Alain Régnault (Ageas France) : quatorze années de direction et toujours la même passion
L’équipe de direction d’Ageas France. Au premier plan, de gauche à droite : Johan Attal, directeur technique & produits, Bertrand Hau, directeur général adjoint, Vincent Rocard, directeur digital, Liron Le Ster, directeur juridique, Alain Régnault, directeur général, et Thierry Maman, directeur des opérations et des systèmes d’information. Au second plan, de gauche à droite : Jean-François Chaury, directeur général délégué, Arnaud Ers, directeur des ressources humaines et de l’organisation, Thierry Scheur, directeur commercial & marketing, et Stéphane Bouget, directeur informatique.
Alain Régnault, un pur produit « Fortis », dirige Ageas France pour la quatorzième année consécutive. Une longévité qui a de quoi surprendre quand on connaît les turbulences qu’a traversées l’entreprise.
Ayant réalisé des études d’expertise-comptable et de sciences économiques, Alain Régnault, né en 1960, n’était pas prédestiné à devenir assureur. Il est rentré « par hasard » en 1982 à Euralliance, une filiale de Generali. Il
commence comme attaché commercial sur des produits d’assurance-vie avant de prendre des fonctions d’animation des équipes commerciales salariées dans la région rennaise.
Puis, en 1986, il intègre Fortis, groupe qu’il ne quittera pas, en dépit des turbulences qui ont secoué l’entreprise. Ce Breton d’origine, « de la forêt de Brocéliande, celle de Merlin l’Enchanteur et de la fée Viviane », a toujours exercé au nord de la Loire : d’abord en Bretagne, à Rennes et à Saint-Brieuc, ensuite dans la Sarthe, au Mans, puis à l’Est Reims et à Nancy, avant de se recentrer à Paris. Parallèlement, il devient diplômé de l’ESCP Paris en 1996.
Reconnaissance
En 1997, il arrive donc au siège de Fortis, à Paris, au sein de la direction commerciale du réseau salarié où il travaille à l’évolution des métiers. Ensuite, en 2000, il est promu à la direction commerciale du réseau d’agents généraux.
Rapidement, en 2002, il est nommé à la direction générale de Fortis, place qu’il occupe donc toujours depuis quatorze ans. « Sa carrière, on la doit à son travail, à son engagement, à ses équipes, mais aussi à ses supérieurs, assène Alain Régnault. Les gens ont tendance à souvent oublier cela. Il faut que votre supérieur hiérarchique sache vous mettre en valeur. Il est important de croiser les bonnes personnes au bon moment car on ne réussit jamais seul. Cela est aussi bien valable pour son manager que pour les équipes que l’on manage. Lors de mes nominations successives, le directeur général alors en place, en l’occurrence Patrick Vucékovick en 2002, m’a recommandé auprès de nos actionnaires belges et hollandais. Ces quatorze années de direction générale me permettent de voir si les changements ou évolutions que nous avons menées sont les bonnes, là où d’autres ne restent que trois ou cinq années en place. Je suis comptable de mes erreurs et de mes réussites. »
Gestion de crise(s)
L’année de sa nomination à la tête de l’activité en France, il a fallu restructurer la société après l’échec de la vente avec Swiss Life. « Nous avons dû nous séparer de cent cinquante personnes dans le cadre d’un PSE, un moment très difficile pour moi qui suis dans le groupe depuis de nombreuses années. Ces personnes savaient très bien que je ne le faisais pas de gaieté de cœur… Pendant cette période, le capitaine doit être sur le pont : on se doit d’être pragmatique et ferme pour faire avancer les choses. La clé réside dans la communication, à tous les niveaux : auprès du personnel, des clients et des apporteurs d’affaires. Il faut dire la vérité. Et ne pas attendre les solutions d’ailleurs : on les a en nous ! L’objectif doit être de bien servir le client. Et une fois les opérations de restructuration réglées, on peut redémarrer plus fort sur le marché. »
Quelques années plus tard, en 2008, le démantèlement du groupe Fortis a été un événement douloureux où il a fallu gérer l’humain et assurer la pérennité de la société. « Des clients qui souhaitent à tout prix récupérer leur argent ; remobiliser le personnel dans un groupe en déshérence… » La structure d’Ageas France est affaiblie par le transfert de Fortis Banque chez BNP Paribas et perd ainsi un tiers de son activité. Une nouvelle organisation et un nouveau modèle ont été définis l’année suivante. Plus récemment, en 2014, le réseau salarié a été transféré chez Advenis Gestion privée, tandis qu’Ageas a racheté Sicavonline.
Trois axes de développement
La structure de l’entreprise aujourd’hui stabilisée, Alain Régnault développe un plan à trois ans reposant sur trois piliers. « Aujourd’hui, le business model d’Ageas en France, qui repose sur le plan Ambition 2018 présenté l’an passé à l’ensemble du personnel, a complètement changé avec une forte connotation sur le digital et une nécessaire adaptation à l’environnement économique et financier, assure-t-il. Ce plan stratégique tient compte de l’environnement économique avec des taux bas pour longtemps donc un besoin de collecter en unités de compte et d’innover. Le développement rapide des nouvelles technologies et la réglementation toujours plus prégnante doivent être pris en compte dans le processus de génération de valeur. Et notre taille nous permet d’être agiles dans ce domaine. »
Il s’organise autour de la société d’assurance, une activité dédiée au monde des indépendants (Ageas Patrimoine) et une société de BtoC sur le canal Internet, Sicavonline. A côté de ces trois structures, un GIE de moyens est mis en place pour gérer l’ensemble.
L’entité d’assurance va fournir des produits pour le compte de tiers, Ageas Patrimoine et Sicavonline. L’objectif sur l’assurance est de dépasser les 500 millions d’euros de chiffre d’affaires sur ce segment de marché, notamment via les unités de compte.
De son côté, Ageas Patrimoine, priorité 2016 d’Ageas France, a vocation à être une plate-forme de services à destination des CGPI et un point d’entrée unique vers différents fournisseurs. Son offre sera multiple, avec différents partenaires sélectionnés en matière d’assurance (Ageas n’étant pas l’unique assureur), d’épargne financière, de capital investissement, de produits de diversification patrimoniale et d’immobilier. « J’ai recruté Thierry Scheur pour réécrire une approche du monde de la gestion de patrimoine très large. Lors de ce premier semestre 2016, nous connecterons les systèmes d’informations avec les différents fournisseurs de produits. Dans la seconde moitié de l’année, nous mettrons en place nos services et produits, avec une forte dimension d’innovation en matière de digitalisation (simplification des procédures et du parcours client, signature électronique, dématérialisation des souscriptions…) et d’offre patrimoniale comme le démembrement de parts de SCPI ou l’accès à des assureurs luxembourgeois. Nous cherchons à construire des partenariats forts avec différents fournisseurs pour collaborer étroitement et efficacement avec eux. Notre forum annuel de juin sera consacré à cette stratégie. » L’ambition est de faire croître rapidement le chiffre d’affaires de la structure sur ces trois prochaines années. Les produits hors assurance doivent nous permettre de générer 100 à 150 millions de chiffres d’affaires.
Le troisième pilier, Sicavonline, est positionné comme un service de gestion privée en ligne, avec un objectif d’être dématérialisé à 100 % et une forte présence sur les réseaux sociaux. Le site affiche aujourd’hui 3 millions de connexions uniques. « Nous allons mener une montée en puissance progressive pour qualifier ses potentiels clients, investir, communiquer… Faire de Sicavonline un acteur représentatif sur le marché français de la gestion de patrimoine est un défi passionnant. »
Bousculer les habitudes
Après quatorze années de direction, Alain Régnault conserve son dynamisme avec toujours la volonté de se remettre en question. « Pour durer, il convient de se remettre en cause perpétuellement, bousculer les habitudes, challenger les gens… En trente-cinq ans d’assurances, le métier a fortement évolué et n’a plus rien à voir avec celui du début de ma carrière. Même si on prend cinq années de recul, énormément de choses ont changé. Depuis 2007-2008, dans ce domaine, comme dans d’autres, les cycles se sont considérablement raccourcis. »
Dans son management, Alain Régnault n’oublie pas que la réussite passe par celle des autres. « J’ai adopté un management participatif où la confiance joue un rôle très important : chaque personne doit apporter sa contribution à notre développement, d’autant plus que nous sommes une petite entreprise. Dans une PME, on se doit de travailler à 150 % pour augmenter la productivité. Cela nécessite de bien définir les missions et de permettre à chacun de se réaliser. Il convient également d’accepter les erreurs : si on ne fait rien, on ne peut pas se tromper. J’attends donc en retour une forte adhésion et l’engagement personnel de mes équipes car c’est ensemble que nous construisons notre réussite. »
Et toujours avec passion : « tous les jours, je prends plaisir à faire ce que je fais, à voir progresser mes équipes, à créer, à innover et à sortir des sentiers battus… Je conseille aux jeunes de pousser la porte de l’assurance. On peut y exercer différents métiers : du commerce, du management, du marketing… et cette ouverture des carrières est valable dans toutes les compagnies. Cet univers est riche et diversifié, mais hélas peu connu et peu mis en avant ! »
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