La démocratisation du Private Equity passera par la formation des CGP

Par : edicom

Par Paul-Edouard Falck, responsable des partenariats de Peqan et professeur au CNAM pour le module Private Equity du master Gestion de patrimoine

Si certains CGP se sont emparés du Private Equity jusqu’alors réservé aux institutionnels, d’autres se montrent plus attentistes par manque de formation. Alors que le non-coté, en période inflationniste, serait une pierre de plus dans l’offre de fonds pour des épargnants à la recherche de performance.

Depuis quelques mois, une nouvelle brique est désormais disponible pour les conseillers en gestion de patrimoine : l’accessibilité aux fonds de Private Equity jusqu’ici réservés aux institutionnels. L’offre de capital-investissement était jusqu’ici très orientée sur le segment « fiscal » avec les FCPI (fonds commun de placement dans l’innovation) et les FIP (fonds d’investissement de proximité). Elle se complète désormais de solutions, sans réduction d’impôt, mais avec une perspective de gain plus élevée en contrepartie d’une période de blocage longue (environ dix ans). Cette démocratisation est indéniablement une bonne nouvelle pour l’industrie financière. Dans un contexte d’inflation, les épargnants sont plus enclins à prendre du risque et bloquer leur épargne si l’objectif de performance est plus élevé que les placements court terme. Le Private Equity répond parfaitement à ce besoin.

Si des CGP sont déjà affûtés, avec une sélection digne des meilleurs investisseurs institutionnels, pour de nombreux professionnels de la finance, ces nouveaux véhicules ne sont pas encore mis sur l’étagère. Si des expériences passées sur le « fiscal » ont pu certes refroidir, c’est selon nous un manque de formation qui limite à ce stade la diffusion de ces solutions.

Notre devoir en tant que professionnels du Private Equity est de faire preuve de pédagogie et d’éviter les raccourcis. Notre erreur serait de vendre une « martingale » dans laquelle les niveaux de performance seraient toujours élevés et les risques absents.

Le fonctionnement « classique » d’un fonds de Private Equity

Le capital-investissement (ou Private Equity) est un investissement dans des entreprises non cotées en Bourse. Ce placement long-terme consiste à apporter de l’argent à une société qui n’est pas cotée en échange d’une prise de participations dans son capital. Une des grandes forces d’un fonds de Private Equity est la durée de blocage de l’investissement, dix ans en moyenne. Néanmoins, le souscripteur ne met pas son argent en année 1 et récupère le fruit de la gestion en année 10. La dynamique des flux est plus intéressante.

Dans un schéma traditionnel, tout d’abord, le souscripteur signe un engagement de souscription. Le gérant ne va pas investir immédiatement le montant souscrit, mais sur une période de quatre à cinq ans. Le souscripteur, lui, ne va donc pas décaisser 100 % de son investissement en année 1, mais environ 20-25 % par an sur quatre à cinq ans. Car ces investissements durent, en effet, en moyenne entre trois et cinq ans, les premières cessions ayant en général lieu à partir de la cinquième année. Dans ce cycle, le souscripteur reçoit donc ses distributions de manière progressive entre la cinquième et la dixième année.

En contrepartie d’une période de blocage, ce fonctionnement est efficace et pour le gérant du fonds, car il peut investir progressivement sur plusieurs cycles et a un temps long pour désinvestir, et pour le souscripteur, qui peut décaisser progressivement et peut recycler dès l’année 5 les distributions vers d’autres investissements. D’autres points sont à prendre compte dans le fonctionnement d’un fonds, comme :

- les frais de gestion d’un fonds qui tourne autour de 2 % par an, avec pour assiette le montant de l’engagement jusqu’à la fin de la période d’investissement, puis le montant investi à partir de l’année 5 ;

- le Carried Interest : l’équipe de gestion investit également au côté des souscripteurs sur des parts classiques et également des parts avec des droits spécifiques. Au-dessus d’un objectif de performance fixé, en général de 8 % de TRI annuel, l’équipe de gestion partage la performance avec le souscripteur qui est usuellement de 80 % pour l’investisseur et 20 % pour l’équipe de gestion.

Les frais de Carried Interest, qui peuvent être étonnants au premier abord, est une composante-clé du fonctionnement du fonds, car il permet l’alignement d’intérêt entre l’équipe de gestion et les souscripteurs et permet également aux sociétés de gestion de garder les meilleurs talents sur la durée de vie du fonds.

Des stratégies pour chaque phase de développement

C’est un point essentiel à appréhender pour les CGP car, à tort, ils assimilent trop souvent le Private Equity dans son ensemble et le financement des start-up, alors qu’il ne représente que 10 % des montants levés au premier semestre 2022. Dans cette classe d’actifs, il y a en réalité plusieurs segments dont le couple performance-risque diffère.

Les trois principaux sont :

- le capital-risque (ou Venture) qui finance en fonds propres ou quasi-fonds propres les entreprises innovantes et non rentables. C’est le stade le plus risqué du Private Equity, mais avec un objectif de performance le plus élevé. Les fonds sont toujours minoritaires et la stratégie est d’aller chercher quelques « pépites » qui vont faire la performance du fonds, lui-même composé de plus de vingt sociétés. Le couple performance-risque n’est pas toujours simple pour un investisseur particulier ; il est important de bien cibler l’appétence au risque et de chercher une diversification en nombre de sociétés ;

- le capital-développement (ou Growth) qui finance des sociétés rentables ou en voie de l’être, qui ont besoin de fonds pour financer un projet de croissance. Du fait de la maturité des sociétés, la prise de risque est moins forte que le capital-risque. Nous sommes moins dans une approche « pépite », mais plus dans une recherche de réaliser régulièrement des sorties positives. Le capital-développement prend de plus en plus de place dans le Private Equity, avec 34 % des montants levés au premier semestre 2022 ;

- et le capital-transmission (ou LBO) qui finance les sociétés matures, établies et rentables avec une forte visibilité sur la croissance et les cash-flows. Les opérations ont la particularité d’être réalisées, non pas directement dans une société opérationnelle, mais via une holding intermédiaire qui aura non seulement le fonds comme investisseur, mais aussi le management. Les titres de la société sont acquis par la holding, financés en partie par la dette. C’est le segment plébiscité depuis plusieurs années par les institutionnels, avec 55 % des montants levés au premier semestre 2022. Si l’objectif de performance est moins important que le Venture ou le Growth, les fonds de LBO ont été particulièrement réguliers, ce qui en fait un couple performance-risque intéressant pour le particulier.

D’autres segments existent, comme le retournement (sociétés en difficulté), le secondaire (achat de fonds de Private Equity matures avec décote), l’infrastructure (financement privé d’infrastructure)…

La surperformance du Private Equity : mythe ou réalité ?

Le capital-investissement surperforme bien les autres classes d’actifs, selon France Invest dans l’étude de performance nette des acteurs français du capital-investissement à fin 2021. 12,2 % par an en moyenne pour le Private Equity sur quinze ans versus 6,1 % par an pour le CAC 40 All-Tradable. Il y a néanmoins un « mais » : contrairement aux autres classes d’actifs où les fonds sont très sensibles au marché, l’écart-type entre les gérants est élevé. Traduction : si le CGP sélectionne un fonds de Private Equity, rien ne lui assure ce niveau de performance. Il faut également rappeler que ce niveau de performance élevé est en contrepartie d’une durée de blocage longue.

Les stratégies à mettre en place pour un particulier

Il convient d’appliquer la stratégie des investisseurs institutionnels, qui, en un mot, se résume par la diversification par type de fonds (LBO, Venture, Growth, secondaire, infrastructure…), par millésime (il vaut mieux investir 10 000 € par an que 50 000 € en une fois) et par gérant. Il est également important d’évaluer la capacité de l’investisseur à prendre du risque et à bloquer son argent sur le long terme. Pour un client patrimonial, cette barre est placée autour de 10 % du patrimoine. Pour les investisseurs privés, l’offre s’est considérablement enrichie, avec des tickets à partir de 100 000 € (contre plusieurs millions sur les fonds institutionnels) via les solutions qu’on appelle « fonds nourriciers » et des FCPR avec des tickets d’entrée plus accessibles. Le format fonds de fonds peut être également adapté, car il permet de réaliser une allocation « clé en main » et diversifiée proposée par un gérant.

 

Le glossaire du Private Equity

DPI (Distribution to Paid-In) : c’est la somme des distributions perçues par les investisseurs, divisée par les montants appelés. Il s’agit du rendement distribué.

TRI (taux de rendement interne)  : le TRI d’un investissement est un élément qui permet d’en mesurer la performance. Il prend en compte les flux et ramène le tout sur un rendement annuel.

RVPI (Residual Value to Paid-In)  : la valeur résiduelle estimée du fonds, rapportée aux montants appelés. Il s’agit du rendement potentiel résiduel.

TVPI (Total Value to Paid-In)  : la valeur totale du portefeuille (distributions versées et valeur résiduelle estimée du portefeuille) divisée par les montants appelés. Il s’agit du multiple du fonds.

  • Mise à jour le : 21/04/2023

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