Eurovanille : une ETI florissante
Dans le Nord de la France, Eurovanille est spécialisée dans la transformation de la vanille, pour une large clientèle internationale. Accompagnée par Turenne Groupe, l’entreprise a récemment doublé de taille et développe son activité recherche.
L’idée germe dans l’esprit de Laurent Bourgois lorsqu’il travaille, pendant quelques mois, dans une épicerie parisienne. Le commerce est spécialisé dans les produits réunionnais. Mais c’est la vanille, surtout, qui séduit la clientèle. Qu’à cela ne tienne ! Le jeune homme décide de créer une entreprise dédiée à cette épice.
Le seul pure player du marché
En 1990, Laurent Bourgois fonde Eurovanille, la première société spécialisée dans la vanille naturelle. S’il a fait une école de commerce, le jeune entrepreneur n’a aucune connaissance de l’agroalimentaire. « C’était pour moi une découverte complète, admet-il. La clé de la réussite tient au fait d’avoir su sélectionner les bons produits et répondre à des demandes très spécifiques. » Ajoutons à cela une forte fibre entrepreneuriale et de vrais talents commerciaux… Pour faire connaître son activité, Laurent Bourgois envoie une gousse de vanille aux restaurateurs répertoriés dans le guide Michelin. Succès immédiat ! Eurovanille commence par travailler avec les artisans et fournit les tables prestigieuses de chefs étoilés. Une clientèle qui forge sa réputation. La société diversifie peu à peu ses canaux de distribution, pour alimenter les grossistes, puis l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Ce positionnement sur quatre métiers, avec une large place laissée à l’industrie (65 % du chiffre d’affaires), fait l’originalité d’Eurovanille. Après un démarrage en France, la société élargit rapidement sa clientèle à tous les pays férus de gastronomie, en Europe, en Asie, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis…
Autre particularité : Eurovanille est le seul pure player, parmi sa vingtaine de concurrents dans le monde. La société ne travaille que la vanille. Et elle l’exploite sous toutes ses formes : poudres, arômes, concentrés, infusions… Rien n’est perdu. « Lorsque nous achetons un panier à Madagascar ou à Tahiti, nous l’utilisons intégralement », commente Laurent Bourgois.
Eurovanille compte aujourd’hui une centaine de salariés et réalise environ cinquante millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 70 % réalisés à l’export. La société est présente dans quatre-vingt-cinq pays, compte plus de six mille clients et couvre 5 à 7 % du marché mondial de la vanille. Le fief de cette success story ? Gouy-Saint-André, en plein Nord-Pas-de-Calais, où la famille a ses racines. Eurovanille y a implanté son usine de transformation.
Une deuxième levée de 4,5 M€
En 2014, la société fait appel à un premier fonds de capital-investissement pour accélérer son développement à l’international. Elle lève un million d’euros. A cette même époque, des difficultés de production, notamment liées aux aléas climatiques, et la spéculation font exploser le cours de la vanille. Les prix sont multipliés par huit en trois ans, portant le kilo à près de 500 euros. Un véritable « or noir ».
Cette forte contrainte accroît considérablement le budget des achats, et Eurovanille a besoin d’accompagnement pour financer la croissance de son besoin en fonds de roulement (BFR). La société procède à une deuxième levée de fonds. Nord Capital Partenaires accompagne le développement de PME de la région, via la société Nord Capital Investissement (filiale du Crédit agricole Nord de France). Deux FIP (fonds d’investissement de proximité) participent également à cette levée de fonds, le FIP Nord Cap VI et le FIP Entreprise Familiale Exportatrice II, géré par Turenne, souscrits par des personnes physiques pour donner du sens à leur épargne en contribuant au développement de sociétés régionales.
Créée en 1999, Turenne Groupe s’est spécialisé dans le capital-investissement auprès de small caps. La société est née de la levée de fonds souscrits par des personnes physiques (FIP, FCPI…), investis dans de jeunes sociétés innovantes et octroyant des baisses d’impôt (IR et ISF). Par la suite, le groupe lance des fonds institutionnels et développe des partenariats avec de grands acteurs institutionnels régionaux, notamment avec la Région Sud et avec le Crédit agricole Nord de France sur la région Hauts-de-France. « Notre identité repose à la fois sur une forte présence dans les territoires pour accompagner des opérations de capital développement et de transmission de PME, mais également sur le développement de thématiques sectorielles au plan national (santé, hôtellerie, innovation, émergence, transition énergétique…). Nous sommes les seuls à coupler une stratégie généraliste en région avec une expertise nationale et internationale dans les thématiques sectorielles », souligne Christophe Deldycke, président du directoire de Turenne Groupe et président de Nord Capital Partenaires.
Turenne Groupe est actionnaire de deux cent-soixante sociétés et gère aujourd’hui un milliard d’euros, avec des bureaux implantés à Paris, Marseille, Lille, Lyon et Metz. Au-delà de la recherche de performances financières, le groupe prône une vraie démarche à impact : la moitié de ses participations a déjà pris des résolutions ESG en matière d’environnement et de partage de la création de valeur avec les salariés ; 75 % prévoient de le faire d’ici 2025. Et dans le cadre de la charte pour la parité femmes-hommes de France Invest signée cette année, les comités de direction des participations devront compter 30 % de femmes à horizon 2030.
Créer des champions régionaux
« Je connaissais Laurent Bourgois depuis quelques années, raconte Christophe Deldycke. Je suivais son activité de loin. L’histoire et l’implantation régionale d’Eurovanille intéressaient le groupe Turenne, et nous voulions participer à son développement. Cette opération est une belle illustration de notre activité au cœur des territoires. »
La levée réalisée par Eurovanille auprès de Nord Capital Partenaires et de Turenne Groupe atteint cette fois 4,5 millions d’euros. « L’opération a permis de lever les dettes financières pour financer l’accroissement du stock et de franchir un palier de croissance. La société a doublé de taille depuis notre entrée au capital, passant d’un chiffre d’affaires annuel de 25 millions en 2016 à 50 millions aujourd’hui. C’est une forte création de valeur. Eurovanille est devenue une véritable ETI », constate Christophe Deldycke. Désormais présent à hauteur de 23,35 % au capital de la société, Turenne Groupe accompagne de près la structure via un comité stratégique, apportant son conseil dans la gouvernance et les décisions importantes. « Nous sommes convaincus que la création de valeur passe par la croissance significative des sociétés, explique Christophe Deldycke. L’essence de notre métier consiste à apporter les capitaux nécessaires à cette croissance. Notre rôle est de motiver les dirigeants, de les accompagner dans l’agrandissement de leur entreprise. Nous proposons aussi des opportunités de croissance externe. Nous voulons créer des champions régionaux, qui créent de l’emploi et de la richesse pour le territoire. »
Miser sur la recherche
Eurovanille s’est dotée d’un laboratoire de recherche et développement très dynamique et d’une serre de 1 000 m2 afin de mieux comprendre la plante et expérimenter sa culture. La société s’est lancée dans le décryptage du génome de la vanille aux côtés de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), de l’université de la Réunion, de l’université Paris Sud-Saclay et du CNRS. Eurovanille mise particulièrement sur les partenariats qu’elle met en place avec les chercheurs.
« Nous accueillons des chercheurs dans notre serre et avons repris les études là où elles s’étaient arrêtées à la fin des années 1960, précise Laurent Bourgois. Le génome de la vanille est désormais décrypté. Nous savons quels stress font fleurir la plante et avons réussi à la faire fleurir sous serre. Nous avons également des réponses concernant les maladies qui l’affectent. Autant d’avancées qui nous permettent de savoir comment faire pousser la vanille si les conditions actuelles n’étaient plus favorables. Nous nous appuyons beaucoup sur notre laboratoire pour le développement d’Eurovanille, plus encore que sur des acquisitions externes. »
Des perspectives motivantes ! Et si le groupe Turenne reste en moyenne cinq à sept ans dans les participations qu’il sélectionne, il ne compte pas sortir tout de suite de cette pépite nordiste. « Les projets de développement sont nombreux, confirme Christophe Deldycke. Outre une nouvelle usine et le développement des serres, Eurovanille travaille actuellement avec le CEA sur un robot capable de fertiliser la vanille. Si cela fonctionne, l’étape suivante consistera à tester l’opération sur de vastes surfaces. »
Malgré la crise économique et la baisse de la consommation liée à la pandémie, l’ETI de Gouy-Saint-André réalise une très bonne année 2020, grâce à la prospection de nouveaux clients et à la conception de nouveaux produits. « Nous vendons moins, mais à plus de monde, résume Laurent Bourgois. Nous sommes d’ailleurs loin d’avoir touché l’ensemble des consommateurs potentiels ! »
Parmi les nouveautés : la bulle de vanille, dédiée aux artisans pour un décor à l’assiette, et la pâte de vanille destinée à la grande distribution. Eurovanille réfléchit désormais à une future introduction en Bourse, sous un à deux ans. Encore un projet au parfum enivrant !
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