Un fonds pour gérer les dépôts de garantie : la Fnaim crie au scandale
La création d’un fonds unique de centralisation des dépôts de garantie, géré par une institution publique, permettrait d’assurer la sécurité des sommes versées et leur portabilité à chaque déménagement du locataire. Ce fonds minimiserait ainsi les risques de litiges entre propriétaires et locataires en faisant intervenir un tiers dans la gestion du dépôt de garantie.
Vendredi dernier (21 avril), le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) a publié le rapport demandé par Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable, sur l’amélioration des rapports locatifs et la question des dépôts de garantie. Le rapport analyse l’instauration d’un mécanisme de consignation des dépôts de garantie locative.
Versé par le locataire à son propriétaire lors de la signature de la majorité des contrats de location, le dépôt de garantie fait l’objet de nombreux conflits locatifs. La création d’un fonds unique de centralisation des dépôts de garantie, géré par une institution publique, permettrait d’assurer la sécurité des sommes versées et leur portabilité à chaque déménagement. Ce fonds minimiserait ainsi les risques de litiges entre propriétaires et locataires en faisant intervenir un tiers dans la gestion du dépôt de garantie.
Un fonds estimé à 4 milliards d’euros
Le rapport du CGEDD conclut que « la création d’un fonds unique de dépôts de garantie, pour être justifiée, doit être mise au service de politiques publiques visant notamment à la solvabilisation des locataires ou à l’amélioration de la qualité des logements locatifs ».
Estimé à terme à près de 4 milliards d’euros, ce fonds pourrait ainsi notamment bénéficier au financement de la transition énergétique, à des actions en faveur de la décence des logements ou encore à la sécurisation locative.
Dans le cadre des travaux préparatoires à ce rapport, le CGEDD a sollicité l’expertise de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui a examiné les différentes modalités d’ingénierie financières possibles, selon les priorités assignées à la mobilisation du fonds, et dont les propositions ont été annexées au rapport.
Versé une seule fois, le dépôt suivrait le locataire tout au long de son parcours locatif moyennant des ajustements en cas d’augmentation de loyer ou de remboursement d’une dégradation. La restitution des dépôts de garantie serait facilitée avec l’intervention d’un tiers, et la CDC pourrait, par exemple, mettre en place un système d’avis d’huissiers en cas de litiges. En outre, ce fonds pourrait être mobilisé pour faciliter l’accès au logement de populations fragilisées.
La Fnaim vent debout contre cette idée
Par la voix de son président, Jean-François Buet, la Fnaim s’émeut vivement de ce rapport en craignant une « captation des dépôts de garantie », une « scandaleuse tentative de main basse » et une « idée est malhonnête et inacceptable ».
En effet, selon la Fédération nationale de l’immobilier, le rapport remis à la ministre du Logement « ne préconise rien moins que de créer un fonds géré par une institution publique, une de plus, abondé par les dépôts de garantie de toutes les locations, pour favoriser les travaux de transition énergétique ou de remise aux normes des logements. Il conduirait à modifier le fonctionnement réglementaire actuel: le locataire ne verserait le dépôt de garantie qu’une fois dans sa vie et il le suivrait au long de son parcours de locataire. L’objectif serait d’éradiquer les contentieux pouvant exister avec le propriétaire bailleur ou son mandataire, quant à la restitution de cette somme lors du départ du locataire. »
Mais pour Jean-François Buet, qui ne mâche pas ses mots, c’est une fausse bonne idée, voire même une idée « malhonnête et inacceptable. Pour justifier la naissance d’un dispositif public de plus, ses promoteurs arguent de contentieux locatifs qui ne représentent pourtant qu’une infime fraction des locations en France. Au demeurant, la quasi-totalité de ces différends est soldée par la conciliation paritaire, pierre angulaire des rapports locatifs dans notre pays, au sein des commissions de proximité. Le rapport laisse aussi accroire qu’il est temps d’affecter les dépôts de garantie au financement des travaux de rénovation des logements: les auteurs méconnaissent la réalité. Sont-ils allés voir dans les cabinets de gestion quel usage est fait des dépôts lorsqu’un locataire quitte son logement et qu’il faut corriger les effets de l’usure ou ceux de la dégradation ? »
Et la Fnaim de rappeler la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs, « plusieurs fois ajustée et améliorée [qui] a posé des règles claires », tout en soulignant le rôle important et du gestionnaire et du propriétaire : « Le dépôt de garantie est séquestré par les professionnels sur un compte dûment assuré, et il a vocation à financer les déprédations estimées par comparaison entre le constat d’état des lieux d’entrée et le constat de sortie. Seul le gestionnaire peut apprécier à cet égard si le dépôt de garantie peut être rendu et dans quelle proportion. Seul le propriétaire peut décider de l’usage à faire de ce dépôt, certainement pas les teneurs d’un fond… [le Conseil général de l’environnement et du développement durable] occulte la fonction de ces sommes et le processus juridique et technique précis attaché à leur conservation, à leur utilisation ou leur restitution. Il oublie enfin les avancées de la loi Alur, qui a codifié l’estimation de la vétusté, sujet de différends auparavant… »
Et Jean-François Buet de conclure en appelant purement et simplement à oublier ce rapport : « En somme, il est urgent d’enterrer cette proposition qui exhume une conception dépassée des relations entre propriétaires et locataires, que les gestionnaires professionnels contribuent à fluidifier avec succès dans le parc privé. »
Même si Emmanuelle Cosse a demandé aux services d’assurer la traduction du rapport pour un projet de loi à proposer dans les travaux parlementaires à venir, il semble plus que probable que la prochaine Assemblée nationale élue en juin prochain ne se penchera pas sur ces travaux en priorité…
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