Indivision, comment éviter les sources de conflits
Par Nathalie CHOUR, juriste, sous la direction de Maître Jacques KAPLAN, Avocat
L’indivision ne brille pas par sa souplesse, c’est le moins que l’on puisse dire. Ce véritable carcan juridique dans lequel tous les « associés » ont les mêmes droits peut vite virer au cauchemar en cas de désaccord. Mieux vaut anticiper.
Que ce soit dans le cadre d’une société (civile ou commerciale), d’une famille, d’un couple, l’acquisition d’un bien immobilier en indivision semblerait être un bon investissement, car les frais (financement, gestion, entretien…) seront partagés entre les acheteurs/co-indivisaires à hauteur de leur investissement ou selon tout autre accord. Les acquéreurs ne sont pas au courant des potentiels risques de conflits, de menaces de partage qui peuvent surgir en cas de détérioration de leurs relations, aboutissant à une position indélicate de blocage. Outre ces éventualités, il arrive assez souvent que de telles difficultés conduisent à de violents conflits entre indivisaires, souvent motivés par l’appât du gain. Et il ne faut pas oublier que des tiers, comme les créanciers de l’indivision ou des indivisaires, peuvent demander le partage dès lors qu’ils en justifient un intérêt. La sortie sera inéluctable dans une telle situation.
Ainsi, comment bien se préparer à toute hypothèse de conflits et sortir le plus simplement de l’indivision ? Il vaut mieux anticiper dès le départ, à l’amiable, toute éventualité de conflit et de sortie de l’indivision.
Désamorcer les conflits vaut mieux que guérir.
En l’absence d’une convention, les droits et obligations des indivisaires, les modalités de gestion et de sortie de l’indivision sont régis par les articles 815 et suivants de ce Code. Sauf cas particuliers (convention ou décision judiciaire), aucun indivisaire n’est tenu de rester dans l’indivision et peut, à tout moment, en provoquer le partage amiable ou judiciaire. Il n’est pas tenu de justifier sa sortie et n’a pas à craindre que sa demande soit requalifiée d’abus de droit (Cass. Civ. 26 dec 1866 ; DC. Cons. Constit. 9 nov 1999, n°99-419).
La prise de mesures préventives peut suffire à empêcher les querelles ou limiter leurs effets. Pour cela, dès l’achat ou en cours d’indivision, les parties peuvent d’un commun accord recourir au régime conventionnel pour une durée maximale de cinq ans, renouvelable. La convention d’indivision pouvant prévoir un partage anticipé.
Faire le choix de la convention d’indivision peut s’avérer utile et habile puisqu’un mandataire-gérant sera désigné pour assurer la représentation des intérêts de chacun des co-indivisaires. Plus aucun reproche ne pourra être fait sur l’opacité de la gestion, facilitant le règlement des blocages et conflits causés par l’opposition d’un indivisaire à la sortie de l’indivision, la vente du bien immobilier ou son avenir…
En l’absence de convention ou si celle-ci est susceptible d’annulation, l’action en partage pourra être introduite devant le juge compétent. Il vous est fortement recommandé de vous rapprocher d’un professionnel du droit pour assurer au mieux la protection et la défense de vos intérêts patrimoniaux.
L’avenir de l’indivision et du bien
En matière d’indivision, peu importe qu’une demande de partage ait été ou non introduite, les parties ou le mandataire doivent s’assurer qu’une reddition des comptes et qu’un partage des fruits se déroulent annuellement, sous peine de se heurter à la prescription quinquennale.
Si la convention d’indivision semble être une solution, elle ne reste que temporaire et ne règle pas tous les problèmes. En effet, certains actes nécessitent l’accord de tous les indivisaires (cession d’une partie du bien par exemple) et ce, malgré l’assouplissement du régime de l’indivision par la loi du 23 juin 2006 qui a substitué à la règle l’unanimité celle de la majorité des 2/3 dans certains cas (vente des meubles de l’indivision pour faire face aux charges et dettes…).
Laisser perdurer l’indivision de génération en génération rendra la sortie très difficile, voire quasiment impossible. Plus il y aura de descendants, plus il devient laborieux de réunir tous les indivisaires éparpillés un peu partout dans le monde.
Prenons le cas d’une Société Civile Immobilière (SCI) familiale détentrice d’un immeuble acquis pour des raisons fiscales (abattement en cas de mise en location…). Si les associés ne s’entendent plus entre eux et souhaitent se séparer, la revente de l’immeuble et la dissolution de la SCI pourront se régler à l’amiable. À défaut d’entente, la vente des parts de la SCI se fera devant les tribunaux, un doute planera quant au devenir de la société (rachat par l’un des membres, par un tiers). En cas de liquidation de la SCI avant la revente du bien, les associés se retrouveront en indivision.
Indivisaires, soyez donc avisés !
Avocats PICOVSCHI
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