Le marché du financement de l’immobilier des professionnels en complète rupture
L’étude de l’Ieif et de PwC révèle que si 2019 apparaît comme une année exceptionnelle, 2020 s’inscrit en rupture : 26 milliards devraient être investis en immobilier d’entreprise en 2020, en recul de 40 % par rapport à 2019.
Resserrement des conditions d’octroi et renchérissement pour les crédits nouveaux, bouleversement de la hiérarchie des classes d’actifs et accélération des grandes évolutions structurelles. Au vu du bouleversement intervenu en 2020 avec la crise sanitaire et ses nombreux impacts sur l’économie, l’Ieif et PwC ont mené des entretiens approfondis avec l’ensemble des contributeurs de l’étude afin de les interroger sur les conséquences sur le marché et pour leur activité de la crise sanitaire ; la manière dont ils ont géré le premier confinement ; l’impact de cette crise sur leur manière d’aborder le financement de l’immobilier des professionnels ; et les grandes réflexions et tendances que cette crise révèle pour leur activité.
Des conséquences économiques et immobilières importantes
En France, la crise sanitaire va entraîner une contraction du PIB de 9 % en 2020. Certains secteurs, à l’image de l’hébergement/restauration, des loisirs, des transports sont particulièrement affectés. D’autres en sortent gagnants : services de santé/produits pharmaceutiques, services informatiques/matériels électroniques, télécommunications, agroalimentaire.
Les marchés d’immobilier d’entreprise ont également été touchés. Les volumes de transactions locatives ont fortement reculé, tandis que l’investissement a également diminué, mais dans une proportion moindre. Ainsi, 26 milliards devraient être investis en immobilier d’entreprise en 2020, en recul de 40 % par rapport à 2019, mais proche de la moyenne décennale.
Un recul de l’activité de financement, recentrée sur les meilleurs dossiers
Cette crise a un impact sur les activités de financement. Le premier confinement n’a pas bloqué l’activité du financement de l’immobilier des professionnels en France, mais l’a ralentie. Le Pandemic Emergency Programme (PEPP) mis en place par la BCE dès mars 2020 a permis d’éviter le blocage de l’activité de financement. A la différence d’une crise d’origine économique ou financière, les acteurs n’ont pas cédé à la panique et ont eu une réaction ordonnée et proportionnée. Une partie importante de l’activité des acteurs pendant le premier confinement a été centrée sur la revue des portefeuilles, la mise en place des prêts garantis par l’Etat, mais également de moratoires et de rééchelonnement d’échéances.
Le recul de l’investissement aura donc pour conséquence une nette diminution de la production de crédits en 2020 : entre - 20 et - 40 % selon les établissements.
Les acteurs du financement ont resserré les conditions d’octroi des nouveaux crédits en ciblant les meilleurs dossiers, c’est à dire ceux qui réunissent à la fois qualité de l’actif, solidité financière des sponsors et qualité de l’état locatif de sortie. Ce mouvement de type « flight to quality », assez caractéristique des périodes de crise, devrait également voir se développer les financements des actifs « verts » et « résilients ».
Les ratios de covenant de LTV, qui étaient en 2019 voisins des plafonds admissibles par les comités de crédit, devraient redescendre en 2020 et en 2021 et effacer le desserrement de 5 à 10 points de base observé en 2019. Les marges devraient être amenées à progresser : à l’exception des dossiers Core qui continueront à être recherchés, le décalage pourrait être de 20 à 50 points de base en moyenne, voire 50 à 100 points de base pour le développement et le value-add.
Le marché de la syndication a été bloqué durant le premier confinement et s’est prudemment rouvert après l’été. Cela représente une opportunité pour les fonds de dettes et les assureurs qui devraient conforter, voire améliorer, les positions acquises dans le financement de l’immobilier des professionnels.
Une nouvelle hiérarchie entre les classes d’actifs immobilières
Concernant les actifs eux-mêmes, la crise sanitaire a précipité le bouleversement de la hiérarchie des classes d’actifs avec des perdants et des gagnants. Les perdants : les actifs commerces et hôteliers bénéficient de très peu de financements, avec cependant certaines typologies de commerces qui s’en sortent mieux (retail park). Ces typologies d’actifs devraient continuer à souffrir en 2021. Les gagnants : la Logistique recèle un véritable potentiel de croissance lié au mouvement de relocalisation et de digitalisation de l’économie, notamment grâce au développement du e-commerce et de la logistique urbaine ; le résidentiel (géré ou non) et la santé devraient être les classes d’actifs les plus attractives. Leur part dans les portefeuilles des institutionnels devrait croître, à condition qu’il y ait suffisamment d’offre disponible.
Enfin, le modèle des bureaux pose question, notamment en ce qui concerne son adaptation aux grandes tendances qui émergent (télétravail, accessibilité…) qui pourraient impacter les besoins quantitatifs et les nouvelles exigences des entreprises.
Un nouveau monde de l’immobilier
Les acteurs du financement interrogés estiment que les marchés pourraient être transformés en profondeur. Les évolutions de la consommation (place du e-commerce, nouvelles habitudes en matière de déplacement) devraient conditionner l’avenir du commerce et de l’hôtellerie. Les changements en termes de mode de travail (télétravail, nomadisme, coworking) devraient avoir un impact quantitatif et qualitatif sur les bureaux. La part du résidentiel, des actifs de santé et des résidences gérées devrait progresser dans le portefeuille des investisseurs, pour autant que le marché soit capable de créer une offre suffisante.
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