L’interprofessionnalité, ça s’apprend

Par : edicom

Par Amandine Paulet, CGP fondatrice du cabinet Ampeg, présidente Auvergne Rhône-Alpes de la CNCGP, et Pascal Pineau, associé-fondateur de Métisse Finance

C’est l’histoire d’une rencontre entre un notaire et un conseiller en gestion de patrimoine, d’où naît l’idée d’une nécessaire interprofessionnalité pour que leurs confrères respectifs, à leur tour, cultivent cette évidence. Jusqu’à mettre en place une formation ouverte à toutes les professions du patrimoine.

Comme dans toute histoire qui fait son chemin, c’est avant tout une histoire d’hommes. Ici, en 2020, plus précisément d’un homme, un notaire, Maître Frédéric Aumont, président de la Chambre des notaires du Rhône, et d’une femme, Amandine Paulet, CGP fondatrice du cabinet Ampeg, présidente Auvergne Rhône-Alpes de la CNCGP. Tous deux font connaissance dans le cadre de leur mandat de représentation, s’apprécient et sont convaincus de la même idée du confort et de l’efficience de l’interprofessionnalité. Pas pour eux, mais pour que d’autres professionnels goûtent à cette fluidité entre clients et experts de métiers différents.

Cette envie de partager cet atout a nécessité de trouver d’autres acteurs. L’un, du fait de ses engagements pour cet accélérateur en tant que président de la CNCGP, Julien Séraqui. L’autre, pour son business model avec les groupes familiaux et son métier de formateur, Pascal Pineau, associé-fondateur de Métisse Finance. Ainsi, deux sponsors à forte notoriété et deux créateurs du stage pilote vont, en 2020, mettre leurs ressources au service du projet : rendre concret l’interprofessionnalité. Avec quelques contraintes pour la formation : l’opérationnalité des concepts et des outils, les échanges des trucs et astuces des participants, le respect des métiers respectifs.

Sitôt donc le module n° 1 terminé pour chacune des deux promotions de notaires et de conseillers, le module n° 2 était couché sur le papier (le Covid-19 a décalé son déploiement en 2022). CGP et notaires pouvaient jouer ensemble, monter sur scène, improviser leur réalité respective. Parallèlement, le besoin de cadrage pédagogique était nécessaire pour arriver à chaque fois à l’objectif escompté et complexifier peu à peu la situation jusqu’à se retrouver dans la vraie vie.

L’objectif était de transmettre aux professionnels du chiffre et du droit cette réalité : même s’ils travaillent chacun différemment, ils peuvent apprendre à travailler ensemble au cœur d’intérêts croisés : le client.

Alors, oui, il convient de sortir de sa zone de confort. Il ne faut pas se le cacher, ils sont des « sachants ». Les ego respectifs sont forts de part et d’autre, quels que soient le métier de conseil, le niveau d’expertise et la cible de clients.

 

Définir les enjeux

La réussite de l’interprofessionnalité ne se joue pas qu’au niveau des compétences. C’est aussi un savoir-être, une posture, un positionnement. Apprendre de l’autre n’est pas facile, et donner à l’autre non plus : c’est le prix à payer pour dégager une valeur ajoutée démultipliée.

D’ailleurs donne-t-on quelque chose à l’autre (un client, un dossier, une part de rémunération, etc.) ?

Peut-être faudrait-il mieux le voir comme un partage de missions où chacun excelle dans son cœur de métier, avec un échange pluridisciplinaire pour ajuster les prestations de chacun…

Prouver que l’on peut gagner plus, tous ensemble – clients et experts –, sans surcoût supplémentaire pour le client, c’est notre ligne de conduite et celle du cursus que nous avons créé qui verra le jour en 2025.

 

Proposer un vrai cursus

Y seront présentés les fondamentaux d’une réussite et surtout la mise en œuvre et la projection de celle-ci. Les apprenants du cursus seront acteurs, ils enrichiront les approches, ils apporteront le meilleur d’eux. Ils l’ont déjà fait dans les modules pilotes de 2020 à 2023. C’est une certitude. Tous les participants étaient ravis d’un tel métissage aux riches liens, aux pratiques nouvelles et inspirantes.

Mais il faudra aller plus loin. La capacité, c’est le savoir théorique ; et la compétence, c’est la capacité éprouvée par l’expérience renouvelée. La promesse que ce soit possible de travailler ensemble n’était pas suffisante. Il fallait ancrer des pratiques, développer l’opérationnalité du terrain et les sortir les professionnels de leur zone de confort.

L’engagement de chacun et des apports métiers, utiles pour comprendre la contrainte de l’autre, ont surpris. Fort de ces expériences, un cursus est en cours de finalisation. Celui-ci est organisé selon les trois axes suivants :

- apport théorique pour rester dans la réalité et les règles professionnelles ;

- sortie de la zone de confort par les échanges, les simulations et les débriefings ;

- apport des apprenants en termes de processus et d’outils pertinents.

Alterner ces trois étapes permet l’engagement progressif. En effet, la population professionnelle visée n’est pas reconnue pour être la plus exotique.

Toutefois, la sortie de la zone de confort par le jeu, sans enjeu, a parfaitement généré l’effet de surprise, puis l’adhésion. S’en est suivi, l’apport des apprenants, qui a été très créatif, concret, judicieux et redoutablement précis. Les apprenants ont exprimé l’envie de poursuivre avec d’autres modules, apportant des idées. Ils souhaitaient collaborer sur des séances courtes, espacées pour créer en groupe des outils qu’ils pourraient immédiatement utiliser dans leur pratique professionnelle.

 

Etre concret, rester opérationnel

Cette formation sera dispensée sur environ sept jours tantôt présentielle, tantôt distancielle, mais toujours séquencée avec du rythme et répartie dans le temps pour laisser infuser les pratiques proposées, les tester et les réaliser. Cette formation a été pensée pour qu’elle soit tout au long du cursus intégrable et applicable par le professionnel dans sa pratique quotidienne. On y trouve :

- des blocs « métiers » travaillés différemment car chacun des métiers a sa propre histoire, et cela peut expliquer tant de comportements, de contraintes ;

- le bloc « réalité professionnelle » aborde les limites personnelles ou d’exercice mais aussi tout le champ libre non encore exploité autrement ;

- le bloc « outils » dresse les règles de fonctionnement et les équipements communs au partage et la sécurisation des informations notamment ;

- et le bloc « équipe » qui emmène dans la reconnaissance de l’autre, dans l’intégration des différences et de cette synergie indispensable, sans oublier la dimension des collaborateurs des différentes structures.

Les lignes conductrices ont été de s’extraire et de regarder autrement. Pour trouver des passerelles. L’objectif est dorénavant de l’ouvrir à toutes les professions du patrimoine, bien au-delà des notaires et des CGP. Une promotion sera donc riche de ses différences et de ses angles de vues au service du client final.

Quatre ans plus tard, les deux sponsors ont réaffirmé leur soutien : « Je suis depuis longtemps convaincu du rapprochement des métiers du chiffre et du droit au service de la relation client. C’est tout naturellement que nous nous sommes rapprochés avec Amandine Paulet et Pascal Pineau pour démarrer cette démarche en 2020 », confie Maître Frédéric Aumont. Quant à Julien Séraqui, fort de ses convictions, il rappelle que cet enjeu est toujours d’actualité : « L’interprofessionnalité est un axe de développement important pour tous les CGP, le projet développé par Amandine Paulet, Pascal Pineau et l’impulsion de Frédéric Aumont au démarrage va dans le sens d’un partenariat toujours plus étroit entre des professions connexes. »

 

Oser faire bouger les lignes

Mais ne nous trompons pas. Certes, les professions de conseils sont prêtes à travailler ensemble. Elles connaissent et cernent parfaitement les besoins, manquements, apports nécessaires de chacune de leur profession et maîtrisent très bien leur sujet. Beaucoup, sinon tous rêvent de l’interprofessionnalité, mais les vieux réflexes reviennent vite : pas assez de temps pour s’investir, besoin de chiffre d’affaires à court terme, préférence à l’apport d’affaires plutôt que l’apport d’un service à 360 degrés, certitudes renforcées là où le doute devrait rendre plus humble et coopératif. C’est humain.

Cette formation sur l’interprofessionnalité et sa mise en œuvre est le liant durable qu’ils leur manquent pour donner corps à cette évolution métiers inéducable, imminente. Peut-être faudra-t-il prouver, une fois de plus, qu’elle sera aussi rémunératrice pour chacune des parties ? C’est notre philosophie et une réalité.

  • Mise à jour le : 28/10/2024

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