Annonces de Michel Barnier : une bouffée d’air pour l’immobilier ?

Par : Paola Feray

Dans son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale le 1er octobre, le Premier ministre a parlé de l’immobilier au fil d’acronymes comme DPE, PTZ, ZAN, et d’allégement souhaité des normes de construction… Il était temps que le logement et l’immobilier redeviennent des politiques prioritaires, et les professionnels semblent apprécier.

A chaque nouveau gouvernement constitué ces dernières années était systématiquement oublié un ministère dédié au logement. Cette fois, c’est une ministre de plein exercice, Valérie Létard nommée au logement et à la rénovation urbaine, que le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, a annoncé le soir du 21 septembre à la lecture de la composition gouvernement de Michel Barnier.

Et mardi 1er octobre, lors du discours de politique générale du Premier ministre à l’Assemblée nationale, cette inflexion s’est confirmée à l’annonce d’une véritable politique du logement, précise et détaillée, face à un secteur en crise, que la baisse – certes bienvenue – des taux d’intérêt ne suffira pas à soulager. « Enfin, le logement semble redevenir une réelle priorité pour le gouvernement, Michel Barnier en ayant fait le deuxième de ses sept axes d’urgence, se réjouit Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). Cela démontre une réelle prise de conscience de l’urgence à agir et réagir, et c’est une bonne nouvelle ! »

La Fnaim salue notamment l’annonce quant à « la nécessaire adaptation du calendrier de la rénovation énergétique, reprenant les actions conduites par la Fnaim depuis maintenant plus de deux ans ». La Fédération nationale de l’immobilier rappelle l’urgence de revoir l’indécence programmée au 1er janvier 2025, dans les plus brefs délais : « Il convient de reprendre la proposition de loi du député Guillaume Vuilletet, qui visait à n’appliquer l’indécence qu’au moment de la conclusion d’un nouveau bail ou son renouvellement », rappelle Loïc Cantin.

 

Relancer l’accession à la propriété

Autre annonce phare : le prêt à taux zéro, le fameux PTZ qui avait été recentré sur les zones tendues et aux appartements, en contrepartie de plafonds de ressources et de quotités finançables revus à la hausse, va être étendu à toute la France pour relancer l’immobilier neuf et l’accession à la propriété. Destiné aux primo-accédants, son montant demeurera sans doute soumis à des conditions, comme la composition et les ressources du foyer. « Nous ne pouvons qu’être satisfaits des annonces concernant l’extension du prêt à taux zéro (PTZ) sur l’ensemble du territoire pour les primo-accédants, qui devrait pouvoir profiter tant au neuf qu’à l’existant, ainsi que la restauration d’une offre locative à la hauteur des enjeux et des besoins que connaît la France aujourd’hui », ajoute Loïc Cantin.

Norbert Fanchon, le président du groupe Gambetta, se montre, quant à lui, plus dubitatif : « La formule est prometteuse certes, mais elle sonne creux tant elle est vague. L’étendre à l’ensemble du territoire est louable, mais cela va-t-il concerner la maison individuelle qui, rappelons-le, est exclue du PTZ depuis cette année ? Cela va-t-il concerner l’ancien qui, pour le moment, est cantonné aux zones détendues ? Est-ce que cela va concerner le neuf qui, lui, n’est éligible au prêt sans intérêts qu’en zones tendues ? Pour le moment, nul n’est en mesure de répondre… Et surtout, avec quels moyens financiers appliquer cette mesure dans un budget que l’on sait extrêmement contraint, car il ne vise pas moins de 60 milliards d’économies ? Le recentrage du PTZ l’an dernier a été un véritable “coup de fouet” pour les bénéficiaires qui ont eu accès à une aide de l’Etat comprise entre 5 000 et 40 000 € par achat immobilier. L’extension du PTZ va impliquer d’augmenter la somme qui lui est allouée (800 millions d’euros en 2024). Il va falloir, au prix d’un numéro d’équilibriste, trouver au moins 750 millions d’euros dans le budget 2025, si le Premier ministre veut que sa décision impacte le marché immobilier… »

 

Un DPE adapté et simplifié

Michel Barnier a également annoncé que le diagnostic de performance énergétique (DPE) serait « simplifié » et son calendrier « adapté ». Car 2025 verra l’interdiction de location des biens classés G pour les baux nouveaux, renouvelés et reconduits. Les prochaines échéances sont 2028 et 2034 pour les biens respectivement classés F et E.

Sylvain Lefevre, président de Synergiec, IOBSP dédié à la rénovation énergétique, se montre rassuré. Il appelle à « une stabilisation des crédits alloués à la rénovation. Nous sommes à la veille d’un afflux de rénovations et de demandes de subventions à l’heure où la prédiction : “le logement va devenir une bombe sociale” est sur le point de se réaliser. Le secteur du bâtiment représentant 4 millions d’emplois directs et indirects non délocalisables, un coup de rabot sur les aides aurait un effet dévastateur avec un risque de recul économique dans les territoires de la France périphérique. Au-delà du “coût de l’inaction”, il est important de souligner qu’il faut voir les aides à la rénovation comme un investissement et non comme une dépense. Ces subventions génèrent des travaux et une manne fiscale non négligeable : TVA, impôt sur les sociétés, etc. Au regard des parcours et des premières annonces faites par les membres du gouvernement, nous espérons que les décisions financières de Bercy seront pragmatiques et cohérentes avec, a minima, une stabilisation des crédits alloués à la rénovation dans un contexte budgétaire que nous savons contraint ».

 

ZAN assouplie et normes de construction allégées

La loi zéro artificialisation nette, la loi ZAN, du 20 juillet 2023 vise à accompagner les élus locaux dans l’application de la loi Climat et résilience. Elle prévoit notamment un dispositif permettant que la consommation d’espaces naturels par les projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) soit comptabilisée au niveau national. Elle impose aux communes de réduire la surface qu’elle prélève sur les territoires naturels. Mais cette loi ZAN a alors donné lieu à une raréfaction du foncier. Michel Barnier a annoncé qu’elle sera assouplie.

Quant aux normes de construction dont les secteurs de l’immobilier et du logement sont pétris, elles devraient, elles aussi, être allégées.

Toutes ces mesures vont être précisées lors des prochaines semaines et sans doute aussi budgétisées – et là est le plus gros problème. Cependant, il était plus que temps de prendre à bras le corps cette crise de l’immobilier qui n’a que trop duré.

  • Mise à jour le : 04/10/2024

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