Mobilités du futur : de Jules Verne à l’IA
Par Roni Michaly, CEO de Galilee AM, et Aurélien Lux, analyste-gérant chez Galilee AM
En 1904, l’écrivain français d’aventures Jules Verne imagine la toute première voiture volante, l’« Epouvante », dans son roman « Les maîtres du monde ». Doté d’une coque en aluminium et d’une structure fusiforme, le véhicule est capable d’atteindre 250 km/h dans les airs et sur terre. Le mythe de la voiture volante est né. D’Albert Robida à Philip K. Dick, des générations d’écrivains et d’artistes ont poursuivi la description de cette innovation issue d’un monde utopique affranchi des contraintes du réseau routier. En nourrissant l’imaginaire collectif, ces auteurs ont façonné une conviction : le ciel de demain grouillera de voitures volantes se faufilant entre les gratte-ciel des villes intelligentes.
Du rêve à la réalité, plusieurs sociétés ont développé des projets dans ce sens, notamment via le développement de véhicules à air comprimé propulsés par des récipients sous pression, offrant la malléabilité d’une voiture dans le ciel.
Toutefois, au-delà de ces projets, encore à un stade embryonnaire, les mobilités du futur englobent un éventail de solutions de déplacement individuel ou collectif, bien plus large. De la voiture au camion, en passant par le train, l’avion et le bateau, ces innovations visent un objectif : l’optimisation énergétique des transports, sans négliger le confort et la praticité pour les usagers.
Aux confins de l’économie, de l’écologie et de la technologie, les mobilités du futur sont donc une pierre angulaire du développement durable et offrent ainsi des relais de croissance attrayants pour les entreprises leaders du secteur.
Mais avant d’évoquer le potentiel boursier de ces sociétés, il nous faut en premier lieu nous demander si les mobilités du futur sont une véritable thématique d’investissement portée par les fondements d’une ou plusieurs mégatendances, et non simplement une agrégation de secteurs boursiers englobant l’automobile et l’aérien.
Chez Galilee Asset Management, nous avons identifié dans notre Livre blanc de l’investissement thématique, les trois éléments constitutifs d’une thématique d’investissement : elle doit être structurelle, internationale et transversale.
La thématique mobilités du futur
En premier lieu, la croissance démographique dans les pays émergents et l’accroissement des niveaux de vie, notamment en Asie, sont à l’origine de la nécessité de développer des mobilités nouvelles, prenant davantage en considération la réduction de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, selon l’Onu, la population mondiale devrait atteindre 9,6 milliards d’habitants en 2050… Des hommes et femmes souhaitant se déplacer pour travailler, profiter des loisirs et voyager.
De plus, le durcissement de la législation en matière de mobilités, notamment en Europe ou en Amérique du Nord, pousse les professionnels de la thématique à développer des innovations capables de répondre aux objectifs gouvernementaux et supranationaux (Cop 21 de Paris). Condition sine qua non de la transition écologique, la thématique mobilités du futur est donc structurante pour l’économie mondiale.
Deuxième attribut d’une thématique d’investissement, la thématique mobilités du futur est logiquement internationale. A l’image du nuage de Tchernobyl ne s’arrêtant pas aux frontières, la pollution et les émissions de gaz à effet de serre rendent nécessaire la coopération entre les Etats et le développement d’innovations en matière de mobilités dans l’ensemble des zones géographiques. La bataille économique menée entre l’Américain Tesla et le Chinois BYD sur le marché des voitures électriques en Europe est un bon exemple de la concurrence accrue entre les entreprises mondiales, chacune défendant son pré carré et voulant se développer dans d’autres zones géographiques.
Enfin, la diversité des secteurs composant la thématique la rend transversale. Tout d’abord, logiquement, les mobilités du futur concernent le secteur automobile et aérien. Au cœur de la mobilité lourde – à ne pas confondre avec la mobilité douce comme le vélo –, ces deux secteurs représentent environ 20 % de la part des émissions de CO2 dans le monde, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Plus largement, la thématique englobe l’ensemble des secteurs liés au transport, notamment le train et le bateau. De surcroît, la thématique inclut également les acteurs développant des innovations liées à l’intelligence artificielle et à la robotique, permettant le développement de mobilités durables.
Pour terminer, les entreprises de l’énergie s’inscrivent également dans cette thématique par leur capacité à répondre à la nécessité à développer une énergie moins carbonée, en premier lieu, et durable, à long terme, essentielle au bon fonctionnement des moyens de transport.
Les mobilités du futur sont donc bien une thématique, au sens où elles découlent d’une mégatendance structurante pour le monde d’aujourd’hui et de demain, et qui réunifie un ensemble de sociétés provenant de secteurs divers.
Des perspectives économiques colossales
Passons maintenant à la deuxième étape de notre raisonnement. Le Codex des thématiques, développé par Galilee Asset Management, nous permet de réaliser l’analyse chiffrée des mobilités du futur. L’objectif est de répondre aux deux questions que se pose tout investisseur : la thématique possède-t-elle des perspectives économiques importantes ? Et qu’en est-il du potentiel boursier ?
Tout d’abord, notons que, selon l’AIE, le transport est responsable de 25 % des émissions de CO2 sur la planète, dans la mesure où la quasi-totalité des moyens de déplacement – hors le rail – sont assurés grâce à des produits pétroliers. A titre de comparaison, l’industrie est à l’origine de 19 % des émissions de gaz à effet de serre.
Les acteurs de la thématique ont donc l’impératif de développer des innovations capables de réduire cette part pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Tout d’abord, cela passe par l’automobile, objet de liberté et de désir, on en compte plus de 1,5 milliard dans le monde, selon les estimations de WardsAuto Intelligence. La commercialisation de voitures électriques apparaît comme une solution intéressante dans la mesure où elles n’émettent pas de CO2 lors de leur utilisation.
Encouragées par les mesures législatives et la diminution de leur prix, l’Agence internationale de l’énergie estime que les ventes des voitures électriques vont croître d’environ 15 % par an, d’ici 2030. Des innovations voient également le jour dans les secteurs aérien et maritime, où l’objectif est de trouver une nouvelle source d’énergie efficace et peu coûteuse.
En coopération avec les leaders de l’énergie, comme Air Liquide ou Total Energies, des projets de coopération économique voient le jour pour trouver des substituts durables, notamment au pétrole. En remplaçant peu à peu les énergies fossiles, on estime que, dès 2030, le marché de l’hydrogène vert, couplé à celui des énergies renouvelables, devrait représenter 1 400 milliards de dollars [plus de 1 300 milliards d’euros, ndlr] par an, selon les projections de Galilee Asset Management.
Pour s’inscrire dans la transition énergétique et écologique, les acteurs de la thématique doivent ainsi travailler ensemble, de la source d’énergie à la commercialisation des moyens de transport. On peut prendre l’exemple de la coopération entre la Sncf et Alstom, prévoyant ensemble de lancer les essais des premiers trains à hydrogène en 2023, afin de remplacer les modèles à diesel dans un futur proche.
Au-delà de l’économie et de l’écologie, la thématique s’inscrit également dans le pilier thématique de la révolution digitale et robotique. En effet, les mobilités de demain profiteront de l’essor de la 5G – et bientôt de la 6G – et de l’intelligence artificielle permettant une connectivité entre les véhicules. De grandes avancées sont ainsi réalisées dans le domaine de la sécurité, de l’optimisation de la consommation énergétique, ou encore du confort de l’utilisateur.
Parmi ces technologies, certaines sont logiquement appliquées aux deux-roues. Ainsi, par exemple, certains vélos connectés ont la capacité de contacter les urgences en cas de détection d’une chute. Même Jules Verne n’avait pas imaginé que cela puisse être le cas un jour. De la sécurité à la confortabilité, les mobilités du futur doivent avant tout proposer des véhicules rassurants et agréables pour les utilisateurs.
Clef de voûte du développement durable, la thématique mobilités du futur représentera ainsi, selon nos projections, un marché de plus de 2 000 milliards d’euros en 2030. Après avoir répondu très positivement à la première question concernant les perspectives économiques, il est maintenant temps de quantifier le potentiel boursier de la thématique.
De très belles performances portées par le segment Tech
La quantification du potentiel d’une thématique n’est pas simple à réaliser, dans la mesure où une thématique peut profiter d’une croissance économique importante sans que cela se reflète dans le cours de Bourse de ses sous-jacents. Effectivement, le parcours boursier d’une entreprise peut être jonché de plusieurs freins liés à la macroéconomie, à la politique ou, plus largement, à certaines conditions de marchés qui rendent le timing d’investissement défavorable.
Pour répondre à ces problématiques, Galilee Asset Management a choisi de développer en interne ses propres indicateurs thématiques (ITG). Construits grâce à la sélection des sous-jacents représentés au sein des fonds et ETF mondiaux, ces indicateurs ont pour objectif de dépeindre le plus fidèlement possible chacune des vingt-cinq thématiques identifiées par notre équipe de gestion.
Ainsi l’indicateur thématique « Mobilités du futur » affiche une performance annuelle de +24,7 %, au 6 septembre 2023, contre + 13,5 % pour le MSCI World. Après une année 2022 très décevante (- 34 %), la thématique profite, cette année, de plusieurs conditions favorables.
En premier lieu, le secteur automobile bénéficie de l’augmentation de la demande de véhicules électriques, notamment expliquée par le durcissement de la réglementation – notamment européenne – visant à une diminution du trafic des voitures polluantes et par les aides d’achat gouvernementales.
De plus, le déséquilibre entre l’offre et la demande de puces électroniques a permis aux constructeurs d’augmenter leur prix et de concentrer leur production sur les véhicules les plus rentables. A titre d’exemple, Stellantis a publié des marges records pour le deuxième trimestre 2023, dépassant celles de General Motors et Tesla. Renault a, quant à elle, confirmé le redressement de ses comptes. L’entreprise au losange a renoué avec un bénéfice net, qui dépasse les 2 milliards d’euros lors du premier semestre 2023, et affiche une marge opérationnelle record à + 7,6 % pour la première fois depuis six ans. Cette qualité du bilan a permis aux constructeurs automobiles de réaliser des performances boursières annuelles comprises entre + 14 % (Renault) et + 104 % (Tesla), au 6 septembre 2023.
Ensuite, la thématique a profité de la démocratisation de l’intelligence artificielle portant l’ensemble du secteur de la technologie, qui représente tout de même 40 % de notre indicateur. Plus particulièrement, les fabricants de semi-conducteurs et les leaders de l’optimisation énergétique ont ainsi vu leur cours de Bourse grimper, portés par une demande supérieure à l’offre. A l’image des très belles performances du segment technologique cette année, l’investisseur doit prendre conscience que la thématique revêt une couleur davantage Growth que Value. En effet, avec une volatilité à un an de 28 % et des premières lignes composées de Nvidia, Tesla et Aptiv PLC, les mobilités du futur sont avant tout sujettes aux innovations techniques et ainsi aux grands acteurs du secteur.
Appliqué à des secteurs historiquement Value (automobile, aérien, ferroviaire, etc.), ce biais Growth offre à l’investisseur la capacité de profiter boursièrement des développements technologiques et de l’amélioration des marges des leaders de la mobilité. Ainsi, chez Galilee Asset Management, nous avons la conviction que la thématique est sous-valorisée et qu’elle pourrait croître à plus de 10 % par an, d’ici 2030.
La thématique mobilités du futur réunit à la fois perspectives économiques et potentiel boursier. Passons maintenant à la dernière étape : le gisement de fonds.
Comment se positionner sur la thématique ?
L’exposition au potentiel de la thématique mobilités du futur est bien entendu possible à travers divers titres vifs (notre indicateur met en avant Denso Corporation, Infineon Technologies ou encore Tesla). Les investisseurs souhaitant profiter de la croissance de la thématique, via la gestion collective, bénéficient d’une offre de qualité à la fois en gestion passive et en gestion active.
Du côté des OPCVM, le fonds BGF Future of Transport, par son biais technologique, est un support d’investissement intéressant pour profiter des innovations et du potentiel boursier des leaders de l’optimisation énergétique. Les adeptes de la gestion passive trouveront une offre plus développée, où l’on peut citer par exemple l’ETF Xtrackers Future Mobility UCITS ou encore le Lyxor MSCI Future Mobility ESG Filtered.
Pas à pas, en suivant les étapes du Codex des thématiques, il nous apparaît donc que la thématique mobilités du futur est indispensable pour les investisseurs souhaitant se positionner sur les acteurs innovants de la transition énergétique.
Alors oui, nous sommes encore loin des rêves de Jules Verne, mais un jour peut-être une voiture volante fera le tour du monde en moins de quatre-vingts heures !
Les sept règles d’or de l’investissement thématique
Face à la démultiplication du nombre de fonds thématiques et à l’apparition de nouvelles mégatendances au cours de la dernière décennie, il est devenu très difficile de se repérer au sein de la gestion thématique. Partant de ce constant, Galilee Asset Management édite le livre blanc de l’investissement thématique composé de sept règles d’or, un guide pratique pour tout investisseur souhaitant profiter des opportunités nombreuses qu’ouvre l’incroyable essor de la gestion thématique, tout en évitant ses écueils. Un livre blanc à télécharger gratuitement sur le site Internet de Galilee AM.
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