IFI et dette relative à la résidence principale : une position illégale ?
Par Florent Belon, responsable expertise ingénierie patrimoniale d’Olifan Group
L’administration a énoncé dans un dossier de presse que la dette relative à la résidence principale devait être retenue pour seulement 70 % de sa valeur au prétexte que la résidence principale est évaluée avec une décote de 30 %. Cette position est contraire à celle retenue pour l’application de l’ISF (BOFiP-impôts BOI-PAT-ISF-30-60-30 n° 40).
Mais que dit la loi ?
L’IFI reprend la même rédaction des dispositions concernant l’abattement sur la résidence principale. Mais l’article 974 du Code général des impôts relatif à la déduction du passif n’évoque plus la notion d’ « exonération » au profit de celle de « fraction imposable ».
Abattement de 30 % : modalité d’évaluation simplifiée ou bien imposition partielle ?
Le point fondamental pour juger de la légalité de la position de l’administration refusant la déductibilité de 100 % de la dette est la suivante : l’abattement doit-il être considéré comme :
- une modalité d’évaluation de la résidence principale permettant de prendre en compte une décote liée à son occupation personnelle, et dans ce cas la dette doit être déductible à 100 % ;
- ou comme un avantage permettant une taxation partielle à hauteur de seulement 30 % de la valeur réelle ? Dans ce dernier cas on ne pourrait en effet que déduire 70 % de la dette.
La jurisprudence de la Cour de cassation et l’origine de l’abattement légal
Dans un arrêt du 13 février 1996, la Cour de cassation a énoncé dans l’affaire Fleury concernant l’impôt sur les grandes fortunes (IGF), ancêtre de l’ISF, que, pour la détermination de la base imposable, la valeur de l’appartement occupé à titre de résidence principale par son propriétaire doit tenir compte de la circonstance de fait résultant de cette occupation, alors que la loi prévoyait une imposition selon la valeur libre d’occupation (Documentation de base 7 S 351).
Par conséquent, l’administration énonçait suite à cet arrêt dans sa doctrine (Documentation de base 7 S 352) : « en matière d’ISF et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la valeur du logement occupé à titre de résidence principale par son propriétaire n’est pas remise en cause, pour l’ISF dû au titre de 1998 et des années antérieures, si l’abattement pratiqué à ce titre par le redevable n’excède pas 20 % de la valeur vénale du bien libre de toute occupation. »
Le sens de la loi, de par son origine, ne donne pas lieu à hésitation.
La position exprimée par l’administration est donc à notre sens illégale !
Citons le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, au cours des débats parlementaires (Sénat, séance du 23 novembre 2017) au sujet des règles de l’IFI : « Cet impôt sur la fortune immobilière, je le rappelle, ne fera aucun perdant. Il reprend exactement les règles de l’ISF sur le volet immobilier : même seuil et même abattement de 30 % sur la résidence principale. »
Que faire ?
L’administration ne s’étant pas prononcée dans un document ayant une valeur juridique, opposable, on ne pourra introduire un recours pour excès de pouvoir en vue de faire annuler la position administrative (CE, 12 juillet 2017).
Si l’administration en reste là, en énonçant des positions illégales non seulement dans un dossier de presse, mais également dans la notice IFI ou dans le précis de fiscalité (ce qu’elle n’a pas encore fait), cela peut lui permettre d’inquiéter le redevable sans craindre une défaite judiciaire en rase campagne à court terme.
La justice ne pourrait contredire l’administration que suite à une procédure judiciaire classique et forcément longue jusqu’à la Cour de cassation.
En revanche, si elle prenait cette position illégale dans le BOFiP ou une réponse ministérielle, un recours pour excès de pouvoir pourrait alors être introduit.
Nous invitons les parlementaires (encouragés le cas échéant par leurs administrés) à poser des questions écrites au ministre afin que soit cette position illégale soit abandonnée, soit que l’administration la maintienne et qu’elle puisse être annulée pour excès de pouvoir.
Nous conseillons aux redevables IFI ne craignant pas quelques échanges avec l’administration de ne pas appliquer d’abattement sur la dette de leur résidence principale.
Ils pourront, le cas échéant, réaliser une mention expresse dans leur déclaration, c’est-à-dire indiquer qu’ils ont déduit la totalité de leur dette. Ceci attirera l’attention de l’administration mais prouvera leur bonne foi, leur évitant ainsi des intérêts de retard en cas de redressement.
Les autres pourront appliquer l’abattement sur la dette en attendant que lumière officielle soit faite.
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