La médiation pour régler les litiges des CGP
Par Silvestre Tandeau de Marsac, avocat associé, banque-finance, FTMS Avocats
La crise sanitaire a achevé de saturer les juridictions déjà engorgées par les retards provoqués par la grève. En dépit des mesures prises, les délais de règlements des litiges vont continuer de se rallonger. Dans ces conditions, la médiation apparaît comme une solution de règlement des différends rapide et efficace. Elle est un mode amiable et confidentiel de règlement des différends (MARD).
La médiation a pour but de permettre aux parties de renouer le dialogue et de les faire parvenir à un accord satisfaisant pour elles. Elle garantit aux parties de garder la maîtrise de leur différend et la possibilité de trouver un accord rapidement, tout en restant libres de quitter le processus à tout moment, comme de refuser la conciliation afin de porter ce qui les oppose devant les tribunaux.
Le médiateur doit être indépendant, impartial et faire preuve de compétence et de diligence dans l’exercice de sa mission. Le principe de confidentialité lui interdit de témoigner dans une procédure ou de se servir des documents produits. L’accord conclu entre les parties sera ensuite, si elles le souhaitent, homologué par le juge, ce qui lui conférera force exécutoire.
Pour régler les litiges civils et commerciaux, il existe plusieurs types de médiations, par ailleurs élargies aux litiges en matière administrative.
La médiation pour les litiges en matière civile et commerciale
Il existe en matière civile et commerciale diverses médiations possibles :
- la médiation judiciaire (1) à l’initiative du juge, sous réserve de l’accord des parties ou lorsqu’elle est imposée par la loi ;
- la médiation conventionnelle à l’initiative des parties ;
- et la médiation de la consommation (2) que chaque professionnel se doit de présenter au consommateur depuis le 1er janvier 2016 (3).
Outre les litiges en matière financière, qui entrent dans le champ de compétence de l’AMF et qui sont donc éligibles à la médiation de cette même autorité de tutelle, les sociétés de gestion et les conseils en gestion de patrimoine (CGP) peuvent recourir à la médiation conventionnelle ou judiciaire pour résoudre leurs litiges dans plusieurs cas. En effet, en cas de conflit entre associés, la médiation constitue un outil privilégié. Elle offre aux parties la faculté de trouver un accord satisfaisant répondant véritablement à leurs attentes et ce, en toute confidentialité.
Les conseillers en gestion de patrimoine peuvent également tirer profit de la médiation en cas de litiges avec leurs fournisseurs ou cocontractants dans le cadre de la distribution de leurs produits ou services : sociétés de gestion, compagnie d’assurance et plate-forme de distribution ou dans le cadre de litiges avec leurs clients.
Le recours à la médiation est encore envisageable en matière :
- d’acquisition d’un immeuble en l’état futur d’achèvement, dès lors que l’acquéreur est une personne physique qui achète un bien principalement pour un besoin personnel, y compris dans le cadre d’un investissement locatif du type Pinel (4);
- de mandat de vente, de recherche d’un bien à acquérir ou de location, si le différend porte sur l’exécution du mandat (4).
Enfin, depuis le 1er janvier 2020 (5), un recours obligatoire à un mode alternatif de règlement des différends, tel que la médiation, est nécessaire avant de saisir les juridictions des « petits » litiges n’excédant pas 5 000 € (6) ou en cas de certains conflits de voisinage (7).
En cas de méconnaissance de ces dispositions, le demandeur s’expose à l’irrecevabilité de ses demandes que le juge peut prononcer d’office. Toutefois, un justiciable pourra arguer d’une des exceptions prévues par le nouvel article 750-1 du Code de procédure civile afin de se soustraire au recours obligatoire à un mode alternatif de règlement, notamment en cas de « motif légitime », une notion précisée par décret : il s’agit soit d’une « urgence manifeste », soit des « circonstances de l’espèce », telles que la nécessité qu’une décision soit rendue non contradictoirement, ou enfin en cas « d’indisponibilité des conciliateurs de justice ».
La médiation pour les litiges en matière administrative
Désormais, le recours à la médiation en cas de litiges de nature administrative est permis grâce à la loi Justice du XXIe siècle (8). L’article L. 213-1 du Code de justice administrative définit la médiation comme « tout processus structuré (…), par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elle ou désigné, avec leur accord, par la juridiction » (9). A l’exception de la médiation préalable obligatoire pour les contentieux de situation personnelle d’agents publics, la médiation administrative est facultative et donc payante, comme l’est la médiation judiciaire ou conventionnelle de manière générale.
La médiation pour les litiges en matière administrative résulte, selon les cas, aussi bien de l’initiative des parties que de celle du juge. Ce dernier a désormais la latitude avec l’accord des parties, de désigner un médiateur qui n’est plus forcément judiciaire (10), c’est-à-dire une personne extérieure à la juridiction.
Le médiateur public est désigné par une autorité publique dans les conditions fixées par la loi, laquelle détermine également son statut, son champ de compétences dans le domaine des litiges prévus et ses modalités d’intervention (11).
La médiation représente une alternative, notamment dans le cadre de litiges administratifs relatifs :
- à la délivrance de permis de construire entre une SCPI ou autre société et une autorité administrative ;
- à des travaux d’aménagement d’un immeuble non conformes à certaines dispositions du plan d’occupation des sols (12).
La médiation dispose de nombreux avantages que ce soit son coût, sa rapidité ou encore la possibilité pour les partenaires commerciaux de renouer le lien. Ce mode amiable de résolution des différends apparaît donc comme un outil adapté aux différents litiges pouvant survenir en matière de gestion de patrimoine et remet à l’ordre du jour, le vieil adage selon lequel « Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. » (13)
1. La médiation judiciaire est encadrée par les articles 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile.
2. La médiation de la consommation est encadrée par les articles L. 611-1 à L. 616-3 du Code de la consommation.
3. Transposition de la directive 2013/11/UE par l’ordonnance n°2015-1033 et le décret n° 2015-1382.
4. M. Feferman et E. Petit, La médiation de la consommation et les métiers de l’immobilier, op. cit..
5. Obligation introduite par l’article 3 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
6. Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, codifiant l’article 750-1 du Code de procédure civile.
7. La médiation est devenue obligatoire dans les conflits de voisinage définis aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire. Ainsi est soumis à ce prérequis les actions en bornage, les actions relatives aux constructions et travaux sur certains ouvrages ou encore les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes d’aqueduc, d’appui et d’écoulement.
8. Loi n° 2016-1547.
9. Créé par la loi n° 2016-1547.
10. Loi n° 2016-1547, art 5, II ; loi n° 1995-125, 8 févr. 1995, art. 22 modifié.
11. Article L. 611-1, 7° du Code de la consommation.
12. CE, 9 mars 1983, n° 41314.
13. Honoré de Balzac.
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