Mini-krach boursier: une simple baisse technique
Alors que les marchés financiers ont dévissé en début de semaine, plusieurs asset managers ont livré leur sentiment. Ils considèrent ce mouvement de marché comme un ajustement technique plutôt que comme une remise en cause des fondamentaux, et un moyen de saisir des opportunités.
Réactions en cascade
Chez Ofi AM, Jean-Marie Mercadal, directeur général délégué en charge des gestions, indiquait que « Wall Street est venue rappeler aux investisseurs que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » ; tandis que Generali Investments constate que « les marchés financiers sont en train de quitter le régime idéal de forte performance et faible volatilité. »
C’est l’emballement du VIX qui selon Jean-Marie Mercadal est « l’élément fondamental à prendre en compte » et dont la raison est « la sensation de la part de investisseurs que les Banques Centrales auraient peut-être minoré le risque d’inflation. Cette crainte ainsi que la hausse de la volatilité étaient deux éléments que nous avions pris en compte en début d’année lors de l’élaboration de notre scénario central et surtout de nos scénarios de risques. »
Chez Ofi, le scénario central n’a pas évolué, considérant que ces ajustements sont avant tout dus à des facteurs techniques : « la hausse subite de la volatilité va entraîner des ventes automatiques de la part de tous les fonds systématiques qui ne doivent pas excéder un certain niveau de volatilité. Ils seront alors contraints de se séparer de positions « actions » qui contribuent à augmenter leur volatilité et précipiteront alors les cours à la baisse en l’absence d’acheteurs structurels. »
Pour Generali Investisements, « il s’agit avant tout d’un « flash crash » sur la volatilité actions, causé par le débouclage forcé de stratégies vendeuses de volatilité, qui étaient populaires et jusqu’à présent rentables. » Tandis que « fondamentalement, la hausse des rendements obligataires depuis le début de l’année, qui reflète la forte croissance globale, la crainte d’un durcissement des politiques monétaires et un équilibre offre-demande moins favorable, a créé les conditions de cette correction sur les actions. Le rapport sur l’emploi américain publié le 2 février, et l’accélération des salaires, ont attisé ces tensions sur les taux. »
Selon Philippe Uzan, directeur des gestions, Benjamin Melman, directeur allocation d’actifs et dettes souveraines chez Edmond de Rothschild AM, et Richard Beggs, global head of investment strategy private banks investments & advisory chez Edmond de Rothschild partagent également ce sentiment : « La chute des marchés d’actions a été amplifiée par les stratégies vendeuses de volatilité VIX mises en place ces derniers mois. Beaucoup d’ETF et de fonds s’étaient récemment ouverts sur ce thème, voulant profiter de l’aubaine : la stratégie est très lucrative sauf dans les cas extrêmes où les pertes peuvent être considérables. Elle a été victime de son succès : le retour de l’incertitude sur les taux a fait baisser les marchés d’actions, et donc remonter la volatilité (VIX), ce qui a très vite conduit à des pertes sur ces stratégies qui ont été coupées, amplifiant donc la remontée du VIX et des pertes de ceux qui essayaient de maintenir leurs positions. Mardi matin, nous apprenions qu’un ETF basé sur cette stratégie fermait. Il est également probable que des fonds « risk parity », dont le niveau d’exposition dépend de la volatilité des derniers mois sur les marchés, aient été contraints de réduire leurs risques. »
Chez Oddo BHF AM, Nicolas Chaput et Laurent Denize, observent que « après un début d’année spectaculaire des actifs risqués et notamment des actions (MSCI World All countries + 5,6 % fin janvier), la rapide hausse des taux observée sur l’ensemble de la courbe américaine a perturbé les investisseurs. En effet en 3 mois la hausse de 60 bps sur les taux à 10 ans américains n’avait pas été compensée par une hausse de la prime de risque équivalente sur les marchés actions. Avec une baisse de près de 9% des actions américaines depuis leur pic le 26 janvier 2018, nous sommes tentés de dire que le rattrapage est fait. Ainsi avec un PE à 12 mois sur les bénéfices prévisionnels passant de 19 à près de 16 (compte tenu des révisions de bénéfices à la hausse) la prime de risque diminue de ... 60bps. »
L'inflation et volatilité sous surveillance
Dans ce contexte de « vente panique », Ofi compte saisir des opportunités d’investissement « pour renforcer la part actions des portefeuilles sous investis qui n’auraient pas profité de l’appréciation des indices au cours du second semestre 2017. » Toutefois, Jean-Marie Mercadal indique rester prudent et attentif aux prochaines publications, notamment sur « la vigueur de l’économie et à la hausse du salaire horaire américain. Ces chiffres seront scrutés à la loupe et toute indication laissant penser à un tour de vis plus appuyé de la part des différentes Banques Centrales sera synonyme de volatilité et sans doute de baisse sur les marchés. Après avoir tant craint un risque déflationniste, les marchés financiers, qui n’en sont pas à un paradoxe près, la redoutent désormais. »
Chez Generali, si la correction est jugée comme « une opportunité d’achat », on se veut prudent même si « le recul des rendements obligataires cette semaine et le débouclement massif des positions courtes de volatilité action sont des facteurs de stabilisation. » En effet, la société considère que « les flux massifs vers les ETFs actions en janvier pourraient être partiellement débouclés ; la volatilité action, désormais plus élevée, pourrait conduire les fonds de Risk Parity à réduire la voilure ; les hedge funds pourraient suivre. » Et de conclure : « Actuellement, tous les yeux sont tournés vers la volatilité action, mais il faut maintenant surveiller la volatilité taux comme le lait sur le feu. Toute hausse significative au cours de 2018 nous conduirait à réduire l’exposition au risque. »
Chez Oddo BHF AM, « la stratégie qui privilégie en ce début d’année les actions et limite au maximum la duration n’est pas remise en cause par ce développement de marché. » Néanmoins, Nicolas Chaput et Laurent Denize indiquent être « particulièrement attentifs à la vitesse de remontée des taux longs, aux signaux inflationnistes, aux indicateurs de risque (volatilité) et surtout aux flux des investisseurs qui guideront le « momentum » de marché. Mais le retour de la volatilité ne doit pas faire oublier l’essentiel : les fondamentaux des entreprises et de l’économie nous laissent présager des gains sur les résultats des sociétés qui devraient ainsi s’accommoder de la hausse des prix et des salaires. »
Les experts de chez Rothschild, s’ils restent attentifs à l’évolution de l’inflation estiment que « l’environnement est propice à revenir progressivement à l’achat sur les actifs risqués dans les portefeuilles. Nous nous attendions à une année plus volatile au cours de laquelle il faudrait être tactique. Les conditions sont réunies. »
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