Réalité augmentée : Diota, l’effet papillon
Le diota est une espèce de papillon vivant en Afrique du Sud. C’est aujourd’hui le nom de la PME technologique spécialisée en réalité augmentée, qui l’a choisi pour, d’un battement d’ailes, mieux traverser le miroir et donner aux hommes un pouvoir de vision allant bien au-delà de ce que leurs yeux peuvent appréhender.
Lionnel Joussemet est un véritable passe-muraille des temps modernes. Grâce à la réalité augmentée, il amène l’intelligence industrielle numérique dans l’environnement opérationnel humain.
Réalité augmentée
Mais au fait, c’est quoi la réalité augmentée ? Ce terme désigne les systèmes informatiques qui rendent possible la superposition d’un modèle virtuel 2D ou 3D à la perception que nous avons naturellement de la réalité, et ceci en temps réel. Elle désigne les différentes méthodes qui permettent d’incruster de façon réaliste des objets virtuels dans une séquence d’images. Elle s’applique aussi bien à la perception visuelle (superposition d’images virtuelles aux images réelles) qu’aux perceptions proprioceptives, comme les perceptions tactiles ou auditives. Ces applications sont multiples et touchent de plus en plus de domaines, tels que les jeux vidéo, l’éducation par le jeu, les chasses au trésor virtuelles, le cinéma et la télévision (post-production, studios virtuels, retransmissions sportives, etc.), les industries (conception, design, maintenance, assemblage, pilotage, robotique et télérobotique, implantation, étude d’impact, etc.) ou le champ médical. Pokemon Go en est le parfait exemple.
Autre illustration : imaginez que vous deviez faire un trou dans un mur pour y accrocher un cadre. Vous ne voyez que l’extérieur du mur. Avec la réalité augmentée, vous « voyez » ce qu’il y a dans le mur, ce qui vous évite de piquer un câble électrique ou de percer une canalisation d’eau. En revanche, cela ne vous dispense pas de faire le trou !
Application industrielle
L’idée de Diota est celle-là mais appliquée à l’industrie automobile, ferroviaire et aéronautique. Comme le dit l’un de ses fondateurs, Lionel Joussemet, « c’est la réalité augmentée telle que nous la développons qui permet aux utilisateurs non-experts de tous corps de métiers de visualiser en temps réel, dans leur environnement de travail, le savoir-faire industriel contenu dans les systèmes d’information. Avec elle, les grands acteurs industriels, notamment de l’aéronautique, de la construction navale, du ferroviaire, de l’automobile, ou encore de l’énergie et de la pétrochimie, adressent leurs problématiques métiers spécifiques d’optimisation de leurs processus ».
Reprenons un exemple. Dans une pièce de carlingue d’avion de 6 m2, un ouvrier doit percer, de façon chirurgicale, deux mille trous pour y passer des câbles et des fils, poser des boîtiers, des raccords, etc. Il dispose d’un plan ultra-précis et doit marquer sur la tôle les emplacements exacts à percer, avant de s’exécuter. Avec la réalité augmentée, il peut, notamment grâce à des lunettes, se mettre devant la pièce métallique et il verra, projetés sur cette dernière, les emplacements et à quoi ils correspondent. En effet, la manufacture lourde requiert des opérateurs humains l’accomplissement de tâches multiples (assemblage, usinage, montage, etc.) suivant un ordre précis.
Dans ce contexte, la réalité augmentée de Diota se substitue aux fiches d’instruction papier des contenus numériques intuitifs pouvant être adaptés tant à leur utilisateur qu’à la configuration, souvent unique, du produit fabriqué.
Cols-bleus, cols blancs
En phase de planification ou de construction de prototype, les concepteurs doivent manipuler un volume important de données numériques. De même, en phase de vente, les vendeurs doivent valoriser les caractéristiques, parfois non visibles, d’un produit, et présenter de multiples possibilités de personnalisation, comme cela se fait pour les voitures aujourd’hui : couleurs, choix du logo, matériaux des jantes, etc. Ainsi, le concessionnaire qui ne dispose que d’une Polo noire en stock (Diota travaille beaucoup avec Volkswagen) peut, grâce à ce système, emmener son client devant la voiture et lui montrer dans l’écran, comment elle apparaît en rouge avec un toit vernis gris et des jantes alu. Dans ces contextes, la réalité augmentée de Diota permet de visualiser autant de combinaisons possibles, ainsi que de simuler divers scénarii directement sur un objet ou un ensemble d’objets. Les prises de décision avant installation, industrialisation, ou achat, sont facilitées.
Elle permet également de comparer le « tel-que-conçu » directement avec le « tel-que-construit », optimisant les contrôles de conformité et de qualité. Le dialogue entre le concepteur et le réalisateur est grandement simplifié et l’homme de terrain peut très facilement faire remonter ses remarques, indiquer les impossibilités techniques ou les améliorations à apporter.
Des projets pleins les écrans
La start-up créée en 2009 (qui n’en est plus réellement une aujourd’hui, puisqu’elle emploie une quarantaine de personnes) vient de lever trois millions d’euros grâce à Safran et Calao Finance. « Nous allons utiliser ces fonds pour nous développer sur deux axes majeurs, précise Lionnel Joussemet. En premier, comme nous travaillons avec de grandes structures industrielles, telles que Dassault, Volkswagen, Renault et bien d’autres, nous devons nous aussi développer et industrialiser nos process de fabrication, nos supports, la formation, etc. Nous devons, nous aussi, passer au stade industriel pour être capables d’honorer de grosses commandes en nombre : par exemple, pouvoir répondre à la demande d’un client qui souhaiterait s’équiper d’un coup de trente ou quarante Diotaplayer (la petite machine magique qui permet la projection de la réalité augmentée, ndlr). Le deuxième axe que nous entendons privilégier est l’axe commercial en renforçant nos forces de vente sur l’international et plus particulièrement en Europe puisque nous sommes déjà en train d’établir notre société en Allemagne, Diota Gmbh. Nous restons dans le monde de l’industrie en BtoB car il y a encore beaucoup de valeur à créer. Nous réfléchissons également à nous implanter dans d’autres branches d’industrie, comme les projets collaboratifs pour bâtir la ville du futur, ses constructions, ses bâtiments, son réseau routier… et les outils d’assistance chirurgicale qui est un domaine où tant de choses restent à faire. Dans ce dernier secteur, la réalité augmentée va révolutionner les blocs opératoires ».
Parce qu’elle a su inventer la réalité augmentée sans contraintes, Diota a même reçu le grand prix des Trophées de la simulation numérique 2016.
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