Dégager des liquidités à l’aide du crédit hypothécaire
Par Jean-Baptiste Monié, dirigeant de Carte Financement
Se dégager des liquidités pour investir à l’étranger, pour racheter une soulte ou encore pour disposer de liquidités, tel est l’intérêt du crédit hypothécaire. Pour pouvoir y prétendre, encore faut-il en maîtriser les contours.
Un crédit immobilier est en général octroyé par un établissement financier prêteur en prenant une garantie sur le bien immobilier financé afin de couvrir un éventuel défaut de paiement de l’emprunteur qui est également souvent caution personnelle. Pour ce faire, l’établissement bancaire peut opter pour une garantie auprès d’une société de cautionnement (le Crédit logement ou la Saccef pour Société d’assurance des crédits des Caisses d’épargne de France), un privilège de prêteur de deniers (PPD) ou une hypothèque sur le bien objet du financement.
Le prêt hypothécaire : modalités de fonctionnement
Dans le cadre d’un prêt hypothécaire, le crédit est garanti par un bien immobilier dont l’emprunteur est déjà propriétaire. Le principe est le même que pour un crédit immobilier traditionnel, c’est-à-dire qu’en cas de défaut de paiement de l’emprunteur, l’établissement prêteur saisit le bien immobilier hypothéqué et le met ensuite en vente afin de rembourser le crédit, les intérêts restants dus et les frais de recouvrement.
Il est également possible de nantir des actifs financiers (assurance-vie, actions, obligations, etc.) pour garantir le prêt et bénéficier d’une solution de financement souvent court terme. Dans ce cas, on parle de crédit lombard ou avance patrimoniale. L’idée est la même que pour un prêt hypothécaire : mobiliser un patrimoine mobilier existant pour en dégager des liquidités. Il peut arriver qu’une banque octroie un crédit hypothécaire (in fine ou amortissable) en nantissant également des actifs financiers (assurance-vie, compte-titres, etc.) en plus de l’hypothèque. Dans le cadre du crédit hypothécaire, les fonds empruntés peuvent être destinés à réaliser de nombreux projets, immobiliers ou non.
Le crédit hypothécaire affecté
Lorsque le crédit hypothécaire est affecté, les banques parlent en général de « garantie déplacée ». La garantie déplacée permet d’effectuer le paiement d’une soulte ou d’une taxe, d’acquérir un bien immobilier à l’étranger ou de financer des travaux, par exemple. Toutes les banques ne financent pas ces opérations qui demandent une certaine expertise.
Lors de l’octroi d’un prêt hypothécaire, et comme pour toute opération, l’établissement prêteur souhaite s’assurer de la destination des fonds. En effet, les banques sont soumises à une forte réglementation et il leur est indispensable de savoir quels projets elles financent. Elles s’assurent ainsi que les fonds débloqués ne servent pas à financer une activité illicite (terrorisme, contrebande, etc.).
L’achat à l’étranger
Dans le cadre de l’acquisition d’un bien à l’étranger, souscrire à un prêt hypothécaire en France sans passer par une banque locale permet d’éviter diverses problématiques, comme la barrière de la langue. De plus, les démarches et délais administratifs dans le pays de l’investissement peuvent être complètement différents des nôtres. En matière immobilière, les délais de réflexion et le droit de rétractation n’existent par exemple pas dans tous les pays.
Pour s’assurer de l’affectation des fonds lors d’un achat à l’étranger, l’établissement financier débloque en général la somme empruntée sur le compte bancaire de l’étude notariale ou de l’avocat en charge de la transaction. Les banques sont d’autant plus méfiantes lorsque l’acquisition immobilière s’effectue dans un pays au sein duquel la situation géopolitique est instable. En envoyant les fonds sur le compte d’un notaire ou d’un avocat, elle se prémunit ainsi contre toute utilisation frauduleuse de la somme empruntée.
Il est à noter que le bien immobilier apporté en garantie dans le cadre d’un prêt hypothécaire doit être situé sur le territoire français. Il est souvent impossible d’apporter en garantie un bien détenu dans un pays étranger (par exemple dans le même pays que celui de l’investissement objet du prêt). Réaliser un crédit hypothécaire en prenant une garantie à l’étranger nécessiterait que la banque française maîtrise le droit local en matière d’urbanisme, de crédit, de sûreté, entre autres, et bénéficie de la licence pour faire cette opération de crédit. Bien que de nombreuses banques françaises aient des filiales ou succursales à l’étranger, elles restent complètement indépendantes et coopèrent peu, voire pas du tout.
Bien que la grande majorité des banques françaises n’octroient pas de crédit en prenant une garantie dans un pays étranger, certaines banques privées internationales ont des départements spécialisés capables de prendre des garanties hypothécaires dans de nombreux pays d’Europe. Dans ce cas, il faut que le client soit éligible aux critères d’entrée en relation commerciale avec la banque privée et puisse apporter au minimum entre 500 000 et 1 million d’euros d’épargne au sein de l’établissement prêteur.
Le rachat de soulte en cas de succession ou de séparation
En cas de succession, de divorce ou de séparation, le rachat de soulte permet à la personne qui souhaite conserver un bien immobilier acquis en commun, de racheter les parts des autres indivisaires. De cette façon, la personne devient seule et unique propriétaire du bien et met un terme à l’indivision.
Pour calculer cette soulte, dans un premier temps il est indispensable d’estimer la valeur actuelle du bien immobilier à l’aide d’un professionnel du secteur, comme un notaire ou un agent immobilier. Une fois cette estimation faite, il faut également anticiper un éventuel rachat du prêt immobilier en cours si jamais le bien a été financé à l’aide d’un emprunt dans le cas d’une séparation (divorce, Pacs, etc.). S’il s’agit d’une succession, le remboursement du capital restant dû est souvent pris en charge par l’assurance-emprunteur du défunt. Le notaire rédige ensuite un projet de licitation dans lequel il définit la valeur de la soulte. La soulte correspond à la quote-part de la valeur nette du bien immobilier et elle est définie de cette façon : (valeur du bien - le crédit restant) x la quotité du bien à racheter. Dans ce cas, le prêt hypothécaire permet de financer le rachat de soulte et les divers frais qui en découlent, comme les frais de notaire liés à la rédaction d’un nouvel acte notarié, les droits de partage, ou encore les éventuels droits de succession à régler à l’Etat.
En prenant en compte la totalité des éléments qui constituent les frais de notaire pour un rachat de soulte, les frais correspondent plutôt à 7 ou 8 % du montant de la soulte. En revanche, lorsque l’opération de rachat de soulte porte sur un bien neuf de moins de cinq ans, le montant des frais de notaire est fortement, réduit puisqu’il est compris entre 2 et 3 % du montant de la soulte.
Le démembrement
Bien que cela soit techniquement possible, les banques refusent en général de prendre la nue-propriété d’un bien en seule et unique garantie dans le cadre d’un emprunt. Il en est de même pour l’usufruit. De ce fait, le financement à crédit d’un bien immobilier acquis en démembrement (comme un appartement ou une maison en viager) est impossible. La solution consiste à souscrire à un crédit hypothécaire avec une garantie déplacée sur un bien immobilier du patrimoine existant de l’emprunteur.
Le crédit hypothécaire non affecté
Lorsqu’il n’est pas affecté, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de motif précis justifiant le prêt, le crédit hypothécaire est bien plus complexe à obtenir. En effet, les banquiers ne sont pas friands de ce genre d’opérations qui visent à générer un surplus de trésorerie de manière ponctuelle et dont la destination des fonds est floue. L’idée est de préserver l’épargne de l’emprunteur en débloquant des fonds qui aideront ce dernier à conserver son niveau de vie ou à constituer un apport pour de potentielles opportunités d’investissement (un projet immobilier ou un investissement dans une société non cotée, par exemple).
Le prêt hypothécaire non affecté est un outil intéressant permettant d’investir de manière opportune dans des projets présentant des rendements attractifs ou de développer son patrimoine personnel au travers de l’acquisition d’œuvres d’art, de voitures de collection ou tout autre bien de valeur.
Les caractéristiques du prêt hypothécaire
En premier lieu, pour bénéficier d’un prêt hypothécaire, il est nécessaire d’être détenteur du bien hypothéqué en nom propre et non au travers d’une personne morale, par exemple une SCI. Si le bien est détenu via une société (SCI ou autre), le crédit hypothécaire devra être octroyé à la société et il faudra s’assurer qu’il est possible de sortir les fonds de la société.
Les établissements bancaires s’intéressent au ratio hypothécaire qui représente le rapport entre le montant du prêt et la valeur du bien. Ce ratio doit au minimum être de 70 % pour que la banque ait une marge suffisante en cas de vente du bien hypothéqué. Attention, contrairement aux idées reçues, le seul calcul de ce ratio ne suffit pas à déterminer la faisabilité du projet.
En effet, comme pour tout crédit, la banque étudie la capacité d’endettement de l’emprunteur en analysant minutieusement ses revenus et charges. Le taux d’endettement rapportant les charges financières aux revenus mensuels, relevé en début d’année par le Haut conseil de stabilité financière à 35 % (assurance comprise) des revenus, est donc applicable même dans le cadre de prêts hypothécaires.
Si le bien immobilier hypothéqué a été financé à crédit et que ce crédit n’est pas entièrement remboursé, la banque octroyant le crédit hypothécaire rachètera également le crédit en cours. Dans ce cas, si la banque prête 70 % de la valeur du bien et qu’il reste un crédit à hauteur de 20 % de la valeur du bien, les liquidités dégagées seront de l’ordre de 50 % de la valeur du bien. La quotité de financement est déterminée en se basant sur une évaluation du bien immobilier qui sera réalisée par un expert évaluateur immobilier et qui dépendra de divers facteurs comme la localisation géographique, l’usage (résidentiel ou commercial), la qualité de ses prestations…
L’emprunt s’étend sur des durées allant de deux à quinze ans. Pour des durées très courtes (deux ans), on parle alors de crédit-relais.
Dans le cas de prêt hypothécaire sur dix ou quinze ans, il peut s’agir aussi de prêt in fine (dans ce cas, l’emprunteur ne rembourse que les intérêts du crédit mensuellement ou trimestriellement) ou amortissable. Dans le cas d’un crédit in fine, le capital emprunté est, lui, remboursé à l’échéance du prêt. Dans des cas exceptionnels, les établissements financiers peuvent intervenir sur des durées d’emprunt supérieures à quinze ans.
Les taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire peuvent être fixes ou variables ; mais dans la pratique, ils sont le plus souvent fixes. Ils sont légèrement plus élevés que les taux d’un crédit immobilier traditionnel.
Ces taux varient selon qu’il s’agit d’une banque spécialisée dans le crédit hypothécaire ou non. Les spécialistes pratiquent des taux plus élevés (proches du taux d’usure), mais n’exigent pas de contreparties comme la domiciliation des revenus ou l’ouverture d’un compte.
Les frais liés à l’hypothèque sont d’environ 1,5 %. Il faudra également prévoir les frais de mainlevée pour lever l’hypothèque en cas de revente anticipée du bien immobilier, ainsi que des pénalités de remboursement anticipé. Depuis le 1er janvier 2021, les frais de mainlevée sont devenus très faibles, de l’ordre de 0,10 % du montant du prêt d’origine majoré de 20 % (0,05 % pour la contribution de sécurité immobilière + 180 € + 25 € pour le Trésor + les débours d’environ 200 €). Ce montant a presque été divisé par cinq et devient donc négligeable.
D’une banque à l’autre, d’une région à l’autre, les critères d’acceptation des biens hypothéqués ne sont pas les mêmes. Certaines refusent les résidences principales pour ne pas mettre l’emprunteur dans une situation délicate si jamais ce dernier ne parvient plus à régler les échéances du prêt, d’autres n’acceptent pas les investissements locatifs en garantie. Les crédits hypothécaires réalisés dans un cadre professionnel sont souvent appréhendés avec plus de souplesse par les banquiers des départements entreprises et professionnels que par ceux en charge des projets des particuliers. Les banques privées peuvent intervenir au cas par cas sur ce genre d’opération, mais il faut qu’elles y trouvent un intérêt commercial. L’emprunteur doit généralement fournir des contreparties, comme le nantissement d’une partie des fonds débloqués afin de réaliser un placement financier au sein de la banque privée.
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