Loueur en meublé : l’inscription au RCS n’est plus obligatoire
Le Conseil constitutionnel a déclaré comme non conforme à la Constitution la condition d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour être déclaré au statut de LMP. Quelles sont les conséquences de cette décision ? Interview de l’avocat Jean-Louis Le Boulc’h, spécialiste en droit fiscal et douanier, droit des sociétés.
Profession CGP : Qu’implique désormais la décision du Conseil constitutionnel sur le statut de LMP ?
Jean-Louis Le Boulc’h : Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 8 février 2018 (décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018, ndlr) déclaré comme non conforme à la constitution la condition d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés prévue à l’article 151 septies du Code général des impôts, qui permet aux loueurs en meublé de bénéficier de la qualification de « professionnel », étant précisé que cette qualification autorise, sous certaines conditions, l’exonération de taxation des plus-values.
Il est rappelé que les deux autres conditions visées par la loi pour bénéficier du statut LMP ont trait au montant des recettes locatives annuelles qui, d’une part, doivent être supérieures à 23 000 € et, d’autre part, excéder le montant des autres revenus d’activités perçus par les membres du foyer fiscal.
Il est à noter que ces trois conditions – cumulatives – ne sont plus aujourd’hui codifiées à l’article 151 septies, mais à l’article 155 du Code général des impôts.
Dès lors, le fait que le Conseil constitutionnel déclare non conforme à la Constitution douze mots de l’ancienne formulation de l’article 151 septies du Code général des impôts n’a pas d’incidence directe, le champ de la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) étant circonscrit à la formulation de l’article 151 septies du Code général des impôts.
En revanche, cette décision aura nécessairement des incidences indirectes, dès lors que le caractère inconstitutionnel de la condition d’immatriculation au RCS affecte mécaniquement l’ensemble des dispositions qui s’y réfèrent et, en particulier :
- l’article 155 du Code général des impôts,
- l’article 156 du Code général des impôts,
- l’article L. 611-1 du Code de la Sécurité sociale.
Il est rappelé que les règles relatives à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) n’intègrent déjà plus la condition d’immatriculation qui s’imposait, auparavant, aux loueurs en meublé qui entendaient être exonérés d’ISF.
En résumé, les loueurs en meublé qui respectent les deux conditions de recette ci-avant évoquées devraient bénéficier du statut LMP, même s’ils ne sont pas immatriculés au RCS, ce qui leur permet :
- d’imputer le déficit fiscal constaté à raison de l’activité locative sur leur revenu imposable,
- d’être exonérés, sous certaines conditions, de taxation des plus-values de cession.
La question des loueurs en meublé qui exercent l’activité locative via une société relevant du régime fiscal des sociétés de personnes (EURL, Sarl de famille) demeure néanmoins posée, dès lors que la personne morale est nécessairement immatriculée au registre du commerce et des sociétés.
Il est rappelé que le Conseil d’Etat, à l’origine de la QPC, avait, dans un arrêt du 11 juillet 2014 (n° 354449) jugé (…) « qu’en présence d’une société de personnes, la condition relative à l’inscription au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel s’apprécie au niveau de cette société ».
Il y a néanmoins tout lieu de penser que la situation des contribuables sera appréciée de façon uniforme, qu’ils exercent l’activité locative à titre individuel ou via une société non soumise à l’impôt sur les sociétés.
PCGP : Cela ne complique-t-il pas la possibilité pour l’investisseur de changer le statut LMP en LMNP ou vice-versa ?
Jean-Louis Le Boulc’h : La décision du Conseil constitutionnel devrait objectivement avoir pour effet d’augmenter le nombre de personnes qui bénéficient du statut LMP, puisqu’elle réduit le nombre de conditions relatives à l’éligibilité à ce statut.
Jusqu’à présent, il était aisé, pour les loueurs en meublé, de ne pas relever du statut LMP et d’éviter, par exemple, l’affiliation au RSI : il suffisait de ne pas demander son inscription au registre du commerce et des sociétés.
La situation va devenir délicate pour un certain nombre de personnes qui, bien que satisfaisant aux deux conditions de recettes prévues par la loi, avaient volontairement choisi de demeurer non professionnelles.
Il peut être observé que l’article L.611-1 du Code de la Sécurité sociale devra, lui-même, être modifié en ce qu’il subordonne l’affiliation des loueurs en meublé dont les recettes sont supérieures à 23 000 € à une condition d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
PCGP : Vendre en LMNP est quelquefois plus favorable que vendre en LMP. Que devront désormais préconiser les avocats à leurs clients pour que ces derniers puissent optimiser fiscalement leur stratégie patrimoniale ?
Jean-Louis Le Boulc’h : Il n’y a pas de réponse standard à cette question, dès lors qu’il est parfois plus avantageux de relever du statut LMP qui offre, sous certaines conditions, une exonération de taxation après cinq années d’exercice à titre professionnel, alors que dans d’autres circonstances, les abattements pour durée de détention applicables aux plus-values réalisées par les loueurs non professionnels militent plutôt en faveur de cette dernière qualification.
Il convient donc de procéder à un examen au cas par cas des dossiers, afin de déterminer une stratégie pertinente, l’important étant de définir clairement ses objectifs patrimoniaux, afin de prendre des décisions appropriées permettant d’optimiser la fiscalité de la cession.
PCGP : Le meublé est-il vraiment devenu une affaire de spécialistes, avocats, CGP, etc. ?
Jean-Louis Le Boulc’h : Si, de prime abord, la qualification de location meublée apparaît simple, il s’agit en réalité d’un sujet d’une complexité redoutable compte tenu des spécificités de nature comptable et fiscale qui le caractérisent. Je compare souvent la location meublée à une commode qui aurait plusieurs centaines de tiroirs, du fait de la multiplicité et de la relative complexité des questions soulevées, ce qui en fait une affaire de spécialistes, d’autant qu’un certain nombre de questions demeurent aujourd’hui non traitées par la doctrine ou par la jurisprudence.
Librairie : le best-seller de la location meublée
Maître Jean-Louis Le Boulc’h, avocat associé au sein du cabinet Agik’a à Annecy, publie une nouvelle édition de son ouvrage paru ce mois-ci aux éditions Maxima, « Les nouvelles règles de la location meublée pour augmenter son patrimoine et réduire ses impôts ». Intégrant la loi Alur et la loi de finances pour 2018, mais aussi un point complet sur l’IFI, le RSI, Airbnb et les meublés de tourisme entre autres, et illustré de nombreux conseils et exemples pratiques, son ouvrage livre toutes les clés pour optimiser et réussir son investissement immobilier. Car face au sévère durcissement de la fiscalité du patrimoine, la location meublée fait désormais figure d'oasis préservée pour l’investissement immobilier. Comment, grâce à cet environnement fiscal privilégié, constituer et développer un patrimoine immobilier, bénéficier de revenus locatifs très peu, voire pas du tout fiscalisés, diminuer le montant de son IFI, assurer la sécurité financière de sa retraite et prévoir une transmission « indolore » à ses enfants. Parmi ces quelques exemples, le lecteur trouvera toutes les réponses à ses questions. Augmenté d’un index détaillé qui en facilite l’utilisation, cet ouvrage constitue, pour le particulier comme pour le professionnel, l’outil indispensable pour profiter pleinement de la dernière niche fiscale immobilière.
Les nouvelles règles de la location meublée pour augmenter son patrimoine et réduire ses impôts (4e édition), de Jean-Louis Le Boulc’h, aux éditions Maxima, 264 pages. Un livre à retrouver sur la Librairie du patrimoine au prix de 31,80 € (frais de port inclus pour la France métropolitaine).
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