailleurs, les notaires proposent différents sites et services :
- le portail Notaviz ;
- les notaires de France mettent à disposition un baromètre immobilier relatif à l’état du marché, les niveaux et les tendances des prix des logements, maisons et appartements, dans l’ancien (hors Paris et Ile-de-France) ;
- le site de la chambre des notaires de Paris informe sur les prix de l’immobilier en Ile-de-France.
Le contribuable peut également se rapprocher de son notaire qui consultera les bases immobilières Bien (Ile-de-France) ou Perval (en région), constituées des informations contenues dans les actes de vente notariés.
Evidemment, compte tenu de la mise à disposition de ces différentes bases de données, il sera compliqué pour les redevables de l’IFI d’expliquer à l’administration fiscale qu’ils n’avaient aucune idée de la valeur vénale de leurs biens au 1er janvier.
Patrimoine net taxable : prise en compte des dettes supportées par le contribuable
Les dettes contractées par le foyer fiscal peuvent être déduites de l’actif imposable lorsqu’elles existent au 1er janvier de l’année d’imposition et qu’elles sont effectivement supportées par un membre du foyer fiscal. Seules sont déductibles les dettes afférentes à des actifs imposables, le cas échéant, à proportion de la fraction de leur valeur imposable. Dès lors, les dettes relatives à des biens partiellement exonérés ne sont déductibles qu’à concurrence de la fraction taxable de la valeur de ces biens. Par exemple, les dettes contractées pour l’acquisition de bois et forêts exonérés pour trois quarts de leur valeur ne sont retenues que pour un quart de leur montant.
Le prêt souscrit pour acquérir sa résidence principale bénéficie d’un dispositif particulier, puisque l’administration fiscale considère que le capital restant dû au 1er janvier est déductible pour son montant total, sans toutefois pouvoir excéder la valeur imposable de la résidence principale (soit 70 % de la valeur vénale réelle).
Modalités de prise en compte des dettes
Pour être déductibles, les dettes doivent être utilisées pour la réalisation de dépenses limitativement énumérées. Sont susceptibles d’être considérés comme tels, les dépenses restant à régler ou les emprunts relatifs à :
- l’acquisition de biens ou droits immobiliers ;
- l’acquisition des parts ou actions au prorata de la valeur des biens ou droits immobiliers imposables ;
- la réparation et l’entretien effectivement supportés par le propriétaire ;
- l’amélioration, la construction, la reconstruction ou l’agrandissement du bien ;
- les impositions dues à raison des propriétés (taxe foncière, taxes additionnelles à la TF, droits de mutation à titre gratuit afférents à des actifs imposables, l’IFI lui-même, etc.).
La loi écarte ou limite la déduction de certaines dettes considérées comme permettant aux redevables de réduire anormalement leur base taxable. Pour résumer, car ce point mérite de longs développements, sont visées en particulier les dettes contractées directement ou indirectement auprès du redevable et de sa famille.
Cas particulier des emprunts in fine
Lorsque l’achat d’un actif imposable a été financé au moyen d’un prêt prévoyant le remboursement du capital au terme du contrat, la loi limite le montant de la dette déductible. Le prêt in fine est « fictivement amorti » et le capital à rembourser est retenu à hauteur de la différence entre le montant total de l’emprunt et une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre d’années écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre d’années total de l’emprunt. Par simplification, il est admis pour ce calcul que les années commencées et non achevées ne sont pas prises en compte.
Exemple : Prêt in fine de 500 000 €, souscrit le 1er janvier 2013, remboursable en totalité le 1er janvier 2028. Au 1er janvier 2020, le montant à porter au passif de l’IFI est limité à 240 000 € : 450 000 € - 210 000 € (450 000 x 7/15).
Précision : les emprunts in fine, contractés pour financer les travaux relatifs à ces immeubles ne sont pas concernés par cet amortissement théorique.
Plafonnement du montant global des dettes déductibles pour les patrimoines importants
Lorsque la valeur vénale brute des biens ou droits immobiliers taxables d’un contribuable excède 5 millions d’euros et que le montant total de ses dettes, admises en déduction au titre d’une même année d’imposition, excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil n’est admis en déduction qu’à hauteur de 50 % de cet excédent.
Exemple : Actif total imposable de 10 M€. Dettes déductibles 7 M€. Les dettes excèdent d’1 M€ la limite de 60 %. Le passif déductible se limitera ainsi à 6 M€ + 50 % de 1 M€, soit 6,5 M€.
Cette présomption d’organisation « abusive » du financement de son patrimoine peut cependant être combattue. En effet, ne sont pas à retenir pour le seuil de 60 %, les dettes dont le redevable justifie qu’elles n’ont pas été contractées dans un objectif principalement fiscal.
Délai de prescription
L’administration fiscale a la possibilité de contrôler les déclarations d’IFI jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. Mais ce délai de trois ans suppose que l’exigibilité des droits ait été suffisamment révélée par le dépôt de la déclaration et des annexes, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures. Si l’administration fiscale devait être amenée à effectuer d’autres recherches, son droit de reprise s’exercerait jusqu’au 31 décembre de la sixième année suivant celle du fait générateur.
Attention donc aux déclarations qui, certes, n’omettent aucun bien taxable, mais qui regroupant différents biens dans un certain « flou artistique » imposent à l’administration d’effectuer des recherches et des recoupements plus complexes. Cela lui permet de disposer du délai de six ans pour effectuer son contrôle !
Impact de la Covid-19
Dans le cadre de la pandémie que nous connaissons, l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 a posé le principe général d’une prorogation des délais. Ce principe s’applique, notamment aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré (« période juridiquement protégée »).
En matière de contrôle fiscal, les délais de reprise de l’administration qui arrivent à terme le 31 décembre 2020 sont suspendus pour une durée égale à cette période juridiquement protégée.
En outre, sont suspendus, pendant la même période, tant pour le contribuable que pour l’administration, l’ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle en matière fiscale. Au 31 décembre 2020, la déclaration d’ISF 2017 ne sera donc pas prescrite ! En contrepartie, les contribuables disposent du même délai pour souscrire une réclamation.
1. Toutefois, les époux séparés de biens qui ne vivent pas sous le même toit, ainsi que ceux en instance de divorce ou de séparation de corps et qui sont autorisés par le juge à résider séparément, déposent des déclarations distinctes d’IFI.
2. NB : les personnes qui transfèrent leur domicile en France après avoir été fiscalement domiciliées à l’étranger pendant les cinq années civiles précédentes ne sont temporairement imposables que sur leurs biens français.
3. Nous ne développerons pas dans cet article la définition des biens et droits exonérés.
4. Sous réserve de l’application des conventions internationales.
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