Le surprenant dynamisme de la profession de CGP
David Charlet fait le point pour Profession CGP sur le développement de l’Anacofi (Association nationale des conseillers financiers) qu’il préside depuis sa création en 2004. Au menu : arrivée d’une déléguée générale, afflux massif de nouveaux membres suite à la réforme du courtage, révisions des directives européennes ou encore état de santé de la profession.
Profession CGP : Vous venez de recruter Valéria Faure-Muntian en tant que déléguée générale. Pour quelles raisons ?
David Charlet : La création d’un poste de délégué général est une ambition que nous avions depuis de nombreuses années et qui était devenue indispensable depuis deux ou trois ans, eu égard à la taille qu’a atteinte l’Anacofi. Il nous fallait, en effet, nous appuyer sur un salarié de haut niveau qui vienne soutenir au quotidien les différents présidents de nos associations qui, outre la défense de nos métiers, et il convient de le rappeler, ont tous une activité professionnelle. Dès lors, tous nos secrétaires généraux, essentiellement bénévoles, vont progressivement lui passer la main. Valéria Faure-Muntian aura également pour mission d’assurer la gestion de la quarantaine de salariés que nous comptons.
Nous avons reçu plusieurs dossiers ces derniers mois. Le profil de Valéria Faure-Muntian était celui qui nous convenait le mieux pour devenir la cheville ouvrière de nos associations. C’est une ancienne professionnelle du secteur de l’assurance. Surtout, durant son mandat de députée, elle a été en charge du groupe « assurance » de l’Assemblée, et c’est elle qui a porté le texte sur la réforme du courtage d’assurances et de l’IOBSP. Durant les discussions, nous avons beaucoup échangé et appris à nous connaître. Nous avons soutenu ce texte, tout comme nous militons pour que ce schéma soit mis en place dans les autres pays européens via la Fecif. Elle a aussi beaucoup travaillé sur l’univers de la Tech et est présidente bénévole d’une association dédiée à ce secteur. Or, ces sujets sont d’importance aussi pour l’Anacofi, puisque nous sommes la seule association de conseillers en investissements financiers ayant un accord croisé avec Finance innovation, le principal pôle de compétitivité et labellisateur sur les technologies financières.
Justement, la réforme du courtage a été contestée avec un recours (vain) jusqu’au Conseil constitutionnel. Que retenez-vous de cet épisode ?
Que toutes ces actions nous ont fait perdre beaucoup de temps, à l’Anacofi, mais aussi aux confrères des autres associations professionnelles. L’incertitude que cela a créée dans l’esprit des courtiers a généré un retard important dans les demandes d’adhésion, et nous sommes arrivés au goulet d’étranglement que nous souhaitions éviter en communiquant sur la nécessité de prendre les devants dans les dépôts de dossiers de candidature… Ces dernières semaines, nos systèmes informatiques et nos salariés ont été mis à rude épreuve, avec plus de cent dossiers d’admission à gérer chaque semaine, et le rythme s’accélère encore… Mais cette réforme était indispensable pour accompagner les courtiers en assurance et intermédiaires en opérations de banque dans la mise en place de leurs process réglementaires et le maintien de leur niveau de compétence. Avec cet afflux de nouveaux membres, notre association a encore rapidement changé de dimension. Ainsi, au 31 décembre 2021, nous comptions trois mille trois-cent-quinze entreprises adhérentes à au moins une de nos différentes associations, et nous étions à plus de cinq mille cent sociétés adhérentes au 15 décembre dernier, alors que la période de renouvellement des inscriptions à l’Orias n’était pas encore terminée, donc que le rush des inscriptions n’était pas encore arrivé à son terme.
Cette obligation d’adhésion à une association professionnelle pour les courtiers et IOBSP explique-t-elle à elle seule cette forte poussée d’adhésions ?
Non, le marché des CGP est très dynamique, ce qui me surprend d’ailleurs. Le niveau de création de cabinets en gestion de patrimoine a été particulièrement élevé en 2022. On retrouve une grande diversité de profils d’adhésion : l’enregistrement de mandataires de cabinets, la création de structures au sein de réseaux, l’arrivée de nouveaux entrants (le plus souvent d’anciens salariés de banques, voire de banques d’affaires) ou encore des lancements de sociétés communes entre professionnels qui, au lieu de fusionner, s’associent autour d’un projet commun, tout en conservant chacun leur entité d’origine. Le marché de la finance d’entreprise est, lui aussi, particulièrement dynamique. Pour le compte de l’ACPR, nous avons réalisé un pointage entre le 1er avril et le 30 octobre dernier, c’est-à-dire entre le début de l’obligation pour les nouveaux courtiers d’adhérer à une association professionnelle et le moment où les demandes d’adhésions des courtiers ont commencé à affluer. Résultat : ce ne sont pas moins de cinq cents nouvelles sociétés qui ont rejoint l’Anacofi ou une de ses structures ! Il s’agit aussi bien de jeunes de moins de trente ans, en provenance d’établissements bancaires, mais aussi de profils plus seniors qui viennent de la banque d’affaires. Or ce ne sont pas que des professionnels concernés par la réforme du courtage. Par exemple, notre nombre d’adhérents CIF a progressé de 8 % entre le 1er janvier et le 30 octobre dernier.
Un mot sur le moral et la santé financière de vos adhérents ?
Nous n’avons pas encore les données financières de nos adhérents pour 2022. Néanmoins, on observe deux sentiments opposés. D’un côté, les professionnels de l’immobilier neuf et du courtage en crédit souffrent particulièrement, malheureusement, en raison des difficultés liées à l’accès au crédit et à la chute de l’activité des promoteurs immobiliers. Pour certains IOBSP, c’est même la débâcle. En immobilier neuf, on parle de baisses d’activité pouvant aller de - 10 % dans le meilleur des cas jusqu’à - 35 % ; et c’est pire pour les IOBSP… A l’Anacofi, nous poursuivons nos efforts pour que la profession soit défendue au mieux de ses intérêts, mais aussi pour fluidifier l’accès au financement des consommateurs par la défense de la réforme de l’assurance-crédit, mais aussi par des actions pour faire reconnaître le mandat de courtage donné par le client, auprès de la Banque de France, de l’ACPR et de Bercy, et à Bruxelles via la Fecif. D’ailleurs, de nouvelles règles sont à venir au niveau européen… Certains auront noté l’arrivée de l’UIC dans nos rangs, très active dans la défense des IOBSP. De l’autre côté, les professionnels de l’épargne semblent en meilleure forme, même si les affaires apparaissent difficiles à conclure. Toutefois, la baisse des encours constatée en 2022 due aux évolutions des marchés financiers a, hélas, effacé chez certains l’impact d’une collecte nette positive.
Au niveau européen, que peut-on craindre de la révision des directives ?
Pour la révision de la directive MIF, les débats autour du modèle économique restent ouverts, donc le risque d’une interdiction des rétrocommissions demeure. La perception de rétrocommissions est un débat qui est systématiquement rouvert par les Hollandais, poids lourd de la finance en Europe, soutenus par le parti écologiste, mouvement qui a le vent en poupe à Bruxelles actuellement. Il s’agit presque d’un dogme chez ces acteurs. Or on s’aperçoit qu’outre-Manche, le modèle du 100 % honoraires est remis en cause. On a également pu y observer qu’un client qui n’aurait pas accès au conseil réalise peu ou souvent de mauvais d’investissements, car d’abord attachés à l’avantage fiscal qui lui est accordé… Si cette échéance 2023 est franchie, les discussions seront closes pour un moment. Pour DDA, la question est de savoir si les règles applicables pour les CIF concernant la rémunération et la gestion des conflits d’intérêts seront dupliquées ou non. Or en France, nos dispositifs sont déjà alignés via les accords de place sur la transparence des frais dans les produits d’épargne assurantiels notamment. Enfin, nous restons attentifs aux autres textes qui, in fine, pourraient nous coloniser car touchent nos partenaires fournisseurs, mais aussi à ceux qui viendraient impacter l’univers de la Tech.
Quels sont les projets pour l’Anacofi en 2023 ?
Alors que 2022 a été l’occasion de redémarrer nos rencontres avec nos adhérents dans toutes les régions de France métropolitaine et en outre-mer, nous allons revisiter leur format et les intensifier. Ce sera aussi le cas pour les versions digitales. Face à l’afflux de nouveaux membres, nous nous interrogeons sur les modalités de la tenue de notre convention annuelle et de nos assemblées qui se tiendront, comme chaque année, en avril. La question principale est celle de la taille et du degré de digitalisation car nous aurons quasiment le double de membre comparé à l’année précédente. Par ailleurs, nos modules de formation vont être revus et complétés. Enfin, la nouvelle version de notre site Internet, dont le lancement a été retardé, devrait être prochainement disponible.
L’Anacofi se dote d’une déléguée générale
En fin d’année dernière, l’Anacofi a recruté une déléguée générale, Valéria Faure-Muntian. Elle aura pour vocation de remplacer progressivement les secrétaires généraux des différentes associations de l’Anacofi et d’accompagner leurs présidents. Cette nomination vient concrétiser la réforme de la gouvernance de l’Anacofi, entamée en 2019 et qui prévoyait la création de ce nouveau poste. Valéria Faure-Muntian est la députée ayant porté la réforme du courtage. Issue du milieu assurantiel et diplômée d’un MBA en Management stratégique et intelligence économique, elle est, par ailleurs, présidente bénévole d’une association de l’univers de la Tech. Pour l’association présidée par David Charlet, ce recrutement est considéré comme « un atout non négligeable » et marque « très clairement notre attachement tant à la réforme que nous accompagnons qu’à l’évolution actuelle de notre écosystème ». Elle va « devenir la courroie nécessaire entre l’équipe des salariés et celle des élus, déjà très structurée. Elle participera, en outre, à porter nos messages et deviendra rapidement l’une des chevilles ouvrières majeures de nos associations ».
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