Articuler assurance-vie et plan d’épargne-retraite
Par Mathieu Chauvin, président d’Eres Group, et Baptiste Petton, responsable expérience utilisateur et produit chez Eres
Dans le cadre d’une stratégie globale (épargne, préparation de la retraite, transmission, etc.), les enveloppes PER et assurance offrent chacun leurs avantages qui doivent être combinés pour satisfaire les objectifs patrimoniaux. Illustration.
Le plan d’épargne-retraite (PER) est né le 1er octobre 2019 avec l’entrée en vigueur de la loi Pacte. L’ambition portée par le gouvernement est double : favoriser les mécanismes de partage du profit dans les plus petites entreprises et proposer aux épargnants une nouvelle enveloppe plus simple et plus attractive pour se constituer une retraite supplémentaire. L’objectif visé de développer l’épargne longue pour mieux financer l’économie est soutenu par deux mesures emblématiques : forfait social à 0 % dans les entreprises de moins de cinquante salariés et sortie en capital possible à la retraite, mais aussi pour l’acquisition de sa résidence principale. Les travailleurs non-salariés, qu’ils soient gérants d’entreprise, artisans, commerçants ou professions libérales, ont désormais à leur disposition des solutions plus performantes pour préparer leur retraite, soit au sein de leur activité professionnelle, soit à titre individuel. Explications.
Penchons-nous sur un exemple concret : Christelle est médecin, TNS avec un BNC de 130 000 € ; Jean est cadre supérieur dans une entreprise, avec une rémunération brute de 60 000 €. Quelle sera l’efficacité du plan d’épargne-retraite dans leur cas ? Sera-t-il réellement plus intéressant qu’un contrat d’assurance-vie classique ?
Quelle solution permet de récupérer la somme la plus importante au moment de sa retraite ?
Imaginons que Christelle effectue un versement annuel de 10 000 €, vingt ans avant sa retraite et comparons la somme nette disponible à la sortie sur le PER à celle dont elle disposerait si elle avait utilisé le même effort d’épargne sur un contrat d’assurance-vie. Nous prendrons une hypothèse prudente de revalorisation annuelle de l’épargne de 2 %.
Les 10 000 € versés annuellement sur son PER permettent à Christelle de bénéficier de 4 100 € d’économie d’impôts sur le revenu chaque année. Ainsi, les 10 000 € versés ne lui auront réellement coûté que 5 900 €. En raisonnant à iso-budget, elle aurait pu placer 5 900 € sur son assurance-vie. Au bout de vingt ans, la valeur brute du PER sera de 14 859 €, alors que celle de l’assurance-vie sera de 8 767 €.
A la retraite, lorsqu’elle liquidera son PER, Christelle anticipe une pension imposable de 45 000 € (en euros constants). Jean, quant à lui, bénéficiera d’un taux de remplacement supérieur car il est salarié. On estime sa pension imposable future à 40 000 €. Leur taux marginal d’imposition sera ainsi de 30 %.
Christelle sera redevable d’une fiscalité de 4 458 € (intégration à l’impôt sur le revenu pour le capital et PFU pour les plus-values) sur le plan d’épargne-retraite, contre seulement 493 € (prélèvements sociaux pour les plus-values) sur l’assurance-vie.
Net de fiscalité en sortie et pour le même effort d’épargne initial (5 900 €), Christelle disposera de 10 401 € sur un PER, contre 8 273 € sur une assurance-vie.
Comment expliquer cette efficacité supérieure du PER par rapport à l’assurance-vie ?
Pour simplifier, l’écart d’efficacité (cf. graphique) peut être synthétisé en trois indicateurs :
- sas fiscal : économie d’impôt sur le revenu à l’entrée - impôt sur le revenu en sortie : dans notre exemple : (41 % - 30 %) x 10 000 € = 1 100 € ;
- différentiel de fiscalité sur les plus-values générées sur l’effort d’épargne net : nous considérons dans notre exemple le différentiel de fiscalité (17,2 % - 30 %) multiplié par la plus-value réalisée sur l’assurance-vie (8 767 € - 5 900 €) = - 367 € ;
- levier financier du PER lié à la capitalisation de l’avantage fiscal : dans notre exemple, économie d’impôt annuelle (4 100 €) + rendement (2 %) pendant 20 ans - fiscalité sur la plus-value (30 %) = 1 395 €.
L’efficacité fiscale du PER de Christelle
Au total, c’est 2 128 € dans la poche de Christelle à la retraite !
Analysons l’efficacité comparée de ces deux solutions en fonction de la TMI du couple à l’entrée et à la sortie.
Epargner beaucoup sur le PER, n’est-ce pas détruire de la valeur ?
Verser 10 000 € par an sur vingt ans permet de constituer un capital de 242 973 € à la retraite sur le plan d’épargne-retraite (dont 42 973 € de plus-values avec une hypothèse de revalorisation de l’épargne de 2 %).
En liquidant son PER en une seule fois, Christelle serait redevable d’une fiscalité de 76 308 €. Mais a-t-elle besoin de la totalité de son épargne à 65 ans ?
Si Christelle a épargné pour bénéficier d’un complément de revenus réguliers, nous conseillons une décumulation progressive via des rachats fractionnés : en pratique, on lui proposera un rachat maximal annuel de 51 738 € sur six ans qui lui évitera un saut de tranche d’imposition marginale (l’imposition totale sur le capital sera ainsi limitée à 60 000 €).
N’oublions pas que Christelle est TNS. De plus, elle emploie un salarié dans son entreprise. En ce sens, elle aurait pu choisir de verser ses cotisations 154 bis (ex-cotisations Madelin), non pas sur un plan d’épargne-retraite individuel, mais sur un dispositif d’entreprise, afin de mettre en place de l’abondement sur ses versements. En effet, les flux d’épargne salariale ne sont pas imposables en sortie lorsque le capital est récupéré.
Pour arriver aux 10 000 € versés dans l’exemple précédent, nous imaginons que Christelle verse 2 500 € abondés à 300 %. Seuls 50 000 € seront soumis à imposition sur le revenu, soit 15 000 € d’imposition à 30 %.
Le gain est significatif, car seule la CSG-CRDS n’est imputée sur l’abondement, et les plus-values qui en sont issues ne sont soumises qu’à 17,2 % de prélèvement sociaux (pour les versements volontaires, c’est le PFU à 30 % qui s’applique).
Rappelons tout de même que l’abondement est un dispositif collectif et que le salarié y est éligible. Néanmoins, ce taux peut être modulé. Le chef d’entreprise peut aussi opter pour un taux d’abondement plus faible, à 75 % qui est moins incitatif pour un versement jusqu’au plafond, tout en permettant une efficacité à titre personnel. Il serait également possible d’imaginer un montage où le gain personnel du TNS pourrait servir à offrir un supplément de rémunération aux salariés.
Nota bene : le gain lié à l’absence de charges sociales sur l’abondement n’a pas été chiffré, mais renforcerait la démonstration.
Quel plan d’épargne permet de transmettre la somme la plus importante ?
Si Christelle n’a pas besoin de revenus supplémentaires pour compléter ses pensions obligatoires, n’aurait-elle pas mieux fait d’épargner sur un contrat d’assurance-vie pour transmettre plus efficacement à ses bénéficiaires (ses enfants) ? Même cas, même exercice. Mais désormais, regardons la transmission, avec comme question « vais-je transmettre plus de valeur en plaçant sur mon assurance-vie ou sur mon PER ? ». Nous prenons l’hypothèse la plus défavorable au plan d’épargne-retraite avec un décès qui a lieu après 70 ans (pas d’avantage successoral : les sommes transmises sont réintégrées dans l’actif successoral, et pour simplifier, nous ne tiendrons pas compte de l’abattement de 30 500 € considéré comme consommé par ailleurs).
Nous partons toujours d’une situation où Christelle a versé 10 000 € sur un PER, contre 5 900 € sur une assurance-vie, du fait de l’économie d’impôts sur le revenu. La capitalisation brute reste identique avec 14 859 € pour le plan d’épargne-retraite, contre 8 767 € pour l’assurance-vie. Pour le PER, nous devons retrancher les prélèvements sociaux de 17,2 % sur les plus-values et les droits de mutation à titre gratuit estimés à 20 % (pour une transmission parent-enfant dans la limite de 552 423 € et sans tenir compte de l’abattement de 100 000 € réputé consommé par ailleurs), ce qui nous donne une valeur nette transmise de 11 052 €, contre 8 274 € sur l’assurance-vie, où l’on ne retranche pourtant que les 17,2 % de prélèvements sociaux sur les plus-values.
Comment expliquer ce résultat surprenant ? Transmettre grâce au PER peut être très opportun lorsque l’avantage fiscal à l’entrée (41 % dans notre exemple) est supérieur à la taxation sur la transmission (20 % dans notre exemple).
Décumuler sur l’assurance-vie et transmettre avec le PER, contre-intuitif, mais efficace
Allons plus loin et analysons une situation « réelle ». Il est évident qu’un épargnant ne va pas constituer l’intégralité de son épargne sur un plan d’épargne-retraite, il est primordial de conseiller son client de façon holistique, notamment dans une optique de transmission patrimoniale.
Imaginons que Christelle et Jean, à 65 ans, aient constitué 100 000 € sur leur PER et 100 000 € en assurance-vie, avec 80 % de l’encours issu de versements ; ces contrats continueront à capitaliser à un taux annuel de 2 % durant leur retraite. Leur tranche marginale d’imposition est désormais à 30 %.
Imaginons que notre couple a besoin de 400 € de revenus nets supplémentaires par mois, soit 4 800 € par an. La consommation commence à 65 ans et on pose l’hypothèse que le décès du conjoint survivant intervient lorsqu’il a 80 ans. Nous supposerons qu’il y aura 20 % de droits de mutation en ligne directe (tranche de succession du couple correspondant à 552 000 € par bénéficiaire). En choisissant d’effectuer des retraits sur le plan d’épargne-retraite et de réserver l’assurance-vie pour la transmission, les enfants de Christelle toucheront à son décès (après quinze ans de retraits) :
- plan d’épargne-retraite : il ne restera plus que 6 910 € sur le PER, dont 2 883 € de plus-values sur le contrat. On retire à cela 1 382 € de droits de mutation dans la mesure où ce contrat fait entièrement partie de la masse successorale. On retire également 17,2 % aux plus-values, soit 496 € à retrancher. Il reste donc 5 032 € à transmettre avec le PER ;
- assurance-vie : l’assurance-vie aura une valeur de 134 587 €, du fait de la capitalisation durant la phase de retraite (54 587 € de plus-values). En y retirant les 17,2 % de prélèvement sociaux sur les plus-values, nous arrivons à une valeur nette transmise de 125 198 €. Soit 130 230 € au total.
Si Christelle décide d’effectuer ses retraits sur son assurance-vie, pour réserver son plan d’épargne-retraite pour la transmission, ses enfants toucheront à son décès (après quinze ans de retraits) :
- assurance-vie : il restera lors du décès du conjoint survivant 41 012 € de disponible sur le contrat, dont 17 112 € de plus-values. Il n’y a pas de fiscalité sur les rachats, donc le capital restant est plus important comparé au capital restant sur le PER à la suite des rachats programmés. Seront transmis 38 069 € grâce à l’assurance-vie (ont simplement été ponctionnés les 17,2 % de prélèvement sociaux sur la plus-value) ;
- plan d’épargne-retraite : le PER a une valeur de 134 587 €, dont 54 587 € de plus-values. On y retire les 17,2 % de prélèvement sociaux sur la plus-value et on applique 20 % de droits de mutation au contrat : 98 281 € seront transmis grâce au plan d’épargne-retraite. Soit 136 349 € au total.
Dans cet exemple, le total net transmis dans le cas où l’on effectue ses rachats programmés sur l’assurance-vie et où l’on transmet son plan d’épargne-retraite est de 136 349 €. La transmission globale serait moindre (130 230 €) dans le cas inverse où l’on consommerait le PER par des rachats pour transmettre avec l’assurance-vie.
Conclusion : les situations peuvent varier, une seule certitude : l’assurance-vie et le plan d’épargne-retraite vont de pair. Opposer l’assurance-vie et le PER n’a aucun sens. C’est l’articulation de ces deux enveloppes, en fonction des projets des investisseurs, de leur fiscalité, de leurs plafonds de déductibilité et, bien sûr, de leur contexte professionnel qui créera de la valeur. C’est dans cette optique qu’Eres innove et proposera, d’ici l’été, à ses partenaires un nouveau simulateur pour les aider à répondre aux besoins de leurs clients.
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