Bruno Zaraya (Ginjer AM) : « Une exposition aux actions proche de 80 % »
Bruno Zaraya, directeur commercial de Ginjer AM, nous expose le positionnement actuel de l’unique fonds de la société, Ginjer Actifs 360, dont l’exposition aux marchés actions est restée très élevée et orientée value malgré les fortes secousses de la fin d’année dernière.
Quel regard portez-vous sur les évolutions de marché en 2018 et le rebond de ce début d'année ?
Bruno Zaraya : Les marchés actions ont dû faire face à de nombreux vents contraires tout au long de l’année 2018. Rongés par des incertitudes économiques croissantes et fragilisés par l’accumulation de risques (géo)politiques divers et variés, souvent imprévisibles (Brexit, budget italien, barrières douanières, assignation à résidence du pasteur américain en Turquie, assassinat du journaliste saoudien en Turquie, gilets jaunes en France, arrestation de la DAF de Huawei au Canada, tensions entre Trump et Powell, démission du secrétaire à la Défense américaine, etc.), les investisseurs ont progressivement fui le risque, anticipant une accélération du ralentissement de la croissance mondiale, allant même jusqu’à envisager une récession pour 2019. Mais les faits sont têtus : si la dynamique est négative, les niveaux des principaux indicateurs économiques restent très corrects. Cela s’est traduit sur les marchés en 2018 par une dynamique intermittente, avec quelques moments de calme, entrecoupés de périodes de forte aversion au risque, voire de capitulation.
Dans cette phase agitée de transition d’une économie administrée par les banquiers centraux vers une économie de nouveau dirigée par les fondamentaux, nos indicateurs de risque propriétaires sont restés relativement stables à un niveau très bas (le risque Italien est par exemple passé de 0 à 2 en mai et est resté stable depuis lors), suggérant que le scénario central reste bien celui d’une croissance moyenne à faible selon les zones, mais durable. De nombreux effets le plus souvent techniques sont bien venus peser – parfois très fortement – sur les marchés, mais sans pour autant générer des effets de contagion significatifs.
Le rebond entamé par les marchés depuis le début de l’année nous conforte dans le scenario d’une croissance durable, mais surtout sur l’impossibilité de faire du « tactique » sur les marchés.
Nous sommes face à un marché qui est en forte hausse à mi-février, alors même que nous n’avons pas de réponses aux questions de 2018, à savoir sur le Brexit ou encore les négociations commerciales USA-Chine.
Comment cela se traduit-il dans votre fonds ?
En l’absence de changement de paradigme, nous avons donc fait le dos rond, conscients de notre possible sous-performance, mais convaincus que comme en 2014 (octobre) ou en 2016 (février, juin, octobre), la moindre nouvelle moins mauvaise qu’attendue, entraînerait une prise de conscience violente de l’exagération du phénomène en cours. Les derniers jours de l’année montrent, d’ailleurs, qu’un simple tweet peut brutalement inverser la dynamique du marché.
Nous maintenons donc qu’en dépit des risques qui s’empilent, les corrections observées sur les marchés sont très largement exagérées. Les fondamentaux économiques tiennent. Dans ce contexte chahuté nous avons conservé l’exposition agrégée du fonds aux actions proche de 80%. Nous avons gardé le cap !
Et dans votre stock-picking ?
Le taux de rotation du portefeuille de Ginjer Actifs 360 est globalement faible, entre 10-35 % par an ; en 2018, il tournait autour de 10 % pour toutes les raisons évoquées plus haut. Nous achetons des sociétés pour plusieurs années, pas pour une semaine : nous ne sommes pas des traders.
L’enjeu pour nous est de donner (chaque jour) un prix aujourd’hui pour demain… Nous avons 26 titres essentiellement sur des valeurs cycliques et bancaires.
Nous considérons que tout au long de l’année 2018, les investisseurs n’ont acheté qu’un scenario de peur, surtout à partir du mois de juin. La pression vendeuse sur les valeurs cycliques a, selon nous, largement dépassé le risque réel. Nous avons d’ailleurs au second semestre renforcé certaines valeurs cycliques, comme Saint-Gobain ou Michelin.
Les résultats affichés début 2019 ont rassuré les investisseurs. Le pire n’était pas certain, mais parfois anticipé. C’est bien là le sujet de nos outils de lecture de risque. Si Michelin sur ces résultats peut rebondir de plus 10 %, tout en annonçant rien de mirobolant, c’est bien que le risque anticipé était trop élevé.
Nous nous attendons encore à un important rattrapage sur les valeurs cycliques, mais aussi sur les valeurs bancaires, deux secteurs où les compressions de valorisation ont été très fortes.
Dans ce contexte, comment avez-vous communiqué auprès de vos clients ?
Nous n’avons pas changé de discours, comme nous ne l’avions pas changé en 2014 et en 2016... Si nous avons créé Ginjer, c’est parce que nous avions des choses différentes à dire : à court terme cela ne change rien, mais sur un cycle économique cela change tout. Nous cherchons à rester le plus cohérent possible en communiquant au moins une fois par mois dans le cadre de notre « 5/15 » pour expliquer notre analyse contrariante dans la continuité.
Notre discours est construit autour de deux piliers : l’un fondamental et l’autre lié à l’analyse des interactions entre actifs qui donnent une vision plus claire sur l’apparition de risques systémiques. Tout au long de l’année 2018, nous n’avons pas vu de risque systémique et nous avons considéré que même avec un léger ralentissement, la croissance resterait robuste.
Ce discours a été renforcé par l’ensemble des données macroéconomiques et microéconomiques tout au long de l’année 2018.
Nous avons donc intensifié notre présence commerciale via des réunions, rendez-vous, conf call ou tout autres outils nous permettant d’être au plus près de nos clients.
La force d’une stratégie, surtout si c’est l’unique stratégie de l’entreprise, est de pouvoir garder un cap face à des vents contraires en s’assurant de deux choses :
- les vents ne casseront pas le bateau ;
- le temps sera vite plus clément.
Un mot sur vos encours ?
Nos encours hors effet de performance sont restés stables à 360 millions d’euros. Nos clients nous font confiance et depuis 2016 utilisent de plus en plus notre analyse des risques.
Comptez-vous lancer un nouveau fonds ?
Nous n’avons pas de projet immédiat. Bien sûr des questions se posent et des réflexions ont lieu. Mais l’enjeu premier est de rester concentrés sur notre unique stratégie afin de montrer que ce choix apporte un très bon couple rendement/risque sur un cycle économique et que face à toutes les exagérations court-termistes que nous connaissons sur les marchés financiers, notre analyse innovante soit une solution crédible en analyse des risques réels dans la durée.
Ainsi, par exemple, si on intègre une année 2018 qui fut extrêmement difficile, la performance de Ginjer Actifs 360 sur trois ans reste l’une des meilleures de sa catégorie.
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