Encadrement des loyers : quels effets sur les locations ?
Par Stéphane Absolu, associé-fondateur de Pyxis Conseil
Le coût du logement pèse de plus en plus lourd pour les ménages français. En cause pour les locataires, la hausse des loyers nettement plus rapide que celle des revenus au cours des vingt dernières années. C’est ainsi le poste le plus important, représentant 34 % du budget des locataires et en augmentation constante depuis plus de vingt ans.
Les politiques publiques tentent de remédier à l’accroissement de cet écart, en mettant en place des dispositifs dérogatoires à la libre fixation des loyers. C’est ainsi que le mécanisme de l’encadrement des loyers a vu le jour en 2014, et que plus récemment la loi Elan (loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018 a développé le principe du plafonnement des loyers. Ces deux dispositifs coexistent aujourd’hui pour encadrer la politique de l’habitat locatif en France.
Le principe : libre fixation du loyer
La fixation du montant du loyer est libre en principe, sauf application des dispositifs d’encadrement à la hausse du loyer et/ou de plafonnement du loyer.
En effet, l’expression « encadrement des loyers » est souvent employée indistinctement pour parler de deux mécanismes :
- l’encadrement de la hausse des loyers, c’est-à-dire les limites dans lesquelles le propriétaire peut augmenter les loyers, notamment entre deux locataires. Cet encadrement à la hausse concerne les logements en zones tendues ;
- le plafonnement des loyers, c’est-à-dire le montant maximum (ou minimum) qui peut être demandé par un propriétaire à son locataire, selon le bien loué. Le plafonnement des loyers ne s’applique que dans certaines communes, notamment Paris, Lille, Lyon-Villeurbanne, et des communes du nord et est de Paris (Plaine commune et Est ensemble).
Les deux dispositifs (encadrement et plafonnement) sont cumulables et applicables à tous les baux d’habitation (location nue, location meublée, bail mobilité) :
- si le logement se situe dans une zone tendue : c’est le dispositif d’encadrement de la hausse du loyer en fonction du précédent loyer qui s’appliquera ;
- si le logement se situe dans une commune ayant mis en place le plafonnement, ce dispositif établira un loyer de référence.
Lorsqu’une place de parking est louée comme un accessoire du logement, les règles d’encadrement et de plafonnement sont applicables au loyer global (logement + parking).
En pratique, pour aider propriétaire et locataire à s’y retrouver, l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) a mis en place, à titre indicatif, un site Internet (observatoires-des-loyers.org) qui a pour vocation d’informer les parties au contrat de bail sur les niveaux de loyers pratiqués dans certains secteurs géographiques.
Exception : l’encadrement de l’augmentation des loyers
Depuis 1er août 2014, l’encadrement de l’évolution à la hausse des loyers (en cas de renouvellement ou relocation) s’applique dans certaines villes. Le décret du 29 juillet 2022 a reconduit pour un an les règles relatives à l’encadrement des loyers (nouveaux baux signés du 1er août 2022 au 31 juillet 2023). Sont concernés par l’encadrement des loyers, les logements loués à usage d’habitation principale, aussi bien en cas de renouvellement (bail renouvelé suite à modification du contrat), que dans l’hypothèse d’un bien reloué après une période de vacance locative, étant considéré comme un logement vacant le logement inoccupé proposé à la location.
Certains logements sont donc exclus, comme les logements faisant l’objet d’une première location, les logements inoccupés par un locataire depuis plus de dix-huit mois ou encore les locations saisonnières ou en meublés de tourisme, par exemple. Pour ces logements exclus, le loyer pourra donc être fixé librement.
Au niveau géographique, l’encadrement des loyers concerne les biens situés dans les communes appartenant à des zones d’urbanisation tendues de plus de cinquante mille habitants. Lorsqu’un logement vacant fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut donc pas excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire.
Les cas de dérogations au principe d’encadrement de l’augmentation des loyers
Des dérogations existent, notamment en cas de remise en location si d’importants travaux sont réalisés ou si le loyer est manifestement sous-évalué. Ainsi, lorsque le bailleur a réalisé des travaux d’amélioration ou de mise en conformité pour un montant au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer, la hausse du loyer annuel ne peut excéder 15 % du coût réel des travaux TTC.
En outre, le loyer relatif à un logement qui a fait l’objet depuis moins de six mois de travaux d’amélioration d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer peut être librement réévalué.
Attention, certaines situations sont particulières, par exemple un locataire et un propriétaire peuvent convenir d’une augmentation du loyer sur trois ans, si le locataire quitte le logement deux ans après la conclusion de cet accord d’augmentation : le locataire suivant se verra appliquer le montant du loyer réévalué en totalité, alors que le dernier loyer versé par le précédent locataire n’aura subi que les deux-tiers de l’augmentation prévue initialement.
Exception : le plafonnement des loyers
L’origine du mécanisme du plafonnement des loyers a connu de nombreux rebondissements pour arriver même à être annulé en 2017. Il a été remis en place par la loi Elan – à titre expérimental pour huit ans – sous réserve des arrêtés préfectoraux pris par les communes qui souhaitent le mettre (ou le remettre) en place. Ainsi, le plafonnement du loyer s’applique dans certaines villes (en cas de conclusion et renouvellement des baux), il ne s’applique donc pas aux reconductions tacites. Il est défini par arrêté annuel selon la catégorie de logement et le secteur géographique. A noter qu’en cas de colocation, c’est le montant total de l’ensemble des loyers de tous les colocataires qu’il convient de prendre en compte pour le calcul du plafonnement.
Les villes concernées par le mécanisme du plafonnement des loyers
Plusieurs communes ou regroupement de communes ont mis en place des mécanismes de plafonnement des loyers. Pour s’y retrouver, le site service-public.fr répertorie les règles applicables (première mise en location, renouvellement du bail, nouvelle mise en location) dans chaque commune ou ensemble de communes ayant décidé d’appliquer le plafonnement des loyers : Paris (depuis le 1er juillet 2019) ; Lille, Hellemmes et Lomme (depuis le 1er mars 2020) ; Seine-Saint-Denis : territoire de Plaine commune (depuis le 1er juin 2021) ; Lyon et Villeurbanne (depuis le 1er novembre 2021) ; Seine-Saint-Denis : territoire Est ensemble (depuis le 1er décembre 2021) ; Montpellier (à compter du 1er juillet 2022) ; et Bordeaux (à compter du 15 juillet 2022).
Dans ces communes, le préfet fixe par arrêté annuel, par catégorie de logement et par secteur géographique :
- un loyer de référence : c’est le loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l’observatoire des loyers ;
- un loyer de référence majoré : il est égal à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence ;
- un loyer de référence minoré : il ne peut être fixé à un montant supérieur au loyer de référence diminué de 30 %.
Ainsi, le loyer de base des logements mis en location est fixé entre le propriétaire et le locataire à l’occasion de la conclusion du bail, mais dans la limite du loyer de référence majoré.
A noter qu’un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base pour les logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort (qu’il conviendra de justifier), par comparaison avec des logements de même catégorie, dans le même secteur géographique.
Le règlement des litiges
Le non-respect du plafonnement entraîne des sanctions pour le bailleur. Il peut être contraint de se mettre en conformité et de reverser le trop-perçu de loyers. S’il ne se plie pas à cette obligation, il encourt une amende de 5 000 €. Le propriétaire peut également faire face à l’action par le locataire en diminution de loyer si le montant de ce dernier, fixé au contrat de bail, est supérieur au loyer de référence majoré fixé par arrêté.
Le bailleur peut, quant à lui, engager une action en réévaluation du loyer, dès lors que le loyer est inférieur au loyer de référence minoré fixé par arrêté. A noter toutefois dans ce cas, qu’à compter du 24 août 2022, l’action en réévaluation de loyer ne pourra plus être engagée pour les logements de la classe F ou de la classe G.
Les règles de fixation des loyers dans certaines zones urbaines relèvent donc d’une vraie complexité, et demandent une analyse fine pour ne pas sortir du cadre. De la part des propriétaires concernés, l’analyse doit donc se faire aussi bien au moment de l’acquisition d’un bien immobilier locatif que lors d’un renouvellement de bail, ou encore au moment de la réalisation de travaux importants dans le bien loué.
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