L’investissement immobilier, une aide directe à l’économie réelle
Si les SCPI sont aujourd’hui bien présentes dans le paysage des placements et du conseil en gestion de patrimoine (CGP), il n’en a pas toujours été ainsi. Au début des années Quatre-vingt, Guy Marty les a fait connaître par des centaines d’articles et un livre, et a lancé pour elles l’expression de « pierre-papier » rapidement entrée dans le langage courant. Puis, en 1986, il crée l’IEIF dont il est aujourd’hui le président d’honneur, qui a contribué à les institutionnaliser. En 2012, il lance les Assises de la pierre-papier. Comment voit-il aujourd’hui l’avenir des SCPI ?
Profession CGP : Pouvez-vous résumer en quelques points l’aventure des SCPI ?
Guy Marty : Comme toute innovation, les SCPI sont passées par trois phases : d’abord ridicules, puis dangereuses, enfin évidentes. Au début, quand j’ai avancé l’idée que les SCPI pourraient un jour devenir la façon normale de pratiquer le placement immobilier, cela paraissait un rêve inoffensif. C’est d’ailleurs pour cela qu’à l’époque j’ai pu écrire partout, aussi bien dans la presse économique que grand public.
Mais elles ont commencé à se développer, et là elles sont devenues dangereuses. Ce serait une longue histoire, près de vingt années riches de péripéties, de difficultés, d’entraves… Se souvient-on, par exemple, que la première version de la loi de 2005 créant les OPCI prévoyait la disparition des SCPI ? Mais les professionnels qui les géraient et ceux qui les distribuaient avaient tenu bon, et elles avaient le plus robuste des arguments : elles n’avaient cessé d’attirer des particuliers. Puis, la crise de 2008 est arrivée. Des arrogances se sont effondrées, et enfin, en 2014, la régulation européenne sur les fonds d’investissements alternatifs (FIA) leur a apporté la légitimité par la banalisation dans un statut commun.
Aujourd’hui, les SCPI sont évidentes. Elles ont acquis leurs lettres de noblesse dans la gestion d’actifs, et les professionnels sont enfin reconnus et respectés, comme ils auraient dû l’être depuis longtemps. Nous avons changé d’époque.
PCGP : Justement, n’est-on pas en train de passer d’un extrême à l’autre, avec une collecte qui devient trop rapide ?
G. M. : Il est vrai que la collecte s’est accélérée ces dernières années. Mais aujourd’hui les SCPI capitalisent seulement près de 50 milliards d’euros ! C’est très, très peu par rapport à l’immobilier détenu par les particuliers. Par rapport aux placements financiers aussi.
Imaginons, je reviens à ma vision de départ, que la SCPI – d’ailleurs aux côtés des OPCI – devienne aussi courante pour le placement immobilier que le livret A pour les dépôts à court terme. Pourquoi n’iraient-elles pas à cent, deux cents milliards ou plus de capitalisation ? Ce serait très utile pour le marché immobilier, qui a des besoins considérables dans l’économie d’aujourd’hui.
PCGP : Pourtant, selon le gouvernement actuel, l’heure est plutôt aux investissements productifs, c’est d’ailleurs ce qui justifie la création de l’impôt sur la fortune immobilière.
G. M. : L’argumentation de cet impôt est catastrophique. Qualifier l’immobilier de placement stérile ou non productif est une contre-vérité pure et simple. Pendant les Trente Glorieuses, la formidable croissance est venue de plusieurs facteurs – progrès technique, démographie, ouverture des frontières européennes – et a permis à de nombreux ménages français de mieux se loger. L’immobilier n’était pour rien dans la croissance, et à l’inverse l’épargne engouffrée dans cette direction était indisponible pour l’investissement des entreprises. C’est à ce moment-là qu’est né le qualificatif de placement stérile. Mais les Trente Glorieuses sont achevées depuis plus de quarante ans et l’économie n’est plus la même !
Désormais, l’un des grands enjeux est la réduction des dépenses énergétiques : où pourra-t-on les réduire sinon là où l’on travaille, là où l’on habite, là où l’on fait ses courses ? Des investissements sont nécessaires vers l’immobilier, avec en bénéfice un sursaut de productivité – moins de dépenses pour le même service ou la même activité –, et des métiers et des emplois nouveaux. De plus, le basculement démographique avec l’augmentation du nombre de personnes âgées suscite l’émergence de toute une économie de services qui nécessite des investissements immobiliers adaptés.
Autre enjeu, l’adaptation de notre société aux transformations nées de la vague de digitalisation : un immobilier dynamique est nécessaire pour accompagner, soutenir, loger les nouvelles formes de travail et d’activité. Enfin, on sait aujourd’hui que ce sont les métropoles – où se rencontrent capital, travail et innovation – qui tirent la croissance. Il faut donc les transformer, les adapter, bureaux, logements, commerces et infrastructures tout ensemble.
Bref, l’immobilier est désormais au cœur de la vitalité économique et de la croissance. Tout investissement vers l’immobilier est une aide directe à l’économie réelle.
PCGP : Pour revenir aux SCPI, comment voyez-vous leurs chances et leurs risques pour l’avenir ?
G. M. : Dans une optique de long terme, il vaut mieux arrimer son épargne à l’économie réelle. Il est difficile de dire où en seront dans dix ou quinze ans les taux d’intérêt, l’inflation, la résolution des endettements publics ou la croissance, mais accompagner de près la vie des entreprises et des particuliers est un pari raisonnable. En ce sens, les SCPI ont toute leur place dans la gestion de patrimoine. Des risques il y en a, bien sûr. J’en mentionnerai deux. Le premier, c’est la tentation du court terme. Aujourd’hui, la concurrence se fait sur les rendements. Puisque les immeubles devront pouvoir s’adapter toujours plus dans une économie en mutation, la sagesse voudrait que l’on fasse plus de réserves que par le passé en prévision d’une meilleure préservation du capital. Mon avis est que les sociétés de gestion comme les conseillers devraient ensemble infléchir l’arbitrage entre le présent et l’avenir.
Le second risque provient précisément du succès des SCPI. Est-on sûr que tous les clients ont bien compris ce qu’ils achètent ? Il est classique de dire que les particuliers n’achètent jamais la Bourse, mais la hausse de la Bourse. C’est pour cela qu’ils vendent massivement à la baisse, donc au mauvais moment. Les SCPI courent un risque du même ordre aujourd’hui : les particuliers achètent le rendement, ou la sécurité, au lieu d’acheter l’immobilier et l’intérêt d’une partie immobilière dans le patrimoine. Sur ce malentendu, on pourrait avoir des déconvenues au premier choc de marché, et l’on sait que l’histoire économique et financière est loin d’être un long fleuve tranquille… Il faudrait donc accentuer fortement l’effort pédagogique, travailler à élever le niveau culturel en matière d’économie, de logique des placements, d’équilibre patrimonial : tout le monde y gagnera, à commencer par les conseillers qui auront un dialogue plus riche avec leurs clients. Mais aussi, la croissance des SCPI se fera sur des bases saines, et elles pourront gagner en importance, être utiles économiquement à grande échelle et rendre un immense service à l’épargne française.
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