Réforme de l'ISF en IFI : quels changements pour les particuliers et comment s'y préparer ?
Par Frédéric Thienpont, juriste fiscal & patrimoine, GMBA Baker Tilly
La réforme de l’ISF a fait couler beaucoup d’encre lors de la campagne présidentielle. Promise par Emmanuel Macron durant sa campagne, la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a dans un premier temps été annoncée, reportée et enfin confirmée pour 2018. Lors de son discours de politique générale mardi 4 juillet, Edouard Philippe avait fixé le vote de la réforme de l’ISF en 2018 pour une entrée en vigueur à l’horizon 2019. La semaine suivante, le Premier ministre confirme à l'AFP une entrée en vigueur effective dès 2018.
Ces incertitudes concernant la date de mise en œuvre de l’IFI montrent, pour ce sujet éminemment politique, une véritable attente de la part des contribuables pour alléger la taxation du patrimoine le plus rapidement possible. Le nouvel impôt concernera donc uniquement le patrimoine immobilier afin de faciliter l’investissement et réorienter l’épargne vers l’économie réelle des entreprises. Ce qui n’est pas sans soulever de nombreuses questions pour les particuliers, notamment en termes de gestion de patrimoine.
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Des précisions attendues sur certains points
Si la mise en place du dispositif demeure encore floue, les particuliers peuvent être rassurés : les règles d’assujettissement à l’IFI devraient rester identiques à celles actuellement applicables pour l’ISF. Le nouvel impôt devrait conserver les mêmes barèmes, taux et plafonds actuels, soit une imposition à partir d’une valeur nette du patrimoine supérieure à 1 300 000 euros. Les taux d’imposition, de 0,50% à partir de 800 000 euros pouvant aller jusqu’à 1,5% pour un patrimoine dont le net taxable est supérieur à 10 000 000 euros, devraient continuer de s’appliquer, tout comme le plafonnement de l’imposition.
Au sujet de la mise en œuvre de la taxation immobilière, plusieurs interrogations se posent néanmoins, notamment concernant l’imposition des résidences principales et secondaires, les actifs immobiliers liés à l’activité professionnelle ou les sociétés composées majoritairement d’actifs immobiliers : quel sera le futur périmètre de l’IFI en matière immobilière ?
Si l’abattement de 30% sur la résidence principale devrait être conservé, le périmètre précis de la mise en application de l’IFI sur les différents actifs immobiliers n’a pas encore été précisé :
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- l’immobilier placé dans une société entrera-t-il dans le champ d’application de l’IFI ?
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- l’immobilier à usage professionnel fera-t-il toujours l’objet d’une exonération ?
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- une fois la réforme entérinée, quelle part du patrimoine immobilier sera déductible ?
Sur cette dernière question, seuls les passifs liés directement à l’immobilier seraient a priori déductibles (les emprunts liés à l’acquisition du bien, les emprunts pour les travaux, la taxe foncière, la taxe d’habitation…)
Enfin, changement majeur de la réforme : les valeurs mobilières ne devraient plus être taxées. A ce stade, l’exclusion des valeurs mobilières de l’assiette de l’IFI n’ayant pas été précisée, certains points méritent de s’y attarder :
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- qu’entend-on par valeurs mobilières ?
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- les valeurs mobilières placées à l’étranger seront-elles imposées ?
Les actions, les livrets d’épargne et les contrats d’assurance-vie devraient être couverts par l’exonération des valeurs mobilières. Le sort réservé aux sociétés civiles de placements immobiliers (SCPI), dont l’actif brut est constitué à plus de 50% par de l’immobilier, est, quant à lui, incertain. En effet, les placements immobiliers seront-ils taxés ? Reste enfin en suspens la question du sort qui sera réservé aux réductions d’impôts, telles que les mesures ISF-PME et ISF-Dons, qui permettent aux particuliers de réduire respectivement leur ISF de 75% et 50%, tout en aidant les organismes d’intérêt général et les entreprises.
Comment anticiper la réforme ?
Les particuliers peuvent envisager plusieurs solutions. Soit rendre leur patrimoine immobilier liquide en le cédant, ce qui est d’ailleurs l’un des objectifs de la réforme : faire en sorte d’avoir plus de liquidités investies dans l’économie réelle. Attention toutefois de ne pas céder son patrimoine immobilier sans attendre les contours précis de la loi. D’autant plus que le régime des plus-values immobilières et en particulier le régime des abattements concernant la durée de détention : 22 ans pour l’impôt sur les revenus et 30 ans pour les prélèvements sociaux, ne devrait pas être amené à évoluer sous l’effet de la nouvelle mesure. Soit envisager, toujours en fonction du périmètre de la réforme qui sera précisé, l’opportunité de refinancer son patrimoine immobilier par le biais d’un emprunt – avec notamment la possibilité d’y adosser un contrat d’assurance-vie.
Par ailleurs, il est à noter qu’en matière d’évaluation immobilière, qui sera l’un des principaux sujets possibles de rectification fiscale de ce nouvel IFI, le téléservice « Patrim - Rechercher des transactions immobilières » met à la disposition des particuliers depuis 2013 les informations relatives aux millions de transactions immobilières intervenues ces dernières années. Le contribuable a ainsi à sa disposition des comparables lui permettant d’évaluer la valeur de son patrimoine immobilier. La mise en place de ce service pourrait toutefois conduire à terme à une inversion de la charge de la preuve, c’est-à-dire que le contribuable pourrait se retrouver dans l’obligation d’apporter les éléments de preuve justifiant la bonne valorisation de son bien.
La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) devrait bénéficier aux foyers les plus aisés. Les contribuables dont le patrimoine net est inférieur à 2 570 000 € détiennent majoritairement des actifs immobiliers, l’impact de la réforme sera donc moindre en ce qui les concerne. A ce titre et pour ces derniers, le montant du nouvel impôt ne devrait pas fondamentalement évoluer par rapport à ce qui était déjà payé au titre de l’ISF.
Frédéric Thienpont est juriste fiscaliste au sein du cabinet GMBA Baker Tilly. Il accompagne ses clients entreprises et particuliers autour de leurs problématiques en matière de fiscalité professionnelle, privée et du patrimoine. Créé en 1989, GMBA Baker Tilly est un cabinet d'expertise comptable & fiscale, d'audit et de conseil, à taille humaine, qui conseille plus de 2000 clients (startups, PME, ETI, groupes de sociétés, associations, fondations, fonds de dotation, comités d'entreprise, filiales de sociétés étrangères...) pour un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros. Membre du réseau mondial Baker Tilly (8ème réseau) et labellisé LUCIE (label RSE de référence fondé sur la norme ISO 26 000), GMBA Baker Tilly compte 12 associés et 100 collaborateurs implantés à Paris et en Ile-de-France.
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