Fin de l’ISF-PME : des capital-investisseurs désenchantés
Inhérente à la suppression de l’ISF, la fin du dispositif ISF-PME annoncée par Bruno Le Maire engendre inquiétude chez les sociétés du capital-investissement et drame pour les jeunes start-up.
Dans le cadre de la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune et sa transformation en IFI, l’ISF-PME ne sera plus reconduit en 2018. C’est le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui l’a annoncé dans un entretien aux Echos, jugeant que les PME « vont largement bénéficier de la libération et de la réorientation de l'épargne vers l’économie productive générée par notre réforme fiscale ». Les campagnes 2017 étaient donc bel et bien les dernières. Certes, si on pouvait s’attendre que la suppression de l’ISF engendrerait celle de l’ISF-PME, on aurait pu penser qu’elle aurait pu être transformée en IFI-PME pour rester dans la cohérence du projet fiscal du gouvernement Philippe de recentrer l’investissement vers les PME.
Mais là, cette source importante de financement vers les PME principalement non-cotées viendra forcément à manquer. Les jeunes pousses de notre économie devront-elles à nouveau connaître les affres de la « vallée de la mort », cet « Equity Gap » tant redouté par les entrepreneurs ?
Toutes les PME ne sont pas des licornes !
L’ISF-PME avait, pourtant, tout pour plaire. Chez les investisseurs et les contribuables, qui pouvaient réduire de leur ISF 50 % des sommes investies dans les PME (article 37 de la loi de finances rectificative pour 2016 et article 885-0 V bis du CGI). Alors du côté des professionnels du capital-investissement, cette annonce fait l’effet d’un véritable coup de massue, les laissant sous le choc, l’incompréhension et l’inquiétude.
Comme pour François Gerber, cofondateur et dirigeant de Vatel Capital, spécialisée dans l’accompagnement des PME françaises de croissance cotées et non cotées, avec plus de 300 M€ d’actifs sous gestion. Auréolée du titre de 3e société préférée des CGPI dans la catégorie Capital-investissement du magazine Investissement Conseils, Cette société de gestion s’appuie sur une équipe de gérants travaillant ensemble depuis plus de dix ans. Elle investit dans des entreprises de nombreux secteurs, notamment ceux de la santé, des énergies renouvelables, des services aux entreprises et d’Internet, et propose également une offre financière sur les actifs tangibles, tels que la forêt, les terres agricoles et les énergies renouvelables.
C’est dire que l’ISF-PME, les gérants de Vatel Capital connaissent ! Sur les 50 millions de collecte réalisés en 2016, 40 % proviennent de ce dispositif fiscal. « Aujourd’hui, lâche François Gerber, désabusé et inquiet, 1,2 Md€ sont investis dans les PME non cotées : 50 % par des FCPI et des FIP et 50 % par des Business Angels. Ces entreprises jeunes – de moins de dix ans – et en croissance ne sont financées par personne d’autre ! Quand ces 1,2 Md€ vont disparaître, ce n’est pas l’Etat qui va combler ce trou dans la raquette ! On n’a jamais vu des PME financées par des assurances-vie. Il n’y a pas que des licornes dans l’économie française. » Même s’il ne cache pas son inquiétude et un brin d’amertume, il poursuit : « Chez Vatel Capital, on va s’adapter : on a l’habitude ! » Il est vrai que la société de gestion possède bien d’autres relais de croissance : elle vient, d’ailleurs, de lancer Vatel Direct, une plate-forme de Crowdfunding de titres obligataires, qui vient de clore sa 7e opération de financement pour des levées totales de 6 M€…
Un drame absolu pour les PME
En supprimant la carotte fiscale ISF-PME, il est donc certain que les sociétés non cotées vont perdre une belle manne financière. C’est ce que souligne également dans un de ses éclairages Harold Zimé, expert en finance de marché et cofondateur de la FinTech Ipoome, intelligence artificielle (IA) permettant aux TPE-PME d’obtenir un financement jusqu’à 150 000 €. Le souhait de l’entrepreneur : « entendre le gouvernement parler d’une “prime de risque à l’investissement” pour conforter les personnes payant l'ISF de continuer à financer les entreprises et amener l’ensemble des épargnants à prendre ce risque […]. C’est par la mise en place de réductions fiscales claires que le gouvernement incitera les particuliers à investir dans des sociétés et de ce fait, à accélérer les investissements des TPE-PME. Il faut savoir qu’aujourd'hui, 92 % des TPE n’ont pas accès au financement alors que 4 000 milliards d’épargnes financières dorment sur les comptes des particuliers, c’est révoltant .»
Pour lui, s’il est certain que les initiatives annoncées par le gouvernement en matière de fiscalité des entreprises vont apporter un souffle nouveau aux TPE-PME, « à y regarder de plus près, la suppression de l’ISF-PME est une mesure qui peut très vite se retourner contre les chefs d'entreprise dans leurs besoins de financement, modère Harold Zim. Retirer l'incitation ISF est un drame absolu sauf s’il est remplacé par une réduction conséquente sur l’IRPP. »
Et de conclure que « 98% de nos clients sont des entreprises TPE-PME avec un résultat positif. Pourtant, il est impossible d’obtenir un financement auprès des banques. Afin de favoriser l’émergence d'un Mittelstand à la française et résoudre le problème du chômage de masse, nous devons changer les habitudes des épargnants, simplifier l’accès au financement public et porter haut les nouvelles solutions d’investissement qui sont désormais accessibles à tous ».
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