Produits structurés, des alternatives aux fonds euros
Par Benjamin Thomas, associé et responsable des opérations chez Lynceus Partners
L’âge d’or des fonds en euro a bel et bien vécu. Face à l’inexorable érosion des taux et les contraintes qui pèsent sur ce type d’investissement, les CGP doivent trouver d’autres sources de performances pour doper l’épargne de leurs clients. Concevoir un portefeuille de produits structurés adapté à chaque profil pourrait être la solution.
Dans l’environnement de taux bas inédit dans lequel nous évoluons depuis plusieurs années, des contraintes de plus en plus fortes pèsent sur les investissements en fonds euros qui ne constituent plus la colonne vertébrale de l’assurance-vie. En effet, l’accès aux fonds euros peut aujourd’hui être conditionné à l‘investissement d’une partie de son épargne sur des unités de compte (de 20 à 60 % selon les assureurs et les fonds en euros sélectionnés). Par conséquent, les CGP doivent trouver des alternatives crédibles à offrir à leurs clients, et la tâche n’est pas aisée, tant les risques à prendre semblent peu rémunérateurs sur le marché des obligations, et il en est de même sur un marché actions flirtant avec les plus hauts historiques et où il apparaît difficile d’entrer à de tels niveaux de valorisation, sans crainte de s’y brûler les ailes. Dans cette quête, les produits structurés se retrouvent de plus en plus demandés.
Pourquoi allouer une partie de son portefeuille aux produits structurés ?
Les produits structurés sont une curiosité parfois incomprise dans la palette d’outils à disposition du CGP. En effet, le risque portant le plus souvent sur des actions, alors que le profil de rendement se rapproche de celui d’une obligation, ce produit d’investissement permet avant toute chose d’apporter de la convexité par rapport aux investissements en ligne directe comme les fonds ou actions, avec un amortissement des valeurs liquidatives en cas de baisse de marché, apporté par une protection partielle du capital investi.
La théorie suggère qu’une allocation de 10 à 20 % du portefeuille en produits structurés permettrait d’améliorer le profil rendement-risque. Dans un environnement de taux bas, les produits structurés apparaissent comme une alternative crédible et intéressante dans leur profil de rendement. De plus, leur formule de remboursement claire et définie à l’avance confère une clarté quant au risque en capital supporté. Toujours utilisés en comparaison aux investissements directs, ils sont une source d’alpha et une vraie plus-value dans la définition d’une gestion sur-mesure, adaptée à l’investisseur final.
Déterminer le profil de son client
Une étape importante dans le processus de construction d’un portefeuille adapté à l’investisseur, est de comprendre les besoins de ce dernier. Cette définition du profil de l’investisseur est un des piliers de la démarche d’accompagnement du CGP. L’AMF, entre autres organisations, met à disposition du conseiller en gestion de patrimoine un protocole permettant de définir des modèles en termes d’objectif de rendement et d’appétence au risque propre à chaque investisseur. On y retrouve des critères tels que l’âge, la profession, le patrimoine total de l’investisseur, l’origine de ce patrimoine, les besoins de liquidité, le train de vie, etc.
Ce questionnaire et la connaissance approfondie de l’investisseur final vont permettre au CGP de définir différents paramètres dans la construction de produits structurés, qui viendront directement nourrir le profil de risque de l’investisseur, et ainsi permettre de construire un produit correspondant parfaitement à ce dernier.
Déterminer le support : compte-titres vs. assurance-vie
Les produits structurés sont logés sur deux principaux supports d’investissement que sont l’assurance-vie et le compte-titres.
Le produit structuré en assurance-vie
Chaque assureur à son propre règlement concernant les produits structurés acceptés dans ses contrats d’assurance-vie. Néanmoins, plusieurs critères communs sont à considérer.
Le format : placement privé (PP) ou appel public à l’épargne (APE)
Le premier permet de se focaliser sur un produit dit « sur mesure » pour un ou plusieurs clients (maximum cent-cinquante investisseurs finaux). Très encadré sur sa distribution, le PP permet davantage de souplesse dans la construction du produit et des contraintes de l’assureur.
A contrario, l’APE est un format permettant une distribution plus grande auprès d’un ou plusieurs assureurs mais il doit respecter trois mécanismes dans la construction du produit structuré. La définition d’un mécanisme est disponible auprès de l’AMF. La limitation du nombre de mécanismes garantit la simplicité et la compréhension du véhicule d’investissement qui peut être commercialisé auprès d’un grand nombre d’investisseurs.
La taille minimale
Une taille minimale d’un million d’euros est communément considérée pour le lancement d’un produit en assurance-vie. Néanmoins, il est possible de souscrire à des produits déjà référencés chez l’assureur et souvent accessibles sur leurs plates-formes respectives ; et dans ce cas, il n’y a pas de montant minimal.
Le référencement
Chaque assureur définit son cahier des charges pour le référencement. Cela étant dit, certains documents obligatoires doivent être fournis par l’émetteur du produit à l’assureur : lettre de liquidité, term sheet, brochure, document d’information clé (en français DIC, en anglais KID), etc. Afin d’étudier les documents fournis et procéder au référencement, l’assureur se réserve généralement un délai d’une à trois semaines.
La période de commercialisation
Il s’agit de la durée pendant laquelle le CGP peut souscrire au produit sur l’espace dédié de la plate-forme de l’assureur. En général, le produit reste ouvert aux souscriptions pendant un à six mois.
Le produit structuré en compte-titres
A travers un compte-titres, construire et loger un produit structuré est plus simple.
La taille minimale
Cette dernière sera cette fois fixée plutôt par l’émetteur du produit, mais est communément située à cent mille euros. A noter cependant que certains frais incompressibles peuvent rendre l’opération économiquement difficile à considérer sur les montants les plus bas.
Le référencement
Il y a beaucoup moins de documents nécessaires à produire pour référencer un produit en compte-titres : généralement la term sheet, le KID et la brochure du produit. Si la structure a été pré-approuvée par la banque dépositaire, les bulletins de souscriptions peuvent être produits le jour même de la couverture du produit.
La période de commercialisation
Ici, il n’y en a pas. On définit avant le lancement les paramètres d’un produit qui est, la plupart du temps, dédié à certains clients prédéfinis et dont l’intérêt a déjà été confirmé. Il suffit de faire signer les bulletins de souscriptions et de les renvoyer à la banque dépositaire pour procéder à la livraison, avant la date butoir, qui est de manière usuelle fixée deux à trois semaines après le lancement du produit.
Le produit structuré a pris une place importante ces dernières années en assurance-vie et les acteurs intensifient leur offre et l’accessibilité à cette classe d’actifs.
Côté compte-titres, la souplesse d’exécution et de référencement permet aujourd’hui de créer des produits sur mesure en quelques heures pour ses clients afin de saisir les opportunités de marché et répondre à tous les profils d’investisseurs.
Construire son produit structuré
La construction d’un produit structuré pour l’investisseur démarre, bien évidemment, par les deux éléments abordés plus haut : le profil d’investissement du client et le choix du support d’investissement (compte-titres ou assurance-vie). Du profil d’investissement du client découle une maturité cible ainsi qu’un objectif de rendement associé.
Une fois ces éléments connus, il est possible d’inclure d’autres paramètres moins essentiels, qui viendront personnaliser votre produit, comme l’Autocall ou le Worst-of. Ces derniers seront encadrés par le support d’investissement choisi et le nombre de mécanismes imposés (en assurance-vie).
L’Autocall, ou « rappel anticipé », est un mécanisme communément utilisé pour permettre à un produit de se terminer prématurément, dans le cas où le niveau des sous-jacents est au-dessus d’un niveau prédéfini lors de l’observation, qui s’effectue à une fréquence prédéfinie (en général, mensuelle, trimestrielle ou annuelle). Ce mécanisme offre l’opportunité de récupérer le capital investi plus rapidement et de réévaluer les opportunités d’investissement.
A travers le mécanisme Worst-of, l’investisseur introduit le paramètre de corrélation dans la construction du produit. Cela signifie que la formule de remboursement finale s’appliquera sur le sous-jacent le moins performant de la sélection, qui est au jour du lancement du produit inconnu. Cette incertitude permet d’obtenir un rendement supérieur comparé à une structure portant sur un sous-jacent unique.
Une fois les paramètres ci-dessus définis, il s’agit de déterminer quelle protection est offerte pour un sous-jacent ou une combinaison de sous-jacents présents dans un univers d’investissement choisi. C’est un processus quantitatif assez complexe, qui repose notamment sur une analyse de la volatilité implicite, qui est un paramètre technique peu commun dans la gestion pratiquée par le CGP, mais est intrinsèquement l’élément le plus important dans la structuration du profil risque-rendement du produit structuré.
L’étape finale consiste ensuite à déterminer, parmi les combinaisons sous-jacents/protection offerte, celle qui apparaît comme la plus intéressante pour le CGP et son client. L’analyse doit être menée sur le produit seul, mais aussi en lien avec les autres facteurs de risques déjà présents dans le portefeuille.
Construire et gérer son portefeuille de produits structurés
La construction et le lancement d’un produit structuré ne peuvent pas être vus de manière isolée et doivent parfaitement s’inscrire dans l’ensemble du portefeuille géré par le conseiller en gestion de patrimoine.
A cet effet, certains éléments de gestion de portefeuille tout à fait classique sont applicables :
- attention à la corrélation : il faut prendre gare à bien diversifier l’exposition de son portefeuille pour ne pas se retrouver trop exposé au même secteur ou au même facteur de risque (par exemple, une remontée des taux bancaires) ;
- diversification du risque émetteur : il ne faut jamais oublier que dans la structuration d’un produit structuré, il y a un risque de crédit portant sur l’émetteur du produit (même une banque peut faire faillite) ;
- gestion des évènements liés à la vie du produit (observation de barrières, paiement de coupons, etc.) : si un produit arrive bientôt à échéance, il est déjà temps de préparer le réinvestissement. De même, lorsque des coupons sont reçus, se demander quoi faire du cash ou de la plue-value ;
- analyse de liquidité : le portefeuille doit être globalement construit pour répondre aux besoins intermittents en liquidité de l’investisseur final.
Afin de faciliter cette analyse, ces dernières années ont vu l’émergence de plates-formes digitales permettant l’accompagnement du CGP dans la gestion des différents risques liés aux investissements en produits structurés. Nous parlons ici de risques de marché, mais aussi de risques opérationnels liés à la gestion du cycle de vie des produits. La digitalisation du marché des produits structurés est un vrai atout dans l’identification des opportunités, dans la transparence et le contrôle des processus d’investissement, et enfin dans la production de rapports et de documents personnalisables à destination de l’investisseur final.
Concevoir un portefeuille de produits structurés adapté au profil de son client est une démarche quantitative et qualitative complexe. Les contraintes de marché ainsi que les contraintes réglementaires nécessitent une connaissance approfondie. Néanmoins, les produits structurés sont un outil d’investissement personnalisable qui gagne chaque jour un peu plus en popularité auprès des investisseurs. Accompagné par les bons partenaires, il est possible pour le conseiller en gestion de patrimoine d’apporter à son client un portefeuille d’investissement sur mesure qui reflétera un service lui aussi personnalisé, qui sera un atout commercial indéniable.
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