Moustache Bikes : l’échappée belle…
© Photo : Moustache Bikes
Moustache Bikes n’a même pas dix ans, mais s’impose déjà comme la référence sur le segment premium des vélos à assistance électrique. Son business model et la qualité de son management ont séduit LBO France, qui accompagne désormais la PME des Vosges dans son irrésistible ascension.
Le nom déjà interpelle… Moustache Bikes ! Un clin d’œil au fameux guidon moustache que la marque réinterprète avec modernité. Une façon aussi d’affirmer son identité forte, comme une moustache souligne la personnalité de celui qui la porte.
Le pari osé du 100 % électrique
Emmanuel Antonot et Grégory Sand ont pourtant un peu hésité avant de baptiser ainsi leur société. Lorsqu’ils se rencontrent en 2011, les deux hommes sont chacun à un moment charnière de leur carrière. Le premier vient de quitter son poste chez le fabriquant de cycles Lapierre, le second cherche une entreprise à reprendre après avoir travaillé dans l’export de mobilier haut de gamme pour l’hôtellerie de luxe. Tous deux sont passionnés de vélo et passent leur temps libre à sillonner les reliefs vosgiens. C’est un expert-comptable qui les met en relation. Alors qu’Emmanuel Antonot bûche déjà depuis quelque temps sur un projet d’entreprise, Grégory Sand le rejoint dans la course. Les deux hommes sont convaincus que l’assistance électrique est l’outil magique pour ouvrir l’usage du vélo et mettre plus de monde en selle. Forts de cette conviction, ils décident de se lancer.
Le marché du vélo à assistance électrique (VAE) commence tout juste à émerger. L’offre se limite à l’entrée de gamme généralement importée, et au haut de gamme avec le vélo hollandais à motorisation sur moyeu arrière. Des propositions peu adaptées au marché français. Les deux hommes réfléchissent à un produit qualitatif, original et beau. A l’heure où le vélo électrique n’est encore qu’un pari, ils lancent leur premier modèle, le « Lundi 26 » devenu iconique. Avec son design très distinctif sur le marché, il est élu vélo de l’année sur un premier salon.
Une offre complète et premium
Moustache Bikes profite de ce coup d’accélérateur et lance toute une gamme qui ne cesse de s’enrichir. La société passera bientôt de sept à soixante-cinq modèles ! Elle opte pour un positionnement premium, avec des produits vendus 3 000 à 3 500 euros en moyenne. La marque choisit les moteurs Bosch qui se positionnent sur le tube diagonal du cadre, et non à l’arrière. Une préférence qui tient à la qualité de l’équipementier allemand, mais aussi à l’impact d’une batterie centrale sur le comportement dynamique du vélo et son équilibre. « Les deux entrepreneurs conçoivent et assemblent leurs modèles, explique Louis de Lummen, directeur des investissements LBO Mid Cap. En vrais perfectionnistes, ils les essaient dix-huit mois avant de les lancer. Ils développent aussi des pièces en propre : cadre, guidon, garde-boue, porte-bagage, béquille, selle hydraulique… Des petits détails qui font la différence. »
Moustache quitte l’appartement familial pour un bâtiment de la communauté d’agglomération, en banlieue d’Epinal, où la société occupe un espace de plus en plus grand à mesure qu’elle se développe. Très ancrée dans les Vosges, la PME embauche localement et se réjouit de participer au tissu industriel local.
Chaque année, la marque remporte des prix et continue d’innover. En 2013, place aux moutain bikes, des VTT électriques. L’idée est de permettre aux sexagénaires de continuer à faire des kilomètres en montagne comme ils le faisaient sur leurs VTT classiques. « Outre les passionnés qui voient leur espace de jeu démultiplié avec ces moteurs électriques, les stations de montagne devinent très vite le potentiel qu’elles peuvent tirer de ces technologies », note Louis de Lummen. En 2015, Moustache signe un partenariat avec Philippe Starck qui dessine plusieurs modèles, dont le « Snow » équipé d’une peau de bête, confortant le caractère très différenciant de la marque vosgienne. « Le démarrage de Moustache Bikes a été fulgurant, observe Louis de Lummen. Dès 2015, la PME enregistre 14 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et ce chiffre va croître de 55 % par an en moyenne les années suivantes. »
Un marché en forte expansion
En 2019, la société vend trente mille e-bikes, dont vingt mille en France, soit 5 % des quatre cent mille vélos électriques vendus dans l’Hexagone cette année-là (près de 3,9 millions en Europe). Et le marché est particulièrement prometteur : selon une étude publiée par l’institut Xerfi fin octobre 2020, les ventes de VAE devraient continuer de croître au rythme de 19 % par an pour atteindre huit cent mille unités en 2023. « Le marché de l’e-bike augmente de 20 à 30 % par an depuis dix ans, confirme Louis de Lummen. Il pèse 700 millions d’euros en 2020 et devrait atteindre 2 milliards en 2025, donc tripler en l’espace de cinq ans. Difficile d’en connaître le réservoir de croissance, car le VAE vient grignoter d’autres mobilités, mais nous sommes clairement encore en phase de croissance, avec des niveaux de maturité différents selon les pays. L’Europe du Sud et le Royaume-Uni sont quelque peu en retard, mais tous les pays sont en croissance. » Et si le vélo de ville a mis plus de temps à décoller, il vient désormais grignoter les autres catégories de mobilité urbaine.
La fin du « tout-automobile », à l’œuvre depuis plusieurs années, s’est vue exacerbée par les crises des Gilets jaunes, puis de la Covid-19. Développement des pistes cyclables, mise en place de garages à vélos, subventions locales, aides fiscales, voire « vélos de fonction », accélèrent le mouvement. « Mais la plus forte tendance de la gamme Moustache reste sans conteste le vélo polyvalent ou VTC, citadin la semaine, forestier le week-end, et tout particulièrement la série Xroad, affirme Louis de Lummen. Lancé en 2016, renouvelé en 2019, c’est le segment de marché Moustache le plus en croissance, capable de rouler sans risque sur des pavés urbains ou des rails de tramway. » Une autre gamme complète la collection Moustache : les vélos de course à batterie, sur lesquels la société est précurseur et qui permettent aux plus âgés de poursuivre leur passion, ou aux promeneurs de suivre un conjoint féru de bitume…
Le vélo cargo, aux roues plus petites, à la plate-forme plus basse, prévu pour accueillir un chargement à l’avant ou à l’arrière devrait être lancé en 2021 : « un vélo d’avenir pour les villes, et le troisième vélo de la famille », suggère Louis de Lummen.
L’art de bien s’entourer
Lorsqu’un actionnaire de Moustache Bikes décide de sortir, LBO France est approché. La société de capital-investissement est séduite par le positionnement de la jeune PME et la qualité de son management : les fondateurs ont l’art de bien s’entourer, et la véritable passion du vélo qui anime Emmanuel Antonot et Grégory Sand convainc LBO France d’entrer au capital en mai 2019. « Nous avons vraiment apprécié leur rôle de visionnaires, de précurseurs sur le marché du VAE. Autre avantage : Moustache était une marque premium et déjà établie, très sélective dans sa distribution. Elle disposait d’une excellente notoriété et d’un fort capital sympathie. Et la société a toujours été rentable, dès ses débuts. Son business model intègre beaucoup de valeur ajoutée, mais les activités qui nécessitent de lourds investissements, comme la fabrication des batteries et la distribution, sont externalisées », analyse Louis de Lummen.
Comme dans toutes ses participations, LBO France devient majoritaire dans Moustache Bikes de façon à contrôler les décisions, même si les fondateurs restent des actionnaires significatifs. « Nous investissons uniquement dans des entreprises françaises, pour cinq ans en moyenne, explique Louis de Lummen. Notre approche se veut généraliste et opportuniste, avec quelques tropismes, comme le BtoB ou la santé… »
100 M€ de chiffre d’affaires
LBO France assure un accompagnement protéiforme, à la fois financier, opérationnel et stratégique. Chez Moustache Bikes, l’objectif est de soutenir la forte croissance et de structurer l’entreprise pour la faire évoluer de PME locale au statut d’ETI. Les actions ? Prioriser les axes de développement, adapter la stratégie marketing, s’assurer que le marché français est bien couvert, et comprendre comment fonctionnent clients et revendeurs à l’étranger afin de proposer un produit approprié au marché local et d’en accommoder la commercialisation.
Un enjeu majeur. Car sur les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires enregistrés par Moustache en 2020, 40 % proviennent de l’étranger. La marque est présente, via des distributeurs, dans une vingtaine de pays, notamment en Suisse, en Belgique, en Allemagne, au Canada ou en Nouvelle-Zélande. Et plutôt que de multiplier les marchés internationaux, elle fait le choix de se focaliser sur les terrains de jeux existants afin d’y poursuivre son ascension.
La politique ESG est également au cœur des préoccupations. « Ce sujet est déjà dans l’ADN de Moustache puisque la société conçoit des vélos dans les Vosges, qu’elle emploie des salariés locaux, les forme, prône l’égalité salariale… Une vraie démarche, naturelle et pas forcément formalisée », souligne Louis de Lummen.
Prochain sujet à l’étude : offrir aux opérateurs de production des formations diplômantes, un vrai défi ! « Moustache Bikes dépassera à moyen terme les 200 millions de chiffre d’affaires, prévoit Louis de Lummen. Arrivée en 2018 sur son nouveau site de 10 000 m2 acheté à Thaon-les-Vosges, en banlieue d’Epinal, la société est déjà à l’étroit et va devoir s’étendre pour accueillir toute la production, les fonctions support, les cent vingt salariés actuels et les futures recrues. Objectif : pouvoir produire deux cent mille vélos, le double de la fabrication actuelle ! » Tout roule donc pour Moustache Bikes. L’allure est belle, la route dégagée, et la marque en a encore sous le pied !
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