Stéphane Vidal et Philippe Bourguignon : « Chez Primonial, nous aimons casser les codes »
Ils se sont rencontrés « au Club », puis leurs chemins professionnels se sont séparés sans pour autant se perdre de vue. Après la prise de participation majoritaire de Bridgepoint au sein du groupe Primonial en 2017, Stéphane Vidal, président de Primonial, décidait, en accord avec ses actionnaires, de nommer Philippe Bourguignon à la tête du conseil de surveillance. Une collaboration fructueuse qui n’a pas fini de bousculer les codes du monde de l’épargne patrimoniale.
Profession CGP : De quand date votre rencontre ?
Stéphane Vidal : Nous nous sommes rencontrés lorsque j’intervenais au Club Med alors que j’étais consultant chez Ernst & Young. Ayant démonté tous les flux financiers du groupe dans le cadre de ma mission, il m’a rapidement proposé de prendre la direction des relations investisseurs du groupe.
Philippe Bourguignon : Bien qu’ayant quitté le Club Med fin 2002, avec Stéphane, nous n’avons pas cessé de nous voir, une à deux fois chaque année.
S. V. : J’ai notamment fait intervenir Philippe lors d’une conférence sur l’investissement disruptif, très appréciée de nos collaborateurs. Fin mars 2017, j’ai proposé à nos actionnaires, Bridgepoint et le groupe Crédit mutuel Arkéa, qu’il devienne notre président du conseil de surveillance.
Comment avez-vous décidé de proposer Philippe Bourguignon au conseil de surveillance ?
S. V. : J’aurais pu proposer à ce poste des personnalités reconnues de l’asset management, du Private Equity, de l’immobilier… Mais je ne l’ai pas souhaité pour deux principales raisons. Tout d’abord, au sein de l’équipe dirigeante, je dispose déjà de très grandes expertises, notamment avec Christophe Mianné, grand nom de l’asset management, Laurent Fléchet, selon moi le meilleur asset manager immobilier, et Valéry Bordes, en charge de la finance et des opérations et secrétaire général, mais aussi chez chacun des collaborateurs du groupe.
D’autre part, le président du conseil de surveillance doit, selon mon principe, apporter une tonalité et une vision différentes, nouvelles. Chez Primonial, nous aimons casser les codes et nous ne sommes pas comme les autres acteurs du monde financier. Pour s’imposer, notre marque ne doit ressembler à aucune autre et s’inspirer en permanence de ce qui se passe ailleurs, dans d’autres secteurs d’activité.
Chaque jour, nous devons nous attacher à penser différemment en restant centrés sur le besoin client. La nomination de Philippe, qui n’a jamais opéré dans notre secteur, est naturellement devenue une évidence pour moi, mes associés et mes actionnaires.
Pourquoi avez-vous décidé d’accepter la proposition de Stéphane Vidal de rejoindre le groupe Primonial ?
P. B. : Ma carrière et ma réussite sont derrière moi, et je suis aujourd’hui le dirigeant d’une entreprise d’investissement depuis treize ans. J’ai le privilège de faire ce qui me plaît avec des personnes qui m’intéressent et me motivent. J’ai rencontré chez Primonial des personnes et une structure efficace, ainsi que des dirigeants qui ont de l’empathie, une chose qui manque cruellement chez bon nombre de dirigeants d’entreprise. Cette société est incroyablement innovatrice et agile. Sa créativité s’exprime malgré, ou à cause, de la réglementation, alors que je m’attendais à un monde hyper-feutré. Un an après ma nomination, je suis toujours aussi ravi de venir chez Primonial pour partager sur les problématiques intéressantes de ce secteur.
S. V. : Nous sommes une PME, il n’y a pas de lutte de pouvoir entre Philippe et moi. Nous échangeons sans crainte d’être jugé. Je ne me restreins pas dans mes échanges ou dans le partage des idées avec Philippe, c’est un vrai luxe pour moi ! Cette relation ressemble à celle que j’ai entretenue avec André Camo auparavant. Nous avons énormément d’échanges informels.
Qu’entendez-vous par « empathie des dirigeants » ?
P. B. : Les sociétés les plus efficaces sont celles dirigées par des personnes qui ont une vision de leur marché et qui savent exécuter leurs décisions ; et elles sont encore meilleures si leur dirigeant fait preuve d’empathie. Aujourd’hui, certaines grandes entreprises sont déconnectées : elles bâtissent de grandes marques vendues par de grandes agences de publicité. C’est la marque qui prend les décisions, l’entreprise n’est pas le reflet du dirigeant qui, lui, s’installe au 45e étage d’une tour… Les entreprises sont aussi devenues globales et si les études montrent que le client final a besoin de personnalisation, les entreprises deviennent des auberges espagnoles pour plaire à tout le monde. Au final, elles distribuent des produits qui ne plaisent plus à personne… Et l’entreprise manque d’empathie…
L’empathie, c’est aussi une charge émotionnelle que l’on ressent dans les couloirs : c’est le cas chez Primonial. C’est une société joliment complexe, car elle exerce sur plusieurs métiers et s’adresse à plusieurs canaux de distribution. Pourtant on y retrouve l’agilité, le dynamisme, la volonté de faire et d’essayer dans chaque service. Chaque collaborateur est, à sa manière, ouvert à évoluer et à se challenger.
S. V. : Nous nous devons d’interagir avec le client et sortir de la technique. Nous distribuons un produit froid, sans émotion, alors que nous nous occupons d’une chose très importante : son futur… Etrangement, notre industrie (au moins les indépendants) dépense moins d’argent en communication que celles qui fabriquent et distribuent des produits « chauds ». C’est pourquoi nous avons décidé d’adopter les codes de ces entreprises et, in fine, nous bénéficions de leur communication par effet de halo. Notre campagne de communication autour de la grande cuisine qui modélise notre métier, et « The Kitchen », un concept innovant de densification de la relation client grâce à la technologie, s’inscrivent parfaitement dans ce mouvement.
C’est également dans ce cadre que nous avons créé un comité dédié à l’innovation pour challenger les équipes autour de la communication, de la proximité client et de la fidélisation à nos produits ; le tout dans le respect de la réglementation bien évidemment.
L’expérience de Philippe dans les projets disruptifs nous sert dans l’ensemble des projets digitaux que nous lançons en 2019, en particulier notre projet dont le nom de code est « Confucius » qui vise à apporter de la personnalisation et une meilleure compréhension au client épargnant.
Dans nos projets, nous avançons avec des collaborateurs aux personnalités et caractères différents. En matière de management, c’est une richesse qui permet à notre modèle d’avancer. La seule chose qui doit relier les membres de notre équipe ce sont nos valeurs : la bienveillance, l’optimisme, le partage, le fait d’accepter nos erreurs, la transversalité… Je suis fier de notre entreprise et de notre marque. Et nos collaborateurs aussi, puisqu’une récente enquête sur la satisfaction au travail montre qu’ils sont très fiers d’exercer au sein de Primonial.
Un mot sur votre activité principale en tant que partner au sein du fonds d’investissement américain Revolution Places depuis 2006 ?
P. B. : Nous sommes des investisseurs dans l’innovation, et ce aux différentes phases de développement : la phase initiale, le capital-risque et en Bourse. L’unique critère de la décision d’investissement est que la société perturbe l’espace dans lequel elle agit. Par exemple, nous avons investi dans Uber, Zipcar, BusBud, Optoro, Exclusive Resort…
Vous avez été dirigeant de grands groupes (Accor, The Walt Disney Company…) ou administrateur (Canal+, Meetic, eBay…), mais jamais dans le domaine de l’industrie financière. Comment appréhendez-vous ce marché de l’épargne dans lequel vous n’avez jamais opéré ?
P. B. : A travers mon passage chez Accor, c’est le marché de l’immobilier que j’appréhende le mieux. Et je ne me suis jamais préoccupé de mon patrimoine avant mes 55 ans… Je découvre donc cet univers et ses contraintes. Exercer plusieurs métiers au sein d’une entreprise avec une multitude de marques est complexe et cela aurait pu geler la capacité de l’entreprise. Ce n’est absolument pas le cas chez Primonial.
S. V. : Primonial est la marque ombrelle pour la distribution. Dès lors, le fabricant ne peut pas avoir la même marque car il distribue ses produits dans et en dehors de son réseau. C’est plus particulièrement le cas pour La Financière de l’Echiquier. En revanche, il est impossible de changer le nom de Primonial REIM car la société a déjà une trop forte notoriété.
Vous résidez une bonne partie de votre temps outre-Atlantique. Le marché américain de l’épargne influence-t-il votre vision de Primonial ?
P. B. : Etre aux Etats-Unis et y avoir réalisé plus de la moitié de ma carrière est un avantage. Même si je connais peu le marché de l’épargne américain, le fait de travailler dans un pays lointain donne une perspective autre. Les Etats-Unis offrent une vision unique de l’économie et une culture différente. Je ne me vois pas vivre ailleurs. A l’inverse, j’ai intégré le conseil d’administration de Neiman Marcus car j’étais Français !
En revanche, il n’y a que peu de points communs entre les marchés de l’épargne américain et français : les systèmes de retraite sont différents, le financement des études également, et surtout les Américains ont une meilleure connaissance des marchés financiers…
S. V. : La différence de culture financière entre les deux pays est énorme ! En tant que concepteur et distributeur de produits, nous avons un vrai rôle pédagogique et social à jouer vis-à-vis des Français. Si le client ne comprend pas ce qu’on lui propose, il ne franchit pas le pas. Et il doit comprendre de plus en plus tôt l’intérêt de se constituer un patrimoine. Nous nous devons de renforcer la partie service de notre offre, en particulier en matière de conseil. C’est primordial aujourd’hui, alors que les banques sortent du marché.
Après un peu plus d’un an de collaboration, quel bilan pouvez-vous tirer de vos échanges ?
P. B. : Je suis ravi de ma première année chez Primonial, de la qualité des échanges avec l’ensemble des équipes. Il n’y a rien de pire que de faire quelque chose en se sentant inutile : c’est loin d’être le cas chez Primonial.
S. V. : Notre relation est exactement comme je l’avais imaginée : une relation forte et permanente. Primonial est différent des autres acteurs du marché, Philippe m’aide à cultiver cette différence.
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