Alliance Marine : cap vers l’international
Peu connu du grand public, Alliance Marine est pourtant un acteur central du nautisme en Europe, spécialisé dans la distribution de solutions d’équipement et la fabrication de produits de sécurité. Accompagné depuis trois ans par Weinberg Capital Partners, le groupe poursuit son expansion qui se joue désormais à l’échelle internationale.
Levons l’ancre ! Cap sur Toulon où le groupe Alliance Marine vient de fêter ses vingt ans. Ce pionnier de la distribution d’équipements pour la navigation de plaisance et la marine professionnelle y a vu le jour à la fin des années 1990, sous l’impulsion de Jean-Paul Roche. Un homme qui avait, jusqu’alors, davantage exploré les recoins d’un habitacle auto que les coursives d’un bateau…
Structurer l’équipement nautique
Avant d’embarquer pour l’univers du nautisme, Jean-Paul Roche a consacré sa carrière au secteur de l’équipement automobile, dans lequel il a exercé différentes fonctions. En 1993, il fait l’acquisition dans le Sud de la France d’une société de distribution de pièces détachées pour l’automobile. L’entreprise fait florès ; il revend quelques années plus tard à un groupe international. Mais il garde la main sur une filiale discrète de la société qu’il vient de céder : une structure distribuant des pièces détachées pour le nautisme. Elle avait été créée en marge de l’activité principale, par opportunisme géographique – nous sommes dans le Var ! – afin de transposer un savoir-faire développé dans le secteur automobile, vers le secteur maritime. « Nous avions l’intuition que le marché de la pièce détachée marine devait commencer à se structurer, comme l’avait fait auparavant celui de l’automobile, qui s’était organisé entre les années 1980 et 1990 », explique Jean-Paul Roche, le président-directeur général d’Alliance Marine. La filiale ne compte alors que quelques personnes, moins d’une dizaine, et réalise fin 1999 un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros.
Opérations de croissance externe
La volonté immédiate est d’élargir son portefeuille d’activités, en procédant étape par étape. Alors qu’elle ne distribue initialement que des pièces détachées mécaniques, Alliance Marine rachète une société œuvrant dans l’électrique. Puis une autre, spécialisée dans la sécurité. Entre 2000 et 2015, le groupe se développe au rythme d’une acquisition tous les deux ans, en s’intéressant à tous les types d’équipements, à l’exception des matériaux composant la coque, les voiles et le pont. Le groupe réalise également des acquisitions sur le marché de la marine professionnelle. Il traverse sans heurts la tempête de 2008, qui fait pourtant tanguer le secteur, comme tant d’autres.
Mais Alliance Marine, concentrée sur les marchés rechanges et entretiens, et peu impliquée dans la construction de bateaux neufs, garde la tête hors de l’eau et continue de tracer son sillon. Fin 2015, la société enregistre 95 millions de chiffre d’affaires, avec une activité tournée à 70 % vers le nautisme et la plaisance et à 30 % vers la marine de travail (transport de passagers, remorqueurs, etc.). Suite aux différentes opérations de croissance externe, la holding compte désormais à son bord sept entités : Accastillage Diffusion, Berthelot, Kent, Plastimo, Reya, Seimi et Vidal Diffusion Marine.
Une question se pose alors : comment poursuivre le développement ? D’autant qu’au même moment, l’actionnaire historique souhaite sortir… « Alors qu’Alliance Marine était déjà leader français sur son marché, l’internationalisation semblait nécessaire. Bien que connu à l’échelle européenne, le groupe était très peu exportateur, nous n’avions pas réellement d’actions hors de France », se souvient Jean-Paul Roche. Pour oser franchir les frontières, Alliance Marine a besoin de deux éléments : des capitaux et des hommes.
Engagement sur 1,5 fois l’apport initial
C’est Weinberg Capital Partners (WCP) qui va apporter les fonds et l’impulsion attendus. L’actionnaire sortant choisit en effet de céder ses parts à cette jeune société d’investissement, créée en 2005 par Serge Weinberg, un ancien de chez PPR et actuel président du conseil d’administration de Sanofi. « Nous avions déjà acheté une affaire automobile avec cet actionnaire, raconte Philippe Klocanas, associé chez WCP. Nous le connaissions bien. Nous avons donc eu un rôle moteur dans ce nouveau projet d’achat. »
L’opération de LBO marque le sixième investissement dans la distribution professionnelle pour Weinberg Capital Partners, qui se spécialise sur ce créneau, après des participations dans des actifs dédiés à la distribution de matériel pour les cafés et restaurants, les bureaux, ou encore les artisans… Volontairement, la maison de gestion investit uniquement en France. Sa force consiste à accompagner ensuite ses participations dans leur développement à l’international. « Le dossier d’Alliance Marine était donc logique pour nous à tous égards, poursuit Philippe Klocanas. Nous avions l’avantage de bien connaître le secteur de la distribution et de posséder plus de réflexes que celui qui n’en aurait pas la maîtrise. »
Le deal est signé en septembre 2016. La société de capital investissement prend le parti d’un financement unitranche souple auprès de Goldman Sachs. Objectif : renforcer le management d’Alliance Marine. Et doubler le chiffre d’affaires en s’implantant dans les pays frontaliers. Pour cela, Weinberg s’entoure d’investisseurs minoritaires, déjà présents dans différents fonds portés par la maison de gestion. « Outre le montant de l’acquisition payée au vendeur, nous avons souhaité nous réserver une marge de manœuvre pour les acquisitions ultérieures, indique Philippe Klocanas. Nous avons donc demandé aux actionnaires leur engagement d’investir dans le temps 1,5 fois l’apport initial. Il fallait qu’ils y soient prêts. »
Acquisitions européennes
Alliance Marine recherche alors des opportunités en Italie, en Allemagne, et en Angleterre. « Il fallait apprendre les marchés et savoir être opportuniste », souligne Jean-Paul Roche. Dès octobre 2017, le groupe opère un premier achat à Brème, en Allemagne. Son choix se porte sur Bukh Bremen, un importateur grossiste, leader outre-Rhin et ambassadeur de quarante-cinq marques renommées. « Ce distributeur faisait le même métier que nous, nous étions donc en terrain connu », précise Jean-Paul Roche.
En juin de l’année suivante, Alliance Marine acquiert Forniture Nautiche Italiane, un acteur essentiel de la distribution d’équipements marins depuis 1983 qui rayonne sur le nautisme italien et se distingue par la gestion de ses livraisons. Fin 2018, le groupe Alliance Marine franchit une nouvelle étape majeure avec le rachat de 3SI, une structure à la fois distributrice et productrice de produits de sécurité en Angleterre. Forte de ses 35 millions d’euros de chiffre d’affaires, de ses 250 salariés et de ses marques phares que sont Ocean Safety, Typhoon, ISP et Revere, 3SI permet à Alliance Marine de renforcer son activité « Sécurité en mer » amorcée avec Plastimo, et d’atteindre un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros pour un effectif de 700 personnes.
Des synergies sont envisagées entre les sociétés déjà installées dans le groupe et les nouvelles entités. Ces passerelles entre les différentes sociétés du groupe favorisent l’émulation et les innovations. Elles stimulent notamment le développement de produits propriétaires. « Par pragmatisme et souci d’équilibre, nous avons souhaité devenir fabricants de certains de nos produits, souligne Jean-Paul Roche. Avoir 25 % de produits propriétaires nous permet de sécuriser les flux, de maîtriser l’intégralité de la valeur ajoutée des produits concernés. Les bureaux d’étude stimulent aussi l’effervescence intellectuelle des équipes. »
Chiffre d’affaires doublé en deux ans
Alliance Marine totalise aujourd’hui 180 millions de chiffre d’affaires. En vingt ans, le groupe a donc multiplié par soixante ses résultats. Une progression qui tient à la qualité des décisions prises par la direction et au savoir-faire des équipes, mais aussi à l’accompagnement capitalistique et humain de Weinberg Capital Partners ces dernières années.
En trois ans, Alliance Marine a ainsi pu doubler son chiffre d’affaires. « L’entrée au capital de Weinberg a permis d’apporter de nouvelles idées, déclare Philippe Klocanas. Par exemple, nous avons travaillé la digitalisation du groupe. Sans notre initiative, cette avancée n’aurait pas forcément été mise en place à ce moment-là dans Alliance Marine. C’est également vrai pour la problématique du développement durable. »
Un sujet auquel Weinberg Capital s’avère particulièrement attaché. « Il faut un actionnariat sensible à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et au respect des critères ESG, estime Laurence Roy-Rojo, associée chez Weinberg Capital Partners. Ce sujet est pour nous fondamental ; il est devenu incontournable pour la pérennité des entreprises, quelle que soit leur taille. Les sociétés que nous accompagnons doivent avoir cette sensibilité à l’origine pour que nous décidions d’entrer au capital. Ensuite, l’expertise de Weinberg Capital permettra de la faire croître. Nous avons d’ailleurs récemment lancé un fonds à impact qui sélectionne uniquement des sociétés ayant une offre répondant positivement aux enjeux environnementaux, sociaux, sociétaux. Nous constatons chaque jour que les dirigeants sont très à l’écoute, conscients qu'il s’agit là pour eux d’une vraie source d’opportunités. »
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