Alexis Teillant est le lauréat du 5e prix de l’Initiative
En mêlant dispositions statutaires, mesures juridiques et contrats de prévoyance, le cogérant du cabinet Axe Conseils Patrimoine a été désigné vainqueur du prix de l’Initiative sur le thème de la sécurisation de l’activité du CGP, organisé par Profession CGP en partenariat avec MetLife et avec le soutien des associations professionnelles.
L’an passé, Profession CGP organisait son prix de l’Initiative pour la cinquième fois. La sécurisation de l’activité du CGP, tel était le thème de cette édition organisée en partenariat avec le spécialiste de la prévoyance, MetLife France, et avec le soutien des différentes associations professionnelles (Anacofi, ANCDGP, CNCEF Patrimoine, CNCGP et La Compagnie des CGP). L’objectif était de valoriser le dispositif mis en œuvre par un conseil en gestion de patrimoine pour protéger aussi bien son activité professionnelle, ses (éventuels) associés, ses clients et ses collaborateurs, mais aussi ses héritiers en cas d’incapacité temporaire ou totale d’exercer, ou décès prématuré. En effet, les CGP se doivent d’appliquer à eux-mêmes les conseils qu’ils prodiguent au quotidien à leurs clients et adapter ces mesures préventives aux spécificités de leur activité et de leur situation matrimoniale.
Parmi les dossiers présentés – tous d’une très grande qualité –, c’est celui d’Alexis Teillant, cogérant du cabinet Axe Conseils Patrimoine qui a retenu l’attention du jury. Dotée de 90 millions d’euros d’encours conseillés, cette société située au Havre (Seine-Maritime) repose sur deux associés – Samuel Jacop et Alexis Teillant –, deux salariées– une juriste et une CGP – et un apporteur d’affaires.
Une sensibilité pour la matière
Diplômé du master 2 en gestion de patrimoine de l’IUP Banque-assurance de Caen et après une année en alternance en banque privée, Alexis Teillant embrasse la profession de CGP dès la sortie de ses études, en 2009, dans un cabinet havrais où il bénéficie de « beaucoup d’autonomie ». Quelques années plus tard, en 2016, il s’installe, toujours au Havre, en rachetant la clientèle d’un confrère cessant son activité. « L’opportunité de prendre mon envol a été le fruit d’une envie, mais aussi du hasard : d’un covoiturage et d’échanges informels lors desquels j’ai appris qu’un CGP basé à Evreux avait été victime de plusieurs AVC qui l’empêchaient d’exercer… J’ai été très touché par sa maladie et cette idée qu’un malheur puisse survenir sans préavis ne m’a pas quittée. » Il décèle des opportunités de développement, puisque « la clientèle dotée de revenus importants était essentiellement investie en fonds en euros. Le risque était donc limité ».
Sensible à la protection patrimoniale de ses clients, Alexis Teillant n’hésite pas à citer son parcours comme exemple pour les convaincre de mettre en place des solutions concrètes. Dès le rachat du cabinet effectué en 2016, il applique à lui-même les conseils qu’il prodigue à ses clients lorsqu’il s’associe avec Samuel Jacop l’année suivante. « Plusieurs raisons m’ont poussé à cette association : ne pas subir l’isolement du chef d’entreprise, travailler en équipe, mais aussi sécuriser mon actif professionnel en termes de pérennité économique et de prévoyance. Avec Samuel, nous sommes complémentaires. Comme il est de dix-sept ans mon aîné, nous disposons d’une clientèle différente, ce qui est bénéfique au quotidien. Une association, c’est comme un mariage : ce n’est pas évident chaque jour. Adapter les statuts permet d’assurer une bonne entente dans le temps. »
Identifier les risques
Alexis Teillant a tout d’abord cherché à identifier les risques et leurs conséquences. « En cas d’accident ou maladie, donc d’incapacité temporaire ou permanente d’exercer ma profession, je devais répondre aux problématiques suivantes : assurer la gestion/reprise de ma clientèle, prévoir le rachat des parts sociales, assurer la gestion des collaborateurs, pallier ma perte de revenus. En cas de décès, il s’agissait d’assurer la continuité de la gestion du portefeuille clients, le rachat de clientèle et des parts sociales et la transmission de mon patrimoine personnel ».
Incontournable prévoyance
Dès lors, les associés ont tout d’abord souscrit des contrats de prévoyance :
- une garantie croisée, afin de faire face à son décès ou celui de son associé, chacun étant bénéficiaire du contrat de l’autre (exonéré de droits de succession). Le capital versé en cas de décès garantit tout ou partie de la valeur des parts, ce qui permet d’en anticiper la transmission et d’éviter de subir des situations d’indivision avec les ayants droit de l’associé décédé ;
- une garantie homme-clé : le cabinet a adhéré à une assurance homme-clé garantissant son décès ou une éventuelle incapacité totale de travail. Par ce biais, l’entreprise perçoit un capital en cas de décès ou une indemnité journalière en cas d’invalidité lui permettant de l’aider à se restructurer (recherche d’un associé ou recrutement d’un salarié).
Alexis Teillant précise : « du fait de la répartition inégalitaire des parts sociales, mon associé, Samuel Jacop, n’a pas été assuré, car la garantie croisée en cas de décès me permettrait d’embaucher une nouvelle personne. A l’inverse, si je décède, le capital perçu par mon associé avec la garantie croisée ne lui suffirait pas pour me remplacer ».
Assurer le bon fonctionnement de l’entreprise
Ces contrats de prévoyance n’étant pas suffisants pour répondre à l’ensemble des problématiques identifiées, les statuts de la société ont également été rédigés de façon personnalisée pour les deux associés afin d’éviter la paralysie de la structure en cas de décès de l’un d’entre eux et donc faciliter les prises de décision. Cela concerne :
- les prises de décisions collectives : « Nous avons prévu que les décisions collectives ordinaires et certaines décisions extraordinaires (hors modification des statuts, autorisation de cession ou transmission de parts sociales qui sont soumises à agrément) soient prises à la majorité des trois-quarts des parts sociales, ce qui permet des débats. En cas de décès d’un associé, seules les parts de l’associé survivant seront prises en compte pour le calcul des règles de majorité, ce qui lui permet de gérer librement l’entreprise » ;
- la clause d’agrément, selon laquelle en cas de décès d’un associé, ses héritiers ne deviennent pas associés de la société de plein droit car ils n’en ont pas nécessairement les compétences. Les statuts sont rédigés ainsi : « En cas de décès d’un associé, la société continue seulement avec les associés survivants. Les héritiers, ayants droit et conjoint de l’associé décédé sont seulement créanciers de la valeur des parts de leur auteur, déterminée au jour du décès, dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil, est-il indiqué dans les statuts. (…) Les parts sont rachetées dans les six mois à compter de la date du décès par les associés survivants. (…) Avec le consentement des héritiers, ayants droit et éventuellement du conjoint, la société peut également, dans le même délai, racheter les parts de l’associé décédé au prix déterminé dans les conditions ci-dessus, en réduisant corrélativement son capital. »
Alexis Teillant explique : « L’absence de blocage, permet à la société d’éviter de se dévaloriser et facilite la reprise des parts, tout en favorisant les héritiers de l’associé décédé qui ont le droit à la valeur des parts ».
Sécuriser sa famille et ses héritiers
D’un point de vue personnel, Alexis Teillant a également organisé son patrimoine. Père divorcé d’une fille de cinq ans, il précise « avoir constaté au décès de ma mère que les proches du défunt ne sont pas dans les meilleures dispositions pour s’occuper de ces questions, surtout lorsqu’ils ne sont pas des connaisseurs du sujet ». Divers contrats de prévoyance ont été souscrits, et la nomination d’un tiers administrateur a été prévue.
Côté prévoyance, il souscrit à différents contrats : indemnités journalières en cas d’ITT, rente invalidité, rente éducation, capital-décès et une garantie droits de succession. « Le régime obligatoire de retraite et de prévoyance des indépendants offrant un faible niveau de couverture en cas d’arrêt de travail, d’invalidité ou de décès, j’ai décidé de renforcer ma prévoyance individuelle pour me permettre de recevoir une indemnité, une rente ou un capital complémentaire. Cela permettra de maintenir mon niveau de vie, et assurer à ma fille une stabilité et une sécurité financière ».
Par ailleurs, il nomme, dans son testament, un tiers administrateur professionnel de biens de confiance jusqu’à la majorité de sa fille, considérant « qu’en cas de décès prématuré, elle serait possiblement mineure au moment de la transmission ».
Dès lors, ses biens immobiliers seraient gérés par cet administrateur et en cas de vente, les produits issus de celle-ci seront utilisés exclusivement pour assurer les dépenses nécessaires à son éducation. « Un mandat à effet posthume peut également être envisagé », précise Alexis Teillant.
Par ailleurs, une SCI familiale a été constituée, avec une donation en démembrement de propriété des parts sociales à sa fille afin de limiter les droits de succession.
Conseiller et transmettre son savoir-faire
Alexis Teillant a donc mis en place différents dispositifs juridiques et de prévoyance qui assurent la tranquillité des personnes qui l’entourent et qu’il n’hésite pas à préconiser à ses clients. « Ces notions sont très rarement perçues par les clients. En termes de chiffre d’affaires, préconiser un mandat de protection future ou un mandat à effet posthume est peu rémunérateur, mais chez Axe Conseils Patrimoine nous développons ces aspects de façon systématique. C’est une preuve de la valeur ajoutée de notre conseil car le client se rend compte que son intérêt est notre priorité. D’ailleurs, on peut avoir des difficultés à mettre en place ces actes avec certains notaires qui y voient une potentielle mise en cause de leur responsabilité pour peu d’honoraires facturés… En tant que conseil, on se heurte également à la crainte de nos clients de passer un examen de santé ou simplement répondre à un questionnaire lorsqu’on préconise la souscription d’un contrat de prévoyance. Cependant, lorsqu’on chiffre les enjeux, notamment sur la dévalorisation de la société, et qu’on matérialise les conséquences sur sa famille, on parvient souvent à convaincre le client, et le lien se renforce. »
Passionné de ces enjeux, Alexis Teillant enseigne également au sein du master en Gestion de patrimoine à l’IAE de Caen, où il est chargé du module assurance-prévoyance-retraite du chef d’entreprise : « Enseigner me force à reformuler mes conseils auprès de mes clients et me rend plus pédagogue en recourant notamment à des cas pratiques ».
Un cédant rassuré
Alexis Teillant et Samuel Jacop ont réalisé une opération de croissance externe il y a quelques mois, qui a notamment eu pour objectif pour le cédant de sécuriser son activité. En effet, ils se sont rapprochés d’un cabinet local dont le dirigeant va progressivement partir à la retraite. « Ce CGP souhaitait “s’adosser” à notre cabinet pour assurer le suivi de ses clients s’il décédait prématurément ou se trouvait dans l’incapacité d’exercer son activité. Cette solution de céder son portefeuille avant sa cessation d’activité m’apparaît comme une mesure pertinente pour assurer la pérennité de la relation client, et j’envisage de conseiller ce montage à mes clients. »
Une collaboration « naturelle »
Vincent Tholance, directeur de l’expertise, de la formation et du développement du marché des CGP chez MetLife, nous livre son sentiment sur cette cinquième édition du prix de l’Initiative, dont MetLife est le partenaire. « La collaboration MetLife-Profession CGP pour le prix de l’Initiative semblait naturelle au regard du thème “La sécurisation de l’activité des CGP”. En effet, la prévoyance patrimoniale est l’élément essentiel de cette protection, tant à titre personnel et familial qu’au titre de la société intégrant les salariés et toutes les parties en présence. Les associations professionnelles (Anacofi, ANCDGP, CNCGP, CNCEF, la Compagnie des CGP) sollicitées, puisque cette problématique est un sujet central de réflexion, ont participé, pour la première fois, au choix du vainqueur, et nous espérons que les bonnes pratiques dévoilées par les candidats pourront être appliquées à d’autres cabinets. Le dossier d’Alexis Teillant a retenu l’attention car il évoque à la fois l’historique de son activité et sa prise de conscience de la sécurisation de son cabinet, mais également l’application, dans ses conseils patrimoniaux, de la protection du patrimoine par la prévoyance. Nous lui souhaitons une belle continuation sur cette voie du conseil et de la prévoyance. La mobilisation autour de ce prix a permis la découverte d’idées innovantes et de bons projets que nous espérons voir se développer rapidement. Nous constatons que tous les métiers de la gestion de patrimoine (courtier, CGP, mais aussi family officer) peuvent être attentifs à cette approche essentielle à la préservation du patrimoine familial et professionnel. »
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