Bruno Narchal (à droite), président-directeur général, et Jean-Maximilien Vancayezeele, directeur général du groupe Crystal Expert & Finance

Le 15 septembre, Apax Partner annonçait sa prise de participation au sein du groupe Crystal Expert & Finance qui, à cette occasion, se séparait d’Alpheys, sa plate-forme de distribution de produits bancaires et assurantiels auprès des CGP. Bruno Narchal et Jean-Maximilien Vancayezeele, respectivement président-directeur général et directeur général, évoquent l’entrée au capital du fonds d’investissement Apax France X et leurs objectifs de développement.

Profession CGP : Près de huit mois après son annonce, vous venez de finaliser le remodelage de votre capital. Quelle est sa composition ?

Jean-Maximilien Vancayezeele : Il est vrai que cette opération a pris du temps à se finaliser, car elle dépendait de la cession de nos activités en BtoB. Pour nous séparer d’Alpheys Invest qui dispose du statut de PSI, nous étions tributaires de l’accord de l’ACPR. Ce dossier a donc ralenti le processus, tout comme le Brexit et la crise de la Covid-19.

Bruno Narchal : Désormais, le groupe Crystal Expert & Finance est détenu à majorité par le fonds Apax France X d’Apax Partners. Viennent ensuite le management du groupe de façon significative, principalement Jean-Maximilien et moi, et une trentaine d’autres associés, et enfin le groupe Ofi Asset Management pour 15 %. Apicil est donc sorti de notre capital lors de cette réorganisation capitalistique.

PCGP : Pourquoi avez-vous décidé de faire entrer un fonds d’investissement à votre capital ?

B. N.  : Nous souhaitons devenir un acteur majeur du marché de la gestion de patrimoine qui se concentre actuellement. Nous avons désormais les moyens de notre ambition : réaliser des opérations de croissance externe de toutes tailles, toujours avec des entrepreneurs qui nous rejoignent dans un projet commun.

En effet, la dimension humaine est primordiale dans notre métier et pour la réussite de ses opérations car elles reposent sur le savoir-faire de chacun. Nous maîtrisons désormais l’intégration de structures et d’équipes. La réussite d’une opération repose sur la compréhension des modèles pour un développement commun. Par exemple, nous avons su conserver les équipes d’Expert & Finance lors du rachat, au contraire nous les avons renforcées et avons su créer des synergies avec celles de Crystal.

Expert & Finance nous a apporté son savoir-faire en termes d’interprofessionnalité avec des bonnes pratiques que nous avons ensuite diffusées sur l’ensemble de nos structures, y compris à l’international. Cette interprofessionnalité est souvent une doctrine ou un fantasme, chez nous c’est une réalité.

J.-M. V.  : Nous accordons également beaucoup d’importance à la régionalité. Après des années de mondialisation, nous revenons à un ancrage local, la proximité client, la transmission entre générations… Nous assistons à un retour au besoin de proximité et à une meilleure compréhension de notre environnement. Ce constat est valable en France, mais aussi à l’international.

Avec l’arrivée d’Apax, nous pouvons donner des perspectives à ces dirigeants qui pourraient nous rejoindre dans les mois à venir, aussi bien en France qu’à l’international, où les perspectives de développement sont aussi importantes avec prochainement des ouvertures de bureaux à Hong Kong et Singapour. L’entrée d’Apax à notre capital va ainsi nous permettre de déployer une approche multimarque en matière de gestion de patrimoine.

PCGP : Quel type de structure souhaitez-vous acquérir ?

B. N. :  Il peut s’agir d’opérations diverses : il n’y a pas de taille minimum dès lors que nous détectons un savoir-faire. Il peut également s’agir de plus grosses structures, de portefeuilles de banques ou services de gestion privée d’asset management.

L’opération peut se matérialiser par une prise de participation totale ou majoritaire, mais peut aussi être minoritaire avec une évolution dans le temps vers la majorité. Notre modèle reste protéiforme.

PCGP : Outre les moyens financiers, quels sont les apports d’Apax ?

B. N. :  Apax, dont il s’agit du dixième véhicule d’investissement créé avec, en moyenne, dix prises de participation par fonds, a été le premier fonds mid-market à s’intéresser à ce secteur. Il s’agit avant tout d’une histoire humaine : nous avons senti l’engagement et l’intérêt de chacun des associés pour notre projet. Et nous ne voulions pas d’un partenaire financier passif. En effet, la société va nous mettre à disposition ses compétences humaines. L’équipe d’Apax compte quatre axes d’accompagnement des entreprises : au niveau digital, puisqu’il s’agit d’un des seuls acteurs de Private Equity qui dispose d’un Chief Digital Officer, Grégory Salinger, ancien dirigeant de Microsoft Europe et créateur de start-up, dans l’accompagnement, dans la réalisation des opérations de croissance externe, mais aussi dans l’internationalisation des structures – ce qui nous concerne moins –, et dans la mise en œuvre d’une politique de responsabilité sociale d’entreprise.

PCGP : Quels sont vos projets sur le digital ?

J.-M. V. : On le sait tous, et encore plus depuis la crise sanitaire, le digital est un formidable levier de croissance et de conquête, et d’amélioration de la profitabilité.

Parmi nos chantiers, dont certains sont déjà bien avancés, il s’agit :

- de notre réputation digitale, avec par exemple l’organisation de webinaires avec nos partenaires ce qui a nécessité la refonte de l’ensemble de nos sites ;

- du conseiller augmenté : c’est-à-dire d’aider nos conseillers dans l’exercice de leurs fonctions en faisant communiquer les systèmes d’information entre eux en interne, mais aussi avec ceux de nos partenaires ;

- et la création de marques directes. Cela concerne notamment nos clients expatriés avec la création à terme d’une néobanque leur permettant d’ouvrir facilement un compte en France pour sécuriser leurs transactions, assurer la gestion de leurs comptes en multidevises et proposer une offre de gestion de patrimoine digitale, mais toujours avec une dimension humaine.

PCGP : Pour quelles raisons avez-vous décidé de vous séparer d’Alpheys ?

B. N. : Face à l’accélération de la concentration sur le marché des conseils en gestion de patrimoine, il nous paraissait difficile de nous concentrer avec autant d’importance à la fois sur l’activité en BtoB que sur l’activité en BtoC, sans pour autant totalement couper les ponts. Alors que sur la période 2019-2020 nous avons beaucoup œuvré autour de l’offre en BtoB, nous avons fait le choix de nous concentrer sur ce qui fait notre expertise depuis notre origine, à savoir l’activité de conseil haut de gamme auprès du client final.

PCGP : Sur quelles activités pourriez-vous continuer à collaborer avec les cabinets de conseil en gestion de patrimoine ?

J.-M. V. : Nous pensons notamment à notre structure de plate-forme immobilière Pierre by Crystal qui est le fruit de la réunion des savoir-faire des équipes de Crystal Finance et d’Expert & Finance, ainsi qu’à notre service de financement. Pierre by Crystal s’appuie sur une grosse expertise de sélection d’opérations en location meublée et en montage d’opérations en démembrement de propriété, et dispose d’un service après-vente d’une grande qualité.

PCGP : Pourriez-vous nous présenter votre concept de « multimarques » en gestion de patrimoine ?

J.-M. V. :  Nous allons poursuivre le développement de notre portefeuille de marques. Dans notre industrie, la dimension humaine est importante ; or nos clients sont attachés à une marque. Nous nous en sommes bien rendu compte lors de l’acquisition d’Expert & Finance : les experts-comptables n’auraient pas compris un changement d’identité. La marque Crystal est également importante à l’international.

Une marque haut de gamme devrait venir compléter le dispositif prochainement. Cette entité serait un lieu unique pour nos clients à qui nous réserverions une expérience client rare et qui ferait appel aux meilleures expertises du groupe. Nous sommes convaincus de la nécessité d’apporter un service de gestion privée de luxe à nos clients et nous comptons bien l’affirmer via cette structure, mais aussi sur l’ensemble de nos autres marques.

PCGP : Un mot sur vos chiffres de collecte et d’encours et vos ambitions à moyen terme ?

J.-M. V. : Entre 2017 et 2019, le groupe a, par croissance organique, multiplié par deux sa collecte. 2020 a été une année plus difficile, notamment pour notre activité à l’international en raison des difficultés à voyager, mais nous avons su maintenir nos marges, notre profitabilité et conquérir de nouveaux clients (six-cent-quatre-vingt l’an passé chez Expert, par exemple).

Notre collecte a atteint 600 millions d’euros en 2020, notamment 370 millions pour Expert et 170 millions d’euros pour Crystal. Notons également que l’an passé nous avons facturé près de 3 millions d’euros d’honoraires de conseil. Notre début d’année est déjà très bon avec une croissance organique de + 15 % sur le premier trimestre.

Aujourd’hui, le groupe dispose de près de 3 milliards d’euros d’encours : 2 milliards pour Expert & Finance, 700 millions pour Crystal Finance, le solde provenant de Crystal Mobility, ProtectSport, Pierre by Crystal.

Notre dynamisme nous permet d’attirer des talents. Ainsi, sur les trois dernières années nous avons recruté cinquante personnes sur un effectif global de deux-cent-cinquante collaborateurs. L’âge moyen est de trente-deux ans, avec beaucoup de trentenaires et quarantenaires à des postes clés, ce qui nous offre beaucoup de dynamisme.

B. N. : Quant à nos objectifs, il s’agit d’atteindre, à moyen terme, les dix milliards d’euros d’actifs conseillés. Notre taille nous permettra, encore plus qu’hier, de pouvoir continuer à concevoir avec nos partenaires des produits spécifiques qui répondent à leurs attentes.

Mais au-delà des objectifs de taille, notre priorité restera d’être à la pointe dans la qualité de service pour nos clients et un groupe bâti autour de ses équipes, dans un souci permanent d’indépendance et d’excellence.