Au service du collectif
© Rémy Deluze
Elle se dit proche de ses collaborateurs et spontanée. Elle nourrit de l’affection pour les réseaux de distribution, en particulier les CGPI. En près de vingt-cinq ans, Sonia Fendler est passée du contrôle de gestion de la Fédération continentale au Comex de Generali France. Récemment, elle contribuait à la mobilisation autour des dérives de la directive Priips, pour le plus grand bien de la profession.
Sonia Fendler n’était pas prédestinée à intégrer l’univers de l’assurance. « Ce n’est vrai pour personne, s’amuse-t-elle. Je rêvais d’être astronaute, mais avec ma vue, ce rêve s’est vite refermé. » L’espace, l’infini, sans barrières, sans limites… Des envies certainement héritées de ses voyages avec ses parents qui l’ont emmenée au Soudan, au Yémen ou encore à parcourir l’Asie. Depuis, elle adore découvrir des endroits en dehors des sentiers battus, en baroudeuse. « J’ai vu des personnes vivre dans des situations très compliquées et nous accueillir de la meilleure des façons. Jamais je ne me plaindrai de ce que j’ai. » Son prochain voyage : le Botswana.
L’assurance par hasard
Parisienne d’origine, et fille unique d’un père normand travaillant dans les ressources humaines et d’une mère bourguignonne ingénieure commerciale chez IBM, Sonia Fendler est mère de deux enfants dont elle se dit « très fière ». A sa sortie de l’école des Mines de Nancy en 1989, elle avoue ne pas savoir quoi faire. Elle postule alors partout et atterrit chez Accenture comme consultante. « Je m’imaginais plus chez Areva dans le nucléaire, mais Accenture m’a répondu en premier et je n’ai pas souhaité revenir sur mon engagement. » Elle a alors la possibilité de choisir entre des missions d’audit dans l’industrie ou dans la finance, mais laisse le hasard décider pour elle. Ce sera la finance. Si le consulting ne lui a pas convenu – « je n’aime pas le zapping : six mois pour s’imprégner d’un domaine n’est pas une durée suffisante à mon goût » – elle adopte l’univers de l’assurance.
En 1993, une mission change son parcours au sein du groupe Generali. Elle devient alors responsable du contrôle de gestion-contrôle interne. Rapidement, elle est promue directeur des back-offices et du département fabrication des contrats d’assurance, où elle dirige une vingtaine de personnes. « Au début, je n’y comprenais rien, sourit-elle. Tout était à construire et à moderniser. Nous avons posé les fondations de l’outil de gestion qui existe encore aujourd’hui. Nous étions à l’époque des débuts des call-centers, de la gestion électronique des données. Il s’agissait également de la période où nous avons créé notre premier contrat en ligne. L’univers s’assainissait au niveau des pratiques commerciales… » Elle se souvient d’un bon de capitalisation vendu à une personne âgée sur lequel est inscrit « spécimen »…
Elle pense rester deux ans à la Fédération continentale, mais y progresse toute sa carrière, avec l’impression de changer de travail à chacune de ses évolutions de carrière, le tout dans un groupe qui passe de cinquante… à sept mille collaborateurs.
Des débuts fondateurs à la Fédé
Au back-office, elle officie tout d’abord aux côtés de Chantal Philippon qui « lui transmet son approche moderne du management. Elle avait un fort niveau d’exigence, toujours avec une part d’affectif et une vraie proximité avec ses équipes. Les décisions étaient prises en concertation, de manière participative ».
Outre cette approche relationnelle dont elle s’inspirera tout au long de son parcours, cette expérience au back-office lui « a beaucoup appris au niveau de la technologie », domaine qui l’attire du fait de sa formation d’ingénieur. A la Fédération continentale, elle rencontre également deux autres personnes ayant joué un rôle important dans sa carrière : les époux Collignon, Daniel et Odile, aujourd’hui divorcés, et qu’elle revoit toujours. « Un tandem unique à l’époque : avoir un couple à la tête d’une compagnie, c’était atypique. » De Daniel Collignon, Sonia Fendler retient son sens aigu de la stratégie. « S’il pouvait adopter un management dur, il était un formidable visionnaire. D’un concept valable sur quelques années, il savait le projeter sur les quinze ans à venir. » D’Odile Collignon, elle loue, avant tout, son sens relationnel et sa vision très structurée des choses. « Ils étaient aux antipodes, et j’ai toujours autant d’admiration pour l’un comme pour l’autre. »
Négociations avec les syndicats
En 1999, outre ses fonctions de responsable du back-office qui compte alors deux cents personnes, Sonia Fendler étend ses fonctions à la fabrication de produits en marque blanche. « J’ai pu sortir, aller à la rencontre des partenaires, appréhender la construction juridique des contrats, ses caractéristiques techniques et financières… Nous étions alors très en avance en créant les premiers espaces virtuels pour les contrats. »
Deux ans plus tard, elle intègre les services généraux et, en 2005, au moment du rapprochement des compagnies au sein de Generali, le CHSCT, où elle négocie avec les syndicats le déménagement des équipes de Paris à Saint-Denis. « Une belle expérience. J’ai beaucoup appris des pourparlers avec les syndicats. Si la concertation est nécessaire, il faut savoir, à un moment donné, dire stop. »
Progresser et faire progresser
C’est également en 2005 qu’elle quitte ses fonctions au back-office pour prendre la direction du développement commercial et marketing et innovation de Generali Patrimoine. « Chez Generali, comme chez d’autres assureurs, l’avantage est de pouvoir exercer plusieurs métiers. Je trouve d’ailleurs que cette opportunité n’est pas assez utilisée. » Ce changement de poste vers le commercial a été souhaité, même si elle rencontre « des difficultés à lâcher (son) équipe au back-office. Mais j’avais le sentiment de ne plus faire progresser mes collaborateurs et que je ne progressais plus. Il fallait un regard neuf. C’est d’abord pour mon équipe que je travaille. Ce sont eux qui me nourrissent, qui me challengent au quotidien. Dans les moments difficiles, ils savent vous pousser. Je pense notamment au moment où notre back-office était vraiment mauvais : leur soutien m’a réellement permis de revivre. »
A la direction commerciale et marketing, avec son passé au back-office et à la conception de produits, elle assure sa crédibilité par sa technique, et prend en 2010 la direction transverse de la politique Epargne pour tous les canaux de distribution. « Cela a pu surprendre parfois, tant nous rentrions dans des détails assez fins au niveau des produits, et vendre nos services back-office, administratifs et technologiques, nous a permis de faire la différence. »
Cette arrivée au service du développement commercial n’a donc pas été une rupture, puisqu’elle travaillait déjà à l’offre de produits, mais elle y apprécie « l’adrénaline du résultat » et la mise en place de « deals sur le long terme ».
La culture du partenariat
A chaque étape de son parcours, elle reconnaît avoir eu la chance d’être bien entourée. « On ne peut pas tout maîtriser. L’environnement juridique et fiscal évolue vite. Avant de prendre une décision, l’essentiel est de poser les bonnes questions et de bien évaluer les risques pris. Ensuite, il faut également savoir délivrer, prendre des engagements et les respecter, surtout avec des partenaires non captifs. Il s’agit d’une réelle culture chez Generali qui nous a permis d’asseoir notre crédibilité. »
Elle rencontre de plus en plus de conseillers en gestion de patrimoine indépendants, une population qu’elle apprécie pour sa richesse et sa fidélité. « Ces partenaires savent exprimer leur mécontentement, mais toujours de façon constructive. Ils savent entretenir une relation de partenaire à partenaire, et non pas de client à fournisseur. » Parmi les personnalités rencontrées, elle cite Nicolas Paoli, agent général à Menton, Frédéric Birembaut, CGPI à Hénin-Beaumont, ou encore Catherine Serre, également CGPI à Nice.
Décider et expliquer
Toutefois, certaines décisions ou contextes de marché ont temporairement tendu ces relations. Premier exemple, la mise en place des premiers contrats Internet au début des années 2000. « Nous avions affronté une tornade lorsque nous avons été les premiers à vendre des contrats à 0 % de frais d’entrée. Pour y faire face, nous sommes allés sur le terrain pour apporter nos réponses. Je me souviens d’un Club VIP, avec nos principaux partenaires CGPI, où Stéphane Dedeyan et moi-même nous étions fait chahuter. Les CGPI avaient été très durs. »
Autre moment difficile, il y a quatre ans, la décision de convaincre les partenaires que Generali devait réaliser une collecte nette négative sur les fonds en euros. « Nous avions été les premiers à dire que la rentabilité sur les fonds en euros était à préserver. Si nous n’avions pas pris cette décision, nous serions sortis du marché de l’épargne. Cela a nécessité un important travail de pédagogie sur notre modèle et une totale transparence sur notre rémunération. Au final, si les premières réunions ont pu être houleuses, tout le monde, commerciaux et partenaires, a joué le jeu au bénéfice du client final. Nous avons alors augmenté les marges sur les fonds en euros et les UC, mais aussi élevé les frais de gestion sur les contrats. Ce n’est plus possible aujourd’hui d’avoir des coûts en fonds propres qui augmentent et dans le même temps une rémunération sur les placements financiers en baisse. »
Ses équipes : « une bouffée d’oxygène »
En 2014, Sonia Fendler fait son entrée au comité exécutif de Generali France, ce qui ne signifie pas pour autant un éloignement de ses équipes. « Ils sont ma bouffée d’oxygène. »
Cette arrivée au Comex lui apporte une vision transversale de la compagnie. « Je prends de la hauteur en entrant au contact des enjeux du groupe ou en intégrant des domaines nouveaux, comme l’IARD. Cela signifie également une pression supplémentaire, notamment avec l’arrivée d’Eric Lombard, qui forme un excellent binôme avec Stéphane Dedeyan. »
Il lui faut alors se positionner dans le collectif. « L’état d’esprit reste très participatif. Ma nature spontanée me fait souvent m’exprimer facilement : je n’ai pas de complexe, même si je peux être parfois maladroite. Je ne suis pas quelqu’un de pouvoir et j’ai d’ailleurs des difficultés à comprendre ce type de comportement. »
Fin 2015, elle prend également la direction d’Expert & finance, qui sera prochainement cédé au groupe Crystal. Une tâche difficile qu’elle relève en faisant adhérer ses équipes au projet. « Mon arrivée n’était pas attendue. Il y a eu des moments difficiles, mais j’ai fait le choix de changer le management de la société : en laissant de l’autonomie et en accordant le droit à l’erreur. Le chiffre d’affaires et les résultats ont suivi. Je pense que cela a permis à la société de grandir et aux salariés de retrouver de la sérénité. J’en garderai un magnifique souvenir. Un passage chez Expert & finance ne laisse jamais insensible. »
Priips, une belle mobilisation
Ces derniers mois, Sonia Fendler s’est faite remarquer dans son combat vis-à-vis du règlement européen Priips et plus particulièrement de ses RTS. « Beaucoup n’avaient pas vu le sujet et lorsqu’ils l’ont découvert, partaient perdus d’avance. Toute la profession a su se mobiliser : il y a un réel collectif sur ce marché. Après, la question de savoir grâce à qui, ou qui a repéré le problème, ne m’intéresse pas… Cet épisode m’a fait aussi prendre conscience de la puissance des réseaux sociaux. »
D’un naturel toujours optimiste, elle reconnaît toutefois que l’environnement rend l’exercice de la profession plus compliqué. « Les attentes sont fortes, aussi bien de la part des clients que des distributeurs et des collaborateurs. On passe un cap actuellement, il faut se projeter à dix ans en intégrant de multiples paramètres. On change de paradigme à tous les niveaux : un poids de la réglementation devenu colossal, un contexte de hausse de taux inédit depuis trente ans, la taille du groupe Generali, le niveau d’exigence du client qui s’accroît… Mais c’est dans ces moments que l’on peut faire la différence ; à condition de prendre sa respiration avant de se projeter. Or le temps manque, on court en permanence. Il faut savoir prioriser ses sujets, mais aussi savoir se poser avec les bonnes personnes pour échanger sans définir un thème au préalable. Je me nourris beaucoup des réflexions des autres, c’est pourquoi j’aime aller sur le terrain rencontrer les distributeurs et échanger avec mes équipes pour me forger mes convictions. »
Pour le marché des conseillers en gestion de patrimoine indépendants, elle affiche également son enthousiasme et met en avant l’agilité et la professionnalisation des acteurs, ainsi que leur capacité à innover.
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