Les CGP et la médiation : un mariage de raison ?

Par : edicom

Par Caroline Horny, médiatrice et avocat chez Desarnauts & Associés, et Laurent Petitjean, avocat

La première et seule information que les CGP ont de la médiation est l’une des figures de styles des documents contractuels qu’ils signent et font signer quotidiennement. Et ce n’est pas un sujet qui, de prime abord, attise la curiosité : le CGP redoute le litige éventuel, ne sait ni comment l’appréhender ni comment le gérer. Il est alors plus confortable de se contenter de rester prudemment dans les outils connus. Le premier réflexe sera donc d’aller au combat et de viser le KO de l’adversaire. Cela n’est cependant pas, le plus souvent, l’option la plus opportune.

Au-delà d’être une obligation réglementaire, la médiation est, avant tout, une pratique et un outil efficaces qu’il convient de maîtriser dans l’intérêt du CGP et de ses clients. Il est vrai que l’incitation à l’utilisation de la médiation s’explique en partie par la volonté de désengorger les juridictions. Mais il s’agit surtout d’une pratique efficace, pragmatique et pérenne.

L’obligation de recourir à la médiation inscrite dans les contrats ne doit donc en aucun cas rester uniquement une clause de style, mais doit être bel et bien la première étape pour permettre aux parties de trouver, de manière volontaire et active, une solution au litige qui les oppose.

Pourquoi médiation et CGP ?

Quand on recherche les termes « médiation et CGP » sur Google, 247 000 résultats sont proposés. Cependant, le plus récent remonte au 6 juillet 2020 ! Et encore, le huitième résultat concerne la « chambre des généalogistes professionnels ».

A titre liminaire, il n’est pas question de traiter ici les procédures de règlement des réclamations qui doivent être prévues et détaillées dans le cadre de la gouvernance du cabinet. On rappellera seulement à cet égard que le cabinet doit assurer la formation du ou des collaborateurs en contact avec le client pour qu’il(s) puisse(nt) identifier clairement les réclamations reçues et utiliser de façon appropriée le circuit de traitement des réclamations.

Cela entraîne une organisation pratique : mise en place d’un recueil des réclamations, procédures de traitement des réclamations, désignation du responsable du traitement des réclamations, entre autres (cf. article 325 – 23 du RGAMF).

On n’oubliera pas non plus de citer le Doc – 2012 – 07 Instruction Recommandations AMF sur le traitement des réclamations (sept pages) et, pour l’ACPR, la recommandation 2022 – R – 01 du 9 mai 2022 sur le traitement des réclamations (six pages).

Sur ce sujet, si l’Autorité des marchés financiers, concernant les CIF, traite de l’intervention de son médiateur, l’ACPR prévoit, quant à elle, l’intervention du médiateur de la consommation.

En réalité, le multi-statut du CGP rend très difficile l’identification d’un médiateur compétent unique.

Ainsi, la question du règlement des litiges par voie de médiation entre CGP/CIF et leurs clients est strictement encadrée :

- pour les CIF, c’est le médiateur de l’Autorité des marchés financiers qui est compétent ;

- pour les autres statuts, il faudra faire recours au médiateur de la consommation.

Cependant, il serait réducteur de n’envisager que l’hypothèse d’un litige entre le professionnel et son client.

Ainsi, le recours à la médiation peut s’avérer utile :

- pour aider un client à sortir d’une situation problématique (divorce, indivision), d’un conflit entre lui et un associé dans une Sarl, une SCI, par exemple, ou d’un conflit de voisinage empêchant toute opération sur un bien immobilier, entre autres ;

- pour résoudre un conflit avec un autre professionnel : un autre CGP au sujet d’un transfert de client par exemple, un fournisseur/partenaire, un associé, etc. ;

- pour trouver une solution avec un collaborateur ou un mandataire, un salarié.

 

Pourquoi dans ces hypothèses recourir à la médiation ?

Quels sont les avantages à proposer à ses clients, ou dans le cadre d’un litige opposant le CGP à son associé ou à l’un de ses collaborateurs, une médiation plutôt qu’un contentieux judiciaire ?

Tout d’abord, pour la confidentialité qui sera attachée à ce mode de résolution des litiges. Il n’est pas toujours opportun de rendre public un conflit, ne serait-ce que pour des questions d’image.

Mais aussi parce que la médiation va le plus souvent représenter un gain de temps par rapport au règlement contentieux de ces problèmes.

A l’heure de l’accélération des process, des nécessités d’investir de nouveaux outils professionnels et des champs numériques, de l’indispensable développement clientèle, il est plus que nécessaire de régler un conflit rapidement afin de se consacrer sereinement à son cœur de métier.

Parce que la médiation est pragmatique et qu’elle permet un gain d’argent non négligeable par rapport à une procédure. La médiation n’est pas contrainte par le droit (hormis les règles d’ordre public) et permet donc une créativité absente des jugements. Et si les avocats peuvent être partie prenante et être force de proposition dans les solutions envisagées, les coûts sont réduits de manière conséquente pour les parties, qui décident d’ailleurs entre elles de la répartition des frais.

Parce que son efficacité est prouvée : plus de huit médiations sur dix aboutissent à des accords qui seront exécutés dans plus de 95 % des cas. En effet, la solution trouvée convient par définition aux parties, puisque ce sont elles qui l’ont imaginé et négocié.

Parce qu’elle permettra de maintenir des relations familiales, commerciales ou professionnelles. La première étape de la médiation est également son principal avantage : renouer le dialogue et permettre la poursuite des relations ou réussir de manière apaisée une séparation.

Enfin, parce que la médiation est adaptée aux parties qui pourront trouver grâce à elle une solution qui convient à leur secteur, à leurs profils, à leurs besoins.

Qu’est-ce que la médiation ?

La médiation est un mode de règlement alternatif des litiges qui fait intervenir dans un conflit un tiers indépendant, impartial, et qui, dans le cadre d’un processus structuré, va tenter de rapprocher les parties pour qu’elles trouvent elles-mêmes leur propre solution.

La médiation est différente de la conciliation, où une solution est proposée par le conciliateur, ou de l’arbitrage qui vise à délivrer une sentence.

Le médiateur est donc là pour tenter de renouer le dialogue entre les parties afin de leur permettre de trouver une solution gagnante-gagnante. Il ne donne ni gain de cause ni solution aux parties. Il n’est ni un juge, ni un avocat, ni un expert.

Ce positionnement peut arrêter les personnes intéressées par la médiation ; il est pourtant le garant de l’assurance de trouver une solution pragmatique, efficace et pérenne. Se parler est à la racine même de la résolution des conflits. Sans paroles, pas d’échanges de points de vue. Sans échanges, pas de solution possible. Sans parole, la seule méthode est la guerre.

Le médiateur est donc un facilitateur qui va rétablir la communication pour permettre aux parties de trouver un accord.

La médiation : un processus structuré

Le conflit n’est jamais qu’une question de perception propre à chacun d’une réalité objective.

Le médiateur a donc pour mission de trouver les outils pour que chaque médié puisse comprendre ce que l’autre voit. Il ne s’agit pas à cette étape d’être d’accord, mais de voir comment l’autre voit la situation. La première étape consistera donc à ce que les parties se mettent d’accord sur le désaccord.

Le médiateur possède ainsi toute une palette d’outils (tels que l’écoute active ou la communication non violente, notamment) pour atteindre cet objectif. La médiation est un processus structuré, technique, et non pas une question d’intuition ou de magie émotionnelle.

Il s’agit d’arriver au « point de bascule », chacun comprenant le point de vue de l’autre (sans être forcément d’accord), et qui permettra dès lors aux parties de s’écouter, de dialoguer et de construire une solution. Il s’agira pour le médiateur (et c’est l’une des grandes forces de la médiation) de laisser libre cours à la créativité des médiés pour trouver une solution.

La médiation n’est pas tenue par le droit, si ce n’est quelques grandes règles d’ordre public. Il est donc possible de s’affranchir des solutions classiquement proposées, et de faire du « sur mesure » ! On le comprend, ce cheminement n’est possible que s’il existe une confiance totale en la personne du médiateur.

 

La médiation est une bulle

Ainsi, le médiateur, qui peut être par ailleurs avocat, devra au préalable être dans la plus totale transparence avec les parties et leur rappeler qu’en tant que médiateur, il sera indépendant, impartial, neutre et tenu à la plus stricte confidentialité. Il s’agit pour lui de sécuriser le cadre dans lequel la médiation doit se dérouler. Cela permet de libérer la parole pour que les parties puissent dire des choses qu’elles ne diraient pas devant un juge.

Des règles précises de non-interruption, de non-violence verbale et de confidentialité sont donc posées dès le début de la médiation, et leur respect doit être assuré par le médiateur. Il s’agit donc de libérer la parole : tout ce qui sera dit au cours de la médiation ne sortira pas de la médiation (confidentialité). La médiation est une bulle.

En cas d’échec de la médiation, il sera impossible, en vertu du document initialement signé sur la confidentialité, d’utiliser les éléments échangés devant le juge. Cette confidentialité portera tant sur les paroles que sur les documents produits. D’ailleurs, seul le médiateur pourra parfois être destinataire de certains documents (et pas l’autre partie ; le principe du contradictoire ne s’applique pas en médiation).

Cette sécurisation du cadre entraîne également des obligations pour le médiateur qui pourrait, par exemple, être tenté de prendre parti pour l’une ou l’autre des parties ; il doit alors de se désengager. Il en va de l’éthique du médiateur et de la réussite de la médiation.

Enfin, et même si la médiation est, théoriquement toujours possible à quelque stade que ce soit, il est néanmoins des cas où l’on pressent que cela ne fonctionnera pas. Alors, même lorsque la médiation est obligatoire, il est du devoir du médiateur d’avertir les parties de ses doutes.

 

Recours à la médiation dans certains cas obligatoire et à privilégier

On peut imaginer les hypothèses où une des parties est sous tutelle, n’a pas le pouvoir de décision finale ou bien encore a besoin d’une décision de justice pour préserver son image. Il en va de même si l’une des parties est manifestement de mauvaise volonté ou souhaite user de techniques de manipulation. Rappelons ici que c’est le recours à la médiation qui est obligatoire, et non le fait d’obtenir une solution par la médiation. De même, il est toujours possible de sortir d’un processus de médiation, ce qui n’est pas permis dans le cadre d’une procédure judiciaire : la médiation appartient aux parties.

Ainsi, la médiation est dans certains cas obligatoire, mais elle reste dans tous les cas à privilégier :

- lorsque l’on souhaite préserver la confidentialité et éviter toute publicité ;

- lorsqu’il est indispensable de faire preuve de preuve de pragmatisme ;

- lorsqu’on se rend compte qu’on ne détient pas tous les éléments de preuve à produire en justice ;

- lorsqu’on est amené à rester en relation avec l’autre partie : par exemple avec un partenaire commercial ou dans le cadre familial (succession, divorce avec enfants…) ;

- lorsque la situation exige de la créativité et ne peut se contenter de standard.

Le conseiller en gestion de patrimoine qui sera à l’origine d’une proposition de médiation devra faire preuve de pédagogie, en la distinguant bien de l’arbitrage et de la conciliation. Il pourra aisément mettre en avant l’avantage financier, la possibilité de se libérer du carcan du droit (dans la limite de l’ordre public), l’intérêt de conserver des relations commerciales ou familiales, et bien sûr de la confidentialité, dans tous les cas où la publicité d’un procès nuirait à l’image de marque de l’une ou des deux parties.

En pratique, le délai pour mener à bien un tel processus est entre trois et six mois, tout dépendant de la complexité de la situation à régler. Ce qui lui donne un avantage certain en comparaison des actions contentieuses !

Concernant les frais, la pratique est que les frais soient partagés entre les parties, mais rien n’oblige à une répartition égalitaire. Il faudra compter entre deux et trois séances, chacune étant séparée de l’autre par un délai d’environ quinze jours. Ces délais peuvent être allongés s’il est nécessaire de faire intervenir des tiers experts (par exemple un expert-comptable pour valoriser des parts de société).

La médiation réussie se clôturera par un accord écrit. Le médiateur n’aura pas la charge de sa rédaction, ce n’est pas sa fonction. Elle est dévolue aux parties afin de souligner leur participation active dans la résolution du litige qui les opposait.

Plus qu’un passage obligé, une obligation subie, la médiation pratiquée de bonne foi et avec intelligence permet au professionnel de gérer une situation conflictuelle avec plus de sérénité et en lui permettant de garder son énergie pour continuer son activité.

 

Une parenthèse : le cas particulier de la médiation des CIF

Le médiateur de l’AMF publie chaque année son rapport. Il ressort de sa dernière édition que concernant ces professionnels refusent dans un tiers des cas tous recours à la médiation. Cela peut s’expliquer par le fait que le médiateur de l’AMF se comporte en pratique plus comme un expert et prend parti dans le cadre des solutions préconisées. Cette « prédisposition » pourrait peut-être expliquer la réticence des CIF à s’engager dans cette voie dès lors qu’elle leur est proposée.

  • Mise à jour le : 25/06/2024

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