L'assurance-vie obligée d'innover
Avec l’adoption de la loi Sapin II qui donne des pouvoirs élargis au Haut comité de stabilité financière (HCSF), des rendements attendus pour 2016 pour les fonds euros inférieurs à 2 % et une décollecte en octobre de 100 millions d’euros, le secteur de l’assurance-vie n’aura pas vécu une très belle fin d'année. Les assureurs-vie sont obligés de se réinventer en innovant dans leur offre.
Selon les chiffres de la Fédération française de l’assurance (FFA) publiés en novembre, l’assurance-vie a connu pour la première fois depuis de nombreuses années une collecte nette négative de l’ordre de 100 millions d’euros en octobre dernier. Certes, ce montant reste anecdotique face à l’encours de 1 621 milliards d’euros et une collecte nette de 15,7 milliards d’euros (dont 11,5 milliards d’euros sur les unités de compte), enregistrés depuis début janvier à fin octobre 2016. Mais il est des plus révélateurs : les retraits ont été supérieurs aux versements (10,1 Md€ placés en octobre, contre 10,2 Md€ reversés par les assureurs-vie).
Alors quelles explications données si ce n’est que les Français, jusqu’alors attirés par ce placement aux dispositifs fiscal et successoral attractifs, se détournent pour la première fois de l’assurance-vie. Un secteur dont la perspective au niveau mondial a été abaissé de stable à négative pour 2017 par l’agence de notation Moody’s Investors Service qui s’inquiète d’une possible volatilité plus élevée des marchés financiers en 2017 en raison de risques géopolitiques toujours importants… Mais en novembre, toujours selon les chiffres de la Fédération française de l'assurance rendus publics le 22 décembre, l'assurance-vie avait relevé la tête en novembre, avec une collecte nette positive de 1,1 milliard d'euros pour un encours de 1 624 milliards d’euros, soit une progression de 2 % sur un an.
Les pouvoirs du HCSF et la baisse des rendements
Comme tentative d’explications de cette collecte nette négative, la polémique d’octobre dernier née de la loi Sapin II et son fameux article 21 bis et article 49, qui prévoient de bloquer toutes possibilités de rachat de l’assurance-vie par les épargnants en cas de menace de stabilité financière, tout en étendant les pouvoirs du HCSF (Haut comité de stabilité financière), et la baisse du rendement des fonds en euros. Un article définitivement adopté le 9 décembre et publié au Journal officiel le 10 décembre (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin II).
Autant dire que les assureurs ont écouté et entendu le HCSF qui réitérait, lors de sa dernière réunion de l’année, le 12 décembre dernier, sa vigilance « sur les conséquences de l’environnement de taux bas sur les institutions financières » et son appel « à une prudence accrue dans l’offre de crédit tout comme en matière de rendements offerts aux épargnants ». S’agissant des rendements offerts aux épargnants, le HCSF « prend acte de l’évolution de la formule fixant la rémunération de l’épargne règlementée et rappelle la nécessité de poursuivre la mise en adéquation des rendements de l’ensemble des produits d’épargne avec l’environnement financier actuel, et la prudence qui doit présider à leur détermination pour garantir la solidité des acteurs ».
Le Haut Conseil a aussi pris note « des pouvoirs qui lui ont été confiés à la suite de la promulgation de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et qui complètent, notamment en matière d’assurance, les pouvoirs qui lui avaient été confiés par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de 2013. Les dispositions de l’article 49 de la loi étendent ses pouvoirs en matière de fixation de conditions d’octroi de crédit à l’ensemble des acteurs supervisés pouvant effectuer des opérations de crédit, autorisent la mise en place d’une modulation des règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices des organismes d’assurance en fonction des circonstances macrofinancières, permettent une approche sectorielle dans la mise en œuvre de mesures conservatoires dans le secteur de l’assurance, en cas de menace grave et caractérisée, afin de protéger la stabilité financière et l’intérêt des assurés, adhérents et bénéficiaires, et précisent les conditions dans lesquelles il peut demander communication de certaines informations ».
Et les premiers rendements des fonds en euros annoncés par Mutavie et AG2R La Mondiale marquent bien la fin d’un cycle dans un contexte de taux bas sur les marchés risqués qui pénalise les performances des contrats euros. Tous assurent qu’ils ont sciemment réduit la rémunération des assurances-vie en euros pour sécuriser les rendements futurs, tout en continuant de renforcer la solidité de leur société.
L’unité de compte, la reine du bal, dans les nouveaux contrats
Face à cette conjoncture, et afin de continuer d’étoffer leur gamme, les assureurs-vie innovent en proposant de nouveaux contrats dans l’air du temps, avec un capital investi sur des unités de compte pour doper les rendements.
Comme chez Allianz France qui lance Allianz Active4Life, distribué par tous les réseaux commerciaux d’Allianz France, une offre d’assurance-vie qui allie performance et protection, pour dynamiser l’épargne tout en limitant les impacts des fortes secousses boursières. Pour profiter du dynamisme des marchés financiers, le capital est investi sur un support exprimé en unités de compte avec deux approches : équilibrée et dynamique. « L’investissement en unités de compte présente un intérêt renforcé dans le contexte actuel de taux bas, explique Alain Burtin, directeur des marchés et du développement produits d’Allianz France. Mais les aléas boursiers ne sont pas rares et peuvent causer des préjudices financiers importants. Comme nous nous assurons tous contre des risques touchant à notre logement, notre voiture et notre santé, pourquoi ne pas offrir la possibilité de dynamiser son épargne tout en la protégeant des chocs boursiers, de façon simple et souple ? » Les supports sont totalement gérés par Allianz Global Investors, l’un des leaders mondiaux en gestion d’actifs, et l’épargnant peut suivre quotidiennement l’évolution de leur valeur sur son espace client en ligne. Les frais de l’option sont transparents et communiqués chaque année au client qui peut décider d’activer l’option ou pas.
Chez Nortia aussi, on a décidé de jouer l’innovation avec EuroActifs #2, la nouvelle génération de fonds euros actifs distribuée exclusivement auprès de CGPI, avec le double objectif de surperformer les fonds en euros traditionnels grâce à une poche de diversification sur mesure, tout en maîtrisant les risques. EuroActifs #2 offre à ses souscripteurs un niveau de garantie à 98 % du capital d’une année sur l’autre, et permet au gérant de disposer de plus de latitude pour aller chercher de la performance. Ce fonds prend aussi en considération les évolutions de la réglementation des compagnies d’assurance, notamment la contrainte de fonds propres minimum exigée par la directive Solvabilité II. « Les caractéristiques des fonds en euros traditionnels sont la garantie du capital, l’effet cliquet et la linéarité de sa valorisation. Avec les EuroActifs #2, précise Philippe Parguey, associé chez Nortia, nous intervenons sur le niveau de garantie en capital pour surperformer les fonds euros traditionnels, les deux autres avantages étant conservés. Il s’agit donc d’une version différente de l'offre Flexi mise en place avec CNP et qui elle joue sur l’effet cliquet avec une garantie en capital à quatre ans. […] En abandonnant une partie de la garantie en capital, 2 % maximum, et en octroyant au gérant une latitude d'investissement élargie, l’investisseur peut espérer avoir une rentabilité supérieure à celle un fonds en euros traditionnel d'environ 1 à 1,5 point les années de hausse. » Tout est dit.
Même du côté des bancassureurs, le système se réinvente, comme pour le réseau des Caisses d’épargne qui commercialise depuis mi-octobre, une nouvelle offre en assurance-vie de Natixis Assurances. Une gamme baptisée Millevie, structurée autour de trois contrats multisupports dans l’objectif est d’apporter à chaque client la solution la plus pertinente au regard de sa situation et de ses besoins. Millevie Essentielle est accessible dès 100 euros, avec la possibilité d’effectuer des versements programmés à partir de 30 euros par mois et de les assortir, sur option, d’une réévaluation automatique annuelle. Il propose une sélection diversifiée de supports financiers, deux options d’arbitrages automatiques et une garantie plancher en cas de décès. De plus, Millevie Essentielle offre un arbitrage gratuit par an. Millevie Premium est destiné aux clients qui cherchent à valoriser un capital. Accessible à partir de 15 000 euros, il propose deux modes de gestion : la gestion libre pour gérer son contrat en toute autonomie grâce à une gamme étendue de supports financiers et quatre options d’arbitrages automatiques pour en tirer le meilleur parti ; les orientations de gestion qui permettent de confier la gestion financière de son contrat à des experts en choisissant parmi trois orientations de gestion celle qui convient le mieux à son profil d’investisseur. Et enfin, Millevie Infinie est dédié aux clients qui cherchent à valoriser leur patrimoine et à organiser leur transmission. Accessible à partir de 100 000 euros, il dispose de toutes les fonctionnalités et modes de gestion de Millevie Premium, auxquelles s’ajoute une large gamme de supports financiers en architecture ouverte avec un total de six options d’arbitrages automatiques.
Qu'en pensent les prévisionnistes ?
Pour l'économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, « Sur 2016, sous réserve des résultats du mois de décembre qui sont en règle générale bons, les résultats de l’assurance-vie devraient être proches de ceux de 2015 et 2014. Sur les onze premiers mois la collecte nette a été de 16,8 milliards d’euros. Par rapport à la crise de 2008-2009, il y a néanmoins un tassement de la collecte nette qui s’élevait en moyenne à plus de 50 milliards d’euros. Il n’en demeure pas moins que les Français, malgré la baisse des rendements, continuent de plébisciter ce placement qui leur offre tout à la fois de la sécurité, de la liquidité et du rendement comparativement aux autres produits financiers. »
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