Immobilier de prestige : un éclat retrouvé partout en France
Par Laurence Boccara
Après une baisse de régime entre 2012 et 2015, l’immobilier de prestige a, en 2016, retrouvé des couleurs à Paris et en région. Et avec une accélération des ventes, 2017 commence bien. Les Français comme les étrangers sont actifs, et les prix commencent à remonter.
90 millions d’euros. C’est le prix record d’une magnifique propriété située à Roquebrune-Cap-Martin, mise en vente il y a quelques semaines par le réseau immobilier Coldwell Banker. Pour la France, il s’agit d’un montant exceptionnel qui rivalise avec ceux des biens de même standing aux Etats-Unis.
Rare dans l’Hexagone, cette offre illustre le réveil du marché des biens de grand standing sur la Côte d’Azur.
Car dans cette région de villégiature prisée depuis des décennies par les milliardaires du monde entier, la pierre de prestige s’était endormie depuis cinq ans avec une offre pléthorique, des prix élevés, mais au final peu de transactions, donc de références.
Cette récente commercialisation à un prix stratosphérique est un nouveau signe de la bonne santé retrouvée de l’immobilier de prestige. Sotheby’s International Realty signale que la quarantaine de ses agences basées en province « confirme le redressement continu du marché français en Bretagne, en Gironde, sur la côte Basque et le Languedoc, dans le sud, les stations de ski des Alpes et dans les grandes villes, telles que Lille et Lyon ».
Paris se réveille
Rappelons que cette dynamique s’est déjà enclenchée, à Paris, la ville de référence dans le haut de gamme. Après un creux entre 2012 et 2014 où les prix ont perdu 15 % de leur valeur, la capitale retrouve des couleurs. Depuis fin 2015, cette dynamique ne faiblit pas et va même en s’amplifiant. Les résultats 2016 des grands réseaux spécialisés (Barnes, Coldwell Banker, Daniel Féau, Emile Garcin, John Taylor, Sotheby’s International Real Estate) affichent des progressions à deux chiffres, tant en termes de nombre de transactions que de chiffre d’affaires. Sotheby’s International Realty a annoncé avoir conclu, en 2016, plus de 115 ventes au prix moyen de 2,17 millions d’euros. Chez Coldwell Banker France & Monaco, ce niveau est quasiment équivalent à hauteur de 2,3 millions d’euros. Même son de cloche du côté de chez Daniel Féau-Belles demeures de France où le nombre de ventes de biens à plus de 2 millions d’euros a grimpé de 31 % en un an. Au sein de cette enseigne, l’activité a été particulièrement élevée dans les agences parisiennes du XVIe arrondissement, de Saint-Honoré (+ 45 %), du Marais (+ 90 %), ainsi que dans les Hauts-de-Seine, à Boulogne-Billancourt, Saint-Cloud et Neuilly-sur-Seine. Ce dernier point de vente a d’ailleurs multiplié par 2,5 son chiffre d’affaires en deux ans.
Et cette animation se poursuit début 2017. Cela se ressent désormais du côté des prix avec une remontée générale qui se confirme. « Face à une demande toujours aussi forte et des délais de transactions rapides qui se comptent en jours, parfois même en heures, les stocks s’amenuisent. Le montant total de nos biens en portefeuille est passé, en l’espace de deux ans, de 5,1 à 3 milliards d’euros », souligne Charles-Marie Jottras, président de Daniel Féau. Vaneau Immobilier signale une diminution des biens à vendre en un an de 15 % pour les biens entre 1,5 et 2,5 millions d’euros et de 19 % pour ceux supérieurs à 2,5 millions d’euros. Du côté de l’offre, « certains vendeurs ont préféré différer la mise en vente de leurs biens de quelques mois pour attendre le résultat de l’élection présidentielle. Cela leur a permis de connaître le sort réservé à la fiscalité notamment en matière de plus-value immobilière et d’impôt sur la fortune », commente Alexis Caquet, directeur général de Vaneau Immobilier.
Même si les prix record parisiens ne représentent qu’une part marginale des ventes, ces derniers illustrent la vitalité actuelle. La Chambre des notaires d’Ile-de-France a signalé que fin 2016, quelques biens d’exception s’étaient négociés à près de 30 000 € le m2. On n’avait pas vu cela « intra-muros » depuis au moins quatre ans, mais on se situe en dessous des pics atteints en 2008. Aujourd’hui, le prix le plus commun pour luxe parisien avoisine 25 000 € le m2. L’enseigne Daniel Féau signale que les biens vendus à plus de 15 000 € le m2 par ses agences parisiennes en 2016 ont progressé de 9 % en un an, soit le double de la hausse moyenne du marché parisien sur cette période. Et en 2017, ce mouvement s’amplifie. Compte tenu de l’accélération des ventes et des prix au cours des trois premiers mois de 2017, les professionnels tablent sur de nouvelles progressions des valeurs. « Nous ne sommes qu’en début de cycle haussier qui a commencé par un effet de rattrapage. Nous prévoyons un apogée de prix d’ici à trois ans, soit en 2020 », assure Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France & Monaco.
Décidés à surfer sur cette vague porteuse, avec l’opportunité de s’approprier une part d’un gâteau de plus en plus copieux, tous ces réseaux multiplient, en 2017, les ouvertures de points de ventes à Paris et en province. Ainsi dans les six prochains mois, Sotheby’s va étendre sa présence sur le territoire. Cette enseigne s’apprête à inaugurer quatre agences (Paris, Gordes, Bonifacio, Ajaccio).
Même stratégie commerciale chez Barnes et Coldwell Banker qui ont programmé respectivement sept et dix ouvertures.
Cette bonne santé de la profession attire de nouveaux acteurs dans l’hexagone. C’est le cas de l’Allemand Engel & Völkers, une enseigne internationale réputée dans l’immobilier de luxe, qui s’est implantée en France en 2016. « Deux ouvertures d’agences sont prévues dans Paris en 2017, avec un triplement des commissions prévu en 2017 », avance David Scheffler, président France de ce réseau.
Des Français actifs
Pendant des années, ce marché de l’immobilier haut de gamme était dominé par les étrangers. Or depuis la reprise de l’activité il y a deux ans, ce sont les Français qui sont les plus actifs. Face à des taux d’intérêt à des niveaux plancher, des prix en bas de cycle, les Parisiens (cadres supérieurs, professions libérales, chefs d’entreprise) ont acheté leur résidence principale. « Beaucoup de personnes qui avaient différé leur acquisition en 2012, sont finalement passées à l’acte en 2016. Ils ont ciblé des appartements bourgeois familiaux, c’est-à-dire comprenant au moins trois chambres, entre 120 et 180 mètres carrés et aux prix compris entre 1 et 2,5 millions d’euros », commente Alexis Caquet. En 2016, beaucoup ont pris conscience que la baisse des valeurs était finie et qu’il ne fallait plus tarder avant la remontée des taux d’intérêt.
Fait nouveau, les professionnels remarquent l’arrivée d’une nouvelle clientèle de Français, notamment celle des expatriés basés à Londres. Depuis le vote en faveur du Brexit il y a un an et de l’enclenchement fin mars des négociations, ces Français d’outre-Manche sont attirés par l’immobilier, notamment dans la capitale. Beaucoup se renseignent et sollicitent les agences, en attendant d’en savoir plus sur leur avenir professionnel et les possibilités de rester ou pas dans la City.
Néanmoins, certains anticipent déjà le mouvement et investissent. Ils privilégient les biens familiaux dans les beaux quartiers de la capitale (IVe, Ve, VIe, VIIe, VIIIe, XVIe, XVIIe arrondissements) et de préférence à proximité des parcs et des jardins (parc Monceau, jardin du Luxembourg, esplanade des Invalides, Champs de Mars). « Même s’ils n’habitent pas pour l’instant ces appartements, ils profitent d’une fenêtre de tir intéressante et entrent dans un marché qui commence seulement à remonter. C’est une bonne opération patrimoniale. Certains envisagent de mettre le bien en location en attendant leur éventuel retour en France dans quelques années, commente Laurent Demeure. L’immobilier locatif de standing intra-muros offre certes un rendement locatif limité. Toutefois, le potentiel de plus-value s’avère élevé. Quant au Brexit, il devrait amener 50 000 acheteurs en France au cours des deux prochaines années. »
Concernant ce phénomène des acquéreurs français ayant leur résidence fiscale à Londres, Daniel Féau confirme que leur nombre a quasiment doublé entre 2015 et 2016. « Cette montée en régime des achats de résidences à Paris par des Français de Londres a, pour une part, précédé le Brexit, et ne peut donc pas être complètement attribuée à celui-ci », indiquait récemment cette enseigne. D’ailleurs d’autres expatriés basés dans d’autres pays achètent aussi de la pierre en France pour des raisons patrimoniales. « C’est un des pays où l’on peut s’endetter à des taux fixes, avec des prix encore attractifs. En revanche, pour minorer leur ISF, les expatriés ciblent des biens de bonne qualité dans le neuf ou dans l’ancien réhabilité, vendus en démembrement de propriété et notamment en nue-propriété », indique Olivier Grenon-Andrieu, président d’Equance.
Pour tous, l’immobilier haut de gamme reste un actif tangible et sécuritaire, capable de mettre à l’abri des liquidités ou de s’endetter pour pas cher dans le but de se constituer un patrimoine sur la durée. De plus, la pierre rapporte davantage que d’autres placements financiers en berne, comme la Bourse et l’assurance-vie.
La capitale reste attractive pour les étrangers
Moins chère que Londres et que New York, Paris reste une capitale mondiale accessible en termes d’immobilier de standing. Cette situation singulière attire les acheteurs étrangers, toujours à l’affût de bonnes affaires et en quête d’une résidence ou d’un pied-à-terre dans la Ville Lumière. « Malgré la baisse de la livre sterling et des prix de l’immobilier britannique, Paris reste deux fois moins chère que la City à des niveaux de standing équivalents », indique Charles-Marie Jottras. Cet écart de valeur s’est également creusé avec New York, où le marché immobilier est reparti depuis déjà trois ans avec de nombreux programmes neufs de luxe à des prix astronomiques. Dans ce contexte, « Paris représente aujourd’hui une destination phare pour les investisseurs avec des prix encore raisonnables. Nous prévoyons un rattrapage de Paris par rapport à d’autres grandes capitales, comme Londres ou New York dans trois à cinq ans. Paris plaît toujours pour son patrimoine architectural d’exception », affirme Thibault de Saint-Vincent, président du groupe Barnes.
Dans l’édition 2016 du « Mondial de l’immobilier de prestige » réalisé par Wealth X, pour le compte de Barnes & Warburg, la capitale française figure dans le Top 5 des villes de la planète attirants les grandes fortunes mondiales, soit les 212 615 personnes à la tête d’un patrimoine de plus de 30 millions de dollars. Paris figure à la 5e place derrière Londres, New York, Tokyo et Sidney.
Bien que les Russes aient presque disparu du marché français avec l’effondrement du rouble et que les Américains soient timorés craignant les attentats, les acheteurs étrangers dans l’Hexagone sont de retour.
Certains s’offrent un pied-à-terre avec des budgets compris entre 500 000 et 800 000 €. D’autres, plus fortunés, « se positionnent dans le créneau des biens unitaires valant 4 M€ et plus. Ils sont plus nombreux que les Français dans cette zone de prix », signale l’enseigne Daniel Féau. Ils recherchent souvent de grands volumes, à de belles adresses, avec des vues sur la Seine ou sur des monuments, avec une volonté affirmée de bénéficier en plus de prestations de standing liées à la sécurité, à la surveillance avec, si possible, un service de conciergerie 24 heures sur 24. Les plus présents et les plus réguliers des acheteurs étrangers sont les Moyen-Orientaux. Ces derniers représentent en moyenne, chaque année, entre 20 et 25 % des ventes supérieures à 4 M€ de Daniel Féau. « Ils sont les seuls capables de se positionner sur de grands hôtels particuliers à plusieurs dizaines de millions d’euros », reconnaît Charles-Marie Jottras. La moindre présence des Américains et des Européens (notamment les Anglais) ces dernières années a été relayée par des acheteurs des pays émergents. La clientèle d’Amérique du Sud s’est renforcée, avec une part qui a été multipliée par trois, passant de 4 à 12 % entre 2015 et 2016.
Fait nouveau : l’arrivée remarquée des Asiatiques, notamment des Chinois et des Coréens. Pour la plupart, des hommes d’affaires qui, en raison du développement de leurs business dans l’Hexagone, sont en quête d’une résidence ou d’un pied-à-terre à Paris. Selon la dernière étude du groupe Xerfi sur l’immobilier de luxe, ce secteur devrait encore s’améliorer en 2017, attirant « à la fois une demande de résidences principales, mais aussi des investissements, y compris de la part de fonds familiaux ».
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